Renouveler le conseil de classe et stimuler la motivation scolaire
Le conseil de classe ! Redouté ou attendu, trimestriel ou semestriel, distributeur de félicitations ou de mises en garde… cette réunion de tous les professeurs d’une classe, du chef d’établissement, des représentants des élèves et des parents est organisée sous cette forme depuis 1985. Parfois, s’y agrègent d’autres personnels tels que les PSYEN, le médecin scolaire, les infirmiers scolaires.
L’orientation de cet article est subjectivement en faveur d’une transformation du conseil de classe afin de ne plus en faire un tribunal mais bien un lieu de conscientisation des apprentissages et donc de stimulation de la motivation scolaire.
Le conseil de classe et les textes
Le conseil de classe est défini par le décret n° 85924 du 30 août 1985, sa composition, son organisation et sa finalité y sont détaillées clairement.
« Le professeur principal […] expose au conseil de classe les résultats obtenus par les élèves et présente ses observations sur les conseils en orientation formulés par l’équipe. »
Les décisions d’orientation sont prises collectivement et arbitrées par le président du conseil de classe, c’est-à-dire le chef d’établissement, ce que précise l’article 10 du décret n° 90 484 du 14 juin 1990.
Puis la circulaire n° 98 119 du 02 juin 1998 précise les types de discours à tenir :
« La qualité des échanges d’information avec les élèves et leur famille, dans le déroulement des procédures, conditionne fortement la manière sont les élèves prendront une part active dans leurs choix d’orientation. Tout doit être fait pour que l’élève soit acteur de son évaluation et de son orientation. C’est une forme de citoyenneté que d’apprendre à se connaître et à assumer ses choix. A partir de la classe de 4e, l’élève pourra être convié à participer à son conseil de classe. »
Or, rares sont encore les établissements à avoir choisi de faire participer tous les élèves à leur propre conseil de classe.
Le conseil de classe
comme cause et conséquence de la démotivation
Selon Rolland Viau, enseignant-chercheur québécois en pédagogie, la motivation scolaire est « un concept dynamique qui a ses origines dans la perception qu’un élève a de lui-même et de son environnement et qui l’incite à choisir une activité, à s’y engager et à persévérer dans son accomplissement afin d’atteindre un but ». Les facteurs comportementaux sont des indicateurs de la motivation scolaire, alors que les facteurs internes (estime de soi) et environnementaux (activités scolaires) en constituent l’origine.
Aussi, le conseil de classe, comme il est le plus souvent pratiqué actuellement, pointe-t-il à la loupe grossissante ces fameux facteurs comportementaux mais sous-estime ou ignore la plupart du temps les facteurs internes de l’élève (émotions, estime de soi…) et les facteurs environnementaux (conditions de travail en cours, à la maison…).
De plus, et selon Albert Bandura, psychologue canadien et professeur émérite de psychologie à l’université de Stanford, l’anxiété liée à l’évaluation, au jugement, prend une place croissante à mesure que l’élève grandit et impacte ses performances scolaires.
Lors d’un conseil de classe, si l’ensemble des enseignants attribue l’échec d’un élève à une cause qui était de son ressort, cela va générer un sentiment de mépris et de colère envers cet élève et de culpabilité chez celui-ci. Alors que, si le conseil de classe attribue l’échec à des causes qui ne sont pas contrôlables, l’élève éprouvera de la honte et une mauvaise estime de lui-même, suscitant ainsi une forme d’inhibition et des comportements de retrait. Certains élèves faibles, pour préserver l’estime d’eux-mêmes, anticipent l’échec en ne s’investissant pas totalement dans la tâche scolaire demandée : ce manque d’investissement sera alors le prétexte à l’échec et non le manque de capacité d’effectuer la tâche.
Inversement, les élèves les plus performants attribuent leurs succès aux efforts qu’ils fournissent ainsi qu’à leurs capacités intellectuelles, alors que leurs échecs sont expliqués par des causes internes, transitoires et contrôlables, comme un manque de travail passager.
Le bilan effectué en conseil de classe est de plus limité par le temps ce qui ne permet pas de dépasser l’état de faits et donc de rentrer dans l’analyse des résultats et de proposer des axes de progrès, une remédiation préparée et structurée et ainsi d’agir sur la motivation externe.
Frédérique Cuisinier, docteur en psychologie à l’université de Paris X-Nanterre, met en avant le triptyque suivant qui sous-tend la motivation extrinsèque des élèves : la perception, les émotions, le comportement.
Le comportement est un attendu. En effet, en tant que professionnels de l’éducation, nous attendons de nos élèves qu’ils adoptent tel ou tel comportement ou bien qu’ils en abandonnent d’autres. Or, nous ne pouvons pas agir sur les comportements si nous n’agissons pas en amont sur la perception.
Agir sur la perception, c’est agir sur l’environnement d’apprentissage de l’élève c’est-à-dire prendre soin des trois dimensions suivantes : la dimension cognitive (les acquisitions), la dimension conative (l’engagement) et la dimension psycho-affective (bienveillance, respect, encouragement, accompagnement, coaching…) en nous préoccupant du design spatial des lieux d’apprentissages, du design temporel en soignant particulièrement les emplois du temps et enfin le comportement humain et inter-relationnel.
Il s’agirait alors de faire des constats pour ensuite proposer des axes de progrès, grâce à une approche de programmation neurolinguistique (PNL), en s’efforçant de communiquer efficacement auprès des élèves, c’est-à-dire en étant suffisamment explicites pour que notre communication débouche sur l’action voulue et que les élèves y trouvent un intérêt pour eux-mêmes (motivation intrinsèque). Repérer les éléments positifs qui constituent le cheminement scolaire de l’élève, l’inconditionnel positif ainsi que le conditionnel positif, et dire explicitement que l’on a confiance en lui, que l’on croit en lui.
Quelques exemples d’expérimentations réussies
Emmanuel Grange, professeur d’histoire-géographie et formateur académique, présente dans un article paru le 30 novembre 2015 dans le WebPédago, quelques pistes de changement : – faire du délégué de classe un partenaire à part entière, – faire établir des bilans de compétence par et pour l’élève, – amener chaque élève à participer à son conseil et à s’y exprimer, – faire un conseil de progrès.
Le Lycée pilote innovant international (LP2I) de Jaunay-Marigny, dans l’académie de Poitiers, né dans les années 1990, fait partie des établissements scolaires publics pionniers en matière d’expérimentation de nouveaux modèles de conseils de classe, en permettant à chaque élève, de la seconde à la terminale, de participer à son propre conseil de classe semestriel et de s’y exprimer en ayant préparé son introspection métacognitive personnelle. Pour avoir été moi-même élève dans ce lycée, je peux témoigner du grand bénéfice et de la stimulation que génèrent ces conseils de classe ainsi que de leur impact sur le climat de la classe.
Autre forme d’expérimentation[ii], au collège Les-Hauts-de-Plaine, dans les Hautes-Alpes, le principal, M. Bruno Verney, a mis en place un dispositif appelé « suivi de scolarité » qui repose sur une autre temporalité, un mode de communication moderne avec les familles et une organisation partagée en trois groupes de suivi distincts. Les parents et les élèves sont alors reçus pendant dix minutes pour faire le point sur le trimestre et fixer de nouveaux objectifs ensemble, ce qui permet une réelle « coéducation ».
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Il existe sur Internet une multitude d’actions menées sur les conseils de classe, la plupart du temps en collège. Chaque transformation de cette réunion cyclique répond au besoin propre d’un établissement ou repose sur la volonté de quelques enseignants, voire d’un chef ou d’une cheffe d’établissement.
Les centres académiques recherche-développement, innovation et expérimentation (CARDIE), ainsi que les IA-IPR Établissement vie scolaire (ÉVS), sont les interlocuteurs académiques à contacter afin d’être soutenu et guidé dans une démarche de transformation du conseil de classe décidée en amont en conseil pédagogique.
Bon courage pour vos futures démarches et autres audacieuses idées afin d’aider nos élèves progresser, à s’épanouir et à réussir.
Delphine Roux, proviseure adjointe,
académie de Poitiers
• Définition du Conseil de classe au collège ou au lycée sur le site Service public.
• Présentation du Conseil de classe sur le site de l’Onisep.
Mener un “Conseil “de classe porteur de progrès pour tous, nécessite selon moi une formation globale à la citoyenneté de tous les membres de cette instance; soit à la fois les adultes et les élèves.
Par formation globale à la citoyenneté, j’entends que nous soyons tous préparés, formés, à l’analyse de toutes les composantes de l’évolution positive ou négative d’un groupe; en particulier et en premier lieu, à la mesure de l’impact de nos propres savoir-faire, savoir-être, savoir-dire, savoir-entendre…et en tant qu’adultes, sur l’évolution positive ou négative d’un élève ou d’un groupe classe.
En effet, la part de la “difficulté adulte” est largement occultée lors de l’analyse des éléments pouvant jouer sur la mobilisation, la motivation, l’évolution d’une classe, tant dans sa composante individuelle que collective…
Vouloir apprécier, évaluer, conseiller, accompagner, sans être en mesure d’entendre à son propre sujet, les éventuelles remarques et questionnements, émanant des premiers intéressés, les élèves, laisse un voile sur des facteurs aux conséquences objectivement indéniables.
Facteurs qui deviennent aggravants quand ils sont perçus par les jeunes comme une solidarité de corps et de génération porteuse d’injustices.
Les adultes et les élèves n’évoluent pas sur un pied d’égalité, c’est l’évidence même.
Mais s’il est question de faire du conseil de classe un outil efficient d’accompagnement de nos élèves, il faut que nous soyons en mesure de nous donner les moyens de notre auto analyse, ainsi que ceux nous permettant de travailler notre capacité à entendre la parole de l’élève dans sa forme ,son fonds et la considérer comme un élément d’une analyse globale et non comme un jugement de nos personnes et/ou pratiques.
Un premier pas pourrait être un travail d’analyse des pratiques entre pairs…
….petite réflexion…