"Un très bon plan", de Xavier-Laurent Petit
En évoquant avec une sympathie teintée d’admiration sept vies dans l’engagement du compagnonnage, Xavier-Laurent Petit nous fait découvrir de l’intérieur une institution plusieurs fois centenaire et qui, pourtant, ne cesse de se renouveler, de se réinventer.
Yann, le plombier devenu responsable de l’institut des métiers sanitaires auprès de l’Association des Compagnons du tour de France ; Élodie, la tapissière qui travaille pour les plus grands designers ; Michel, l’ébéniste qui restaure avec passion des meubles séculaires ; Jérémy, que son activité de maréchal-ferrant entraîne aux quatre coins de la planète ; Yannick, le menuisier qui a su s’élever contre les conditions de travail inhumaines au Viêt-nam ; Caroline, la boulangère qui fait apprécier le savoir-faire français dans les pays anglo-saxons ; Yann, qui travaille les matériaux les plus rares – tous partagent une passion commune, celle d’avoir voulu « faire quelque chose de leurs mains », mais aussi celle de la transmission.
« Un manuel, c’est un intellectuel qui sait se servir de ses mains. »
On l’aura compris, le « très bon plan » de Xavier-Laurent Petit n’est autre que la vénérable institution des Compagnons du tour de France, qui œuvre depuis des générations à la promotion du travail manuel. Lorsqu’il évoque l’enquête qu’il a menée auprès des Compagnons, les interviews et les portraits photographiques qu’il a réalisés, Xavier-Laurent Petit conclut : « Ce sont les mains que j’aurais dû photographier car elles sont le centre de ces histoires... »
Et le livre est effectivement un véritable éloge du travail manuel. Mieux que tous les discours, toutes les argumentations, il montre par le biais de parcours exemplaires comment le compagnonnage, école d’exigence et d’excellence, fait accéder ses membres à une maîtrise, une reconnaissance, une plénitude dans l’exercice d’un métier que peu de formations sont à même d’égaler.
Dans une remarquable introduction, l’auteur pose le problème de l’orientation dans le système scolaire français, l’éternel déficit d’image dont souffrent les lycées professionnels et l’éternelle « prime » accordée a priori à l’intellectuel. « Pour les Compagnons, fait-il malicieusement remarquer, un manuel, c’est un intellectuel qui sait se servir de ses mains. »
« Ni s’asservir, ni se servir, mais servir. »
Il y a de la noblesse à concevoir et à savoir réaliser. Tout le monde est d’accord : « Aucun doute là-dessus, le travail est une composante du bonheur », mais dans un monde où le travail est devenu un emploi qui, de surcroît, conjugue bien souvent mécanicité et précarité, il perd de sa noblesse et conduit à la souffrance parce qu’il se fait asservissement. On appréciera donc la devise des Compagnons du devoir : « Ni s’asservir, ni se servir, mais servir. » La pensée est belle, elle témoigne d’une forme d’esprit dont notre société n’a jamais eu plus vif besoin. D’autant qu’elle s’accompagne d’une autre dimension, tout aussi essentielle aux yeux des Compagnons : le désir de transmettre.
« Transmettre, c’est donner sans se démunir. Celui qui sait se doit de transmettre son savoir. Par l’enchaînement de ces deux idées, les Compagnons (re)donnent toute sa dynamique au travail, ce projet de servir est aujourd’hui d’avant-garde. »
Donner envie de s’engager dans l’existence
L’ouvrage de Xavier-Laurent Petit devrait être mis entre les mains de tous les jeunes, qui, mal à l’aise dans le système scolaire, cherchent un sens à leur vie – gageons qu’il deviendrait vite un best-seller. Ils y trouveront non seulement des parcours exemplaires, mais surtout un souffle, une saveur d’idéal qui, à contre-courant de la morosité ambiante, fait du bien et donne envie de s’engager dans l’existence.
Intercalés entre les témoignages, de courts développements didactiques permettent de se familiariser avec l’univers particulier des Compagnons du tour de France. Mais en quoi consiste-t-il précisément, ce « tour de France » qui déborde aujourd’hui largement les frontières de l’Hexagone ? Comment s’organise la vie communautaire dans les Maisons sous l’égide des « Mères » ? Quels sont les métiers qui entrent dans le cadre du compagnonnage ?
Autant de questions auxquelles Xavier-Laurent Petit répond avec clarté et pédagogie, en nous expliquant le fonctionnement d’une société qui, parce qu’elle a su observer des lois intangibles tout en s’adaptant aux nécessités du monde moderne, peut promouvoir l’excellence et conduire ses membres à une pleine réalisation de leurs talents.