Rencontres de la langue française (Angers, Ancenis, Liré, 24-29 avril 2012)
Les 5e Rencontres de Liré nous conviaient, en 2010, à une histoire de familles, celles du français et des langues d’Europe.
En 2012, les journées de la langue française nous ont invités à porter un regard plus intérieur sur l’évolution du français, à partir d’un sujet qui résonne comme un paradoxe à l’heure où les échanges européens ou mondiaux imposent le partage des langues sous la domination de l’anglais, et où se développe le langage nouveau des communications informatiques, visuelles ou orales.
Comment la maîtrise de la langue, dans un contexte socio-économique difficile, pourrait-elle permettre la réussite personnelle, sociale ou artistique ? La langue française, elle-même, est-elle en bonne position pour cela, en France et dans la francophonie ?
Ce sont ces questions que les Lyriades ont souhaité soulever pour ces Rencontres 2012, étant donné l’importance que revêtent la parole et l’écrit dans un monde où les illettrés n’ont pas disparus, où l’école est critiquée, où le travail est mal partagé, alors que la réussite est jugée garante de la valeur de l’individu.
Pour mieux prendre en compte les dimensions du sujet, il a semblé souhaitable d’abord, au début du colloque, de faire le point sur ce qu’on peut appeler la “réussite” de la langue française en France et dans la francophonie.
Sous la présidence de Jean-Luc Jaunet, délégué académique honoraire à l’évaluation et à la pédagogie, représentant du recteur de l’académie de Nantes auprès des Lyriades, vice-président délégué des Lyriades, Claude-Gilbert Dubois, professeur honoraire de l’université de Bordeaux 3, a montré comment, aux XVI-XVIIe siècles, la langue française avait été un facteur d’unification nationale, de renaissance des lettres et de valorisation sociale, tandis qu’Éric Francalanza, professeur à l’université de Brest, s’est attaché à réfléchir à l’éclat de la langue française au XVIIIe siècle en France et en Allemagne.
Christine Jacquet-Pfau, maître de conférence au Collège de France, a mis en évidence les conséquences sur l’évolution de la langue de la démocratisation du français au XIXe siècle. Jacques David, maître de conférence à l’université de Cergy-Pontoise, a insisté sur les problèmes pédagogiques qu’impliquait l’enseignement du français en contexte multilingue. C’est dire que la belle réussite du français jusqu’au siècle des Lumières semble modifiée au début du XXIe siècle, notamment dans les pays d’outre-mer, comme nous l’a expliqué l’écrivain Roland Brival. Ce premier état de réflexion a été complété par des échanges nourris entre les intervenants et le public.
C’est plus particulièrement aux questions de réussite socio-professionnelle qu’a été consacrée la deuxième journée du colloque
Sous la présidence de Françoise Argod-Dutard, professeur des universités, vice-présidente des Lyriades, Geneviève Dubois, phoniatre et thérapeute du langage, a expliqué la genèse, chez le tout-petit, de la langue maternelle. Béatrice Pothier, professeur à l’université catholique de l’Ouest, s’est attachée à montrer les difficultés du passage à l’écrit et à la langue sociale. Christian Laue, conseil en recrutement, a souligné le rôle de la précision du langage dans l’entretien d’embauche.
C’est plus largement à des questions de société qu’a été consacrée la deuxième partie de l’après-midi : Joanna Nowicki, professeur à l’université de Cergy-Pontoise, a analysé les caractéristiques de la «langue de bois» tandis qu’un débat a mis en évidence les pouvoirs de la langue des médias sur les modes de penser. Ce sont donc les aspects de la langue française propres à influer sur la vie sociale et la réussite professionnelle qui ont été mis en lumière.
La langue comme facteur de réussite artistique a été au cœur de la troisième partie. C’est le choix du français comme langue d’écriture qui a été évoqué, précisé et illustré avec conviction par l’écrivain tchadien Nimrod, professeur à l’université d’Amiens. Cette langue singulière, vecteur esthétique, est d’ailleurs souvent travaillée par les connotations, les références culturelles et les métissages de toutes sortes, comme la bien montré Nicolas Martin-Granel, checheur associé au CNRS. Cette spécificité a été précisément analysée, sur le plan linguistique, par Pauline Bernon-Bruley, maître de conférences à l’université d’Angers.
C’est à des questions plus largement génériques que les deux dernières communications ont donné cours, Catherine Douzou, professeur à l’université de Tours, s’intéressant aux apports du français littéraire au théâtre contemporain et Jean-Pierre Goudailler, professeur à l’université de Paris-Descartes, aux dialogues de films.
La table ronde qu’a dirigée Jean-Luc Jaunet a complété cette réflexion sur la langue française et les arts puiqu’il y a été question des rapports entre langue littéraire, musique et chansons.
Les diverses questions abordées au cours des trois journées du colloque ont été amplifiées par un séminaire pédagogique, dirigé par Michel Gramain, inspecteur académique-inspecteur pédagogique régional de l’académie de Nantes, consacré à la maîtrise de la langue à l’école, et par une table ronde sur le rôle de l’école dans la formation et la réussite de l’élève ou de l’étudiant.
L’incidence de la langue sur le plan professionnel a été débattue et approfondie par deux tables rondes, l’une dédiée à la réinsertion, dirigée par J. Branger, et l’autre, organisée par D. Beaumon, à l’insertion dans le milieu du travail.
Enfin, pour élargir la problématique proposée, la place et l’utilité du français au contact des autres langues dans la francophonie ont fait l’objet d’un débat qui a réuni à Liré les représentants des principaux organismes officiels du français dans le monde.