Pouvoir politique et liberté d’expression : Spinoza à la rescousse

Spinoza, par Franz Wulfhagen (1664)
Spinoza, par Franz Wulfhagen (1664)

Ces malheureuses circonstances provoquent de toutes parts des remarques qui s’inscrivent sur le fond de problèmes constituant encore des défis pour la bonne intelligence des conditions du « vivre ensemble ».
On entend partout l’hurlante invocation de nos droits fondamentaux, ceux de la liberté de penser et de s’exprimer, face au fanatisme intolérant qui, à travers eux, s’en prend à l’ordre public.
« La guerre est déclarée », déclament même certains.
Comment toutefois ne pas être frappé par ce à quoi nous avons assisté ces derniers jours : un duel entre, d’un côté, la république (littéralement, la res publica, la chose publique) et, de l’autre, une minorité infime incarnée dans quelques individus ? Duel incompréhensible s’il en est, compte tenu de l’incommensurabilité des forces en opposition.
Mais duel incompréhensible seulement si nous le pensons en termes de « guerre », comme certains responsables politiques l’ont fait expressément.

S’agit-il d’une « guerre » ?

Si c’était une guerre, c’est-à-dire un conflit entre des puissances de même nature, comment pourrions-nous expliquer en effet que quelques individus puissent tenir autant de temps face à plusieurs dizaines, centaines, milliers de combattants ? C’est bien que ce n’est pas une guerre, car il n’y a pas de guerre possible contre la terreur – ou plutôt, si c’est une guerre, c’en est une par la métaphore qui verrait un ennemi dans une entité abstraite qu’on appelle le terrorisme.
Mais il ne faudrait pas que la métaphore nous masque alors le sens véritable de cet événement insupportable, et pire encore nous conduise à des postures autoritaires et sécuritaires qui présupposeraient que se joue ici un rapport de forces extérieures l’une à l’autre et qui contribueraient ainsi à amplifier la crise plutôt qu’à nous en sortir.
On est certes tenté de rejoindre les discours autorisés qui pensent créer un front républicain unitaire dont on aime rappeler la force et la prétendre infaillible quand il s’agit de garantir les libertés fondamentales que l’on croit menacées de l’extérieur. Mais on pourrait envisager les choses autrement, et inversement, en considérant que l’atteinte aux libertés de penser et de s’exprimer est précisément le signe d’une certaine faiblesse de notre république. Car si notre république était assez forte, comment, en son sein, pourrait-on atteindre ces droits qui fondent notre société ?
 

Que faudrait-il faire pour protéger les libertés individuelles ?

Cette dernière question nous en fait rencontrer une autre plus redoutable encore : que faudrait-il faire alors pour protéger les libertés individuelles, notamment celles de penser et de s’exprimer ? C’est bien, à première vue, quelque chose que nous croyons pouvoir attendre du pouvoir politique. Et pourtant, cela peut-il vraiment incomber à l’État ?
Pour protéger les libertés individuelles, celui-ci ne serait-il pas conduit, en effet, à intervenir de telle manière qu’il risquerait de menacer ce qu’il chercherait pourtant à protéger ? Par exemple, attendre que l’État empêche l’intolérance de s’opposer à la libre expression d’opinions, c’est faire de lui un arbitre au sein de la société civile et il deviendrait inévitablement un obstacle au libre débat des idées. À l’inverse, on pourrait penser que la meilleure manière que le pouvoir politique aurait de protéger les droits fondamentaux des citoyens, notamment ceux de penser et de s’exprimer librement (même contre l’ordre institué), consisterait dans son repli, laissant ainsi l’espace aux diverses aspirations de chacun.
Pour ne pas être contradictoire, même face à l’intolérance, l’État ne devrait alors pas tant être soutenu ou renforcé que limité et circonscrit, afin de ne pas porter lui-même atteinte aux libertés individuelles. C’est là, grosso modo, la position du libéralisme politique contre toute forme d’absolutisme ou de totalitarisme. Selon cette opposition classique, de deux choses l’une : ou bien l’État est fort et on peut attendre de lui qu’il nous apporte la sécurité au risque néanmoins d’y perdre nos droits individuels, ou bien ces derniers dépendent d’un repli de son pouvoir, auquel cas l’État deviendrait le garant extérieur des libertés de chacun.
Nous connaissons les effets de la première voie de l’alternative, celle de l’absolutisme, et savons donc que nous ne pouvons pas en attendre grand-chose concernant la liberté de penser et de s’exprimer : un pouvoir absolu ne peut précisément tenir qu’en les résorbant, et ainsi ne jamais tenir très longtemps car la répression élève toujours contre elle les revendications de justice qui la détruiront.
En revanche, nous pourrions nous interroger sur les prérogatives apparentes d’une position libérale eu égard à ces droits fondamentaux : si nous sentons que nos libertés de penser et de nous exprimer sont aujourd’hui gravement menacées, nous ne pouvons pas dire que c’est par manque de libéralisme de la part de notre État. Mais alors comment comprendre que les libertés individuelles puissent être en danger dans une démocratie foncièrement libérale comme la nôtre ?
Remarquons que, bien que ces conceptions classiques des formes de l’État constituent les deux versants d’une opposition apparemment radicale, elles impliquent le même présupposé : que l’on soit en faveur d’un État fort limitant les libertés individuelles ou en celle d’une garantie des libertés individuelles limitant le pouvoir de l’État, on tient dans les deux cas pour admise une opposition entre celui-ci, le pouvoir de l’État, et celles-là, les libertés individuelles.
 

Un État est d’autant plus puissant que ses membres sont libres

C’est là que nous pouvons alors lire Spinoza. Car chez le philosophe hollandais du XVIIe siècle, cette opposition disparaît et c’est dans sa philosophie politique que nous oserons  saisir des clefs qui nous permettront peut-être de mieux cerner l’abomination qui nous a meurtris.
Comme nous allons le voir, Spinoza cherche non pas à concilier l’individu et l’État, les libertés individuelles et l’ordre politique commun, mais à en montrer l’identité, ou encore l’égalité : les individus sont d’autant plus libres qu’ils vivent dans un État dont ils obéissent aux lois, mais pas n’importe quel État : un État qui est d’autant plus puissant que ses membres sont libres.
Il nous semble que Spinoza pourrait répondre à la question qui nous occupe : comment la république unifiée peut-elle prétendre protéger nos libertés, aujourd’hui atteintes en plein cœur, alors qu’elle est censée elle-même reposer sur leur garantie ? C’est peut-être parce que face à ce qui est en train de se passer, l’État ne devrait pas tant crier sa force dans une guerre qu’il intenterait contre « le » terrorisme, que reconnaître justement sa faiblesse sans laquelle cela n’aurait pu se passer. Autrement dit, nous ne devrions pas seulement proclamer que cette infamie est intolérable, mais peut-être d’abord penser qu’elle ne devrait pas pouvoir arriver.
 

Le Traité théologico-politique de Spinoza : une lecture actuelle et urgente

En 1670, Spinoza publie de manière anonyme son Traité théologico-politique, le seul des textes achevés qui paraîtra de son vivant. Le programme de cette œuvre est annoncé dans son sous-titre : « contenant plusieurs dissertations qui montrent que la liberté de philosopher non seulement peut être accordée sans dommage pour la piété et la paix de la république, mais aussi qu’on ne peut l’ôter sans ôter en même temps la paix de la république et la piété » (traduction J. Lagrée et P.-F. Moreau aux PUF).
Par liberté de philosopher, il faut entendre ici la liberté de juger et d’exprimer ses idées. Autant dire que tout l’ouvrage, dans ses deux parties qui examinent respectivement les rapports de cette liberté avec la religion d’abord, puis avec la souveraineté de l’État ensuite, sans bien sûr que les deux soient dissociées, tout l’ouvrage, donc, semble singulièrement se prêter à une lecture très actuelle et sans doute très urgente. Nous n’aborderons ici que la fin de cette œuvre magistrale qui résonne nerveusement avec les circonstances.
Évoquons le titre du dernier chapitre, le vingtième, dans lequel « on montre que, dans une libre république, il est permis à chacun de penser ce qu’il veut et de dire ce qu’il pense ». Selon Spinoza, la souveraineté de l’État doit veiller à ce que les sujets ou les citoyens soient toujours libres de penser et de s’exprimer, car il en va de la liberté et donc de la puissance même de la république. Une république où l’on ne peut être libre de jugement et de parole sera entravée par l’indignation des individus, quand bien même ils auraient tort.
« Les hommes, écrit le philosophe, sont ainsi faits, pour la plupart, qu’ils ne supportent rien avec moins de patience que de voir tenues pour criminelles les opinions qu’ils croient vraies, et imputé à crime ce qui les pousse à la piété envers Dieu et les hommes. Cela les conduit à haïr les lois et à tout oser contre le Magistrat ; à juger qu’il est non pas honteux, mais au contraire tout à fait légitime, de soulever pour cette raison des séditions et de provoquer n’importe quel trouble » (p. 645).
 

Les opinions des hommes sont de l’ordre de l’imagination

Ne faut-il pas admettre avec Spinoza que, compte tenu des individualités diverses, il est impossible de faire que tous pensent de la même manière, que tous partagent les mêmes opinions et croyances ?
« C’est que, pour l’essentiel, les opinions des hommes sont de l’ordre de l’imagination, et que, de façon irréductible, l’imagination de chacun (récits qu’il échafaude, images qu’il projette sur le monde) dépend de sa “complexion” propre – ce que Spinoza appelle d’un terme difficilement traduisible son ingenium (le “naturel de chacun”) » (Étienne Balibar, Spinoza et la politique, PUF, p. 39).
Et selon le philosophe, les lois ne sauraient déterminer les complexions individuelles autrement que l’a fait la nature, ce qui revient à dire que l’État ne peut transformer les opinions de ses membres. Mais, au contraire, il doit en assurer la libre expression car il en va du sort de la république, qui ne pourrait tenir sans la loyauté de ses citoyens :
« Mais admettons que cette liberté puisse être réprimée, et les hommes si bien contenus qu’ils n’osent souffler mot que sur l’injonction du souverain. Cela ne les déterminera assurément jamais à ne penser rien d’autre que ce que veut le souverain ; il s’ensuivra donc nécessairement que ces hommes, chaque jour, penseront une chose et en exprimeront une autre, et par conséquent que la loyauté, tout à fait nécessaire dans une république, sera corrompue, et que la flatterie et la perfidie, choses vraiment détestables, seront encouragées ; d’où naîtront la fraude et la corruption de tous les bons principes. Mais tant s’en faut, en vérité, qu’il soit possible de déterminer tous les hommes à parler dans des limites fixées d’avance ; bien au contraire, plus on prendra soin de leur ôter la liberté de parler, plus ils mettront d’obstination à résister […] » (pp. 644-645).
En définitive, si l’on ne peut pas faire taire les hommes, qui s’exprimeront toujours pour le meilleur et pour le pire, c’est que tenter de les conduire au silence ou à des discours autorisés qui ne correspondent pas à leur opinion, serait non seulement tout à fait vain, car ils continueraient de penser à leur façon (en ce sens le syntagme de « pensée unique » est tout à fait malheureux, et quand bien même une telle pensée existerait, il ne servirait à rien de demander à ce que les hommes en changent), mais  serait même dangereusement une manière de favoriser la discorde civile.

La liberté de penser et d’expression, aspect essentiel d’un état de droit qui soit libre

Spinoza propose donc de faire de la liberté de penser et d’expression un aspect essentiel d’un état de droit qui soit libre. Seulement, il importe de bien distinguer entre, d’un côté, la sphère du jugement personnel et de son expression et, de l’autre, celle de l’action qui doit toujours, comme le rappelle le philosophe, être conforme à la loi. Considérer que l’on est libre de s’exprimer ne signifie pas que l’on est libre de façonner la société à sa façon. Et c’est là la grande subtilité de la position de Spinoza qui, en même temps qu’il préfigure les plus libérales conceptions de la tolérance, maintient l’idée d’une souveraineté absolument forte de l’État.
C’est que pour lui, la liberté des individus et la puissance de l’État vont de pair. La force de l’État est proportionnelle à la puissance des individus qui y prennent part de manière active. Or, pour que les individus soient actifs dans la sphère publique, il ne faut pas que leur puissance d’agir soit contrariée par la répression.
Cela a  deux conséquences :
• d’une part, Spinoza est favorable à la démocratie, qu’il considère comme le régime le plus proche de l’état où les hommes suivent leur droit naturel, qui correspond en même temps à leurs singularités individuelles (la liberté de penser et d’expression relèvent de ce droit naturel) ;
• d’autre part, il circonscrit la portée de la religion dans les limites de la souveraineté de l’État : si les pratiques religieuses peuvent s’effectuer sous l’autorité des Églises, leur usage doit rester sous le contrôle du pouvoir politique, toute action devant être conforme à la loi. Ainsi, aucune opinion religieuse ne pourrait alors devenir officielle en tant que telle – ce qui, là encore, permet aux différents points de vue de cohabiter.

La troublante actualité des premières pages du chapitre XX du Traité théologico-politique

« S’il était aussi facile de commander aux âmes qu’aux langues, tout souverain règnerait en sécurité et il n’y aurait pas de pouvoir d’État violent. Car chacun vivrait selon la complexion des gouvernants, et jugerait selon leur seul décret de ce qui est vrai et faux, bien et mal, juste et injuste. Mais, […], il est impossible que l’âme d’un homme relève absolument du droit d’un autre homme. Personne ne peut transférer à autrui son droit naturel, c’est-à-dire sa faculté de raisonner librement et de juger librement de toutes choses ; et personne ne peut y être contraint. C’est pourquoi l’on considère qu’un État est violent quand il s’en prend aux âmes ; c’est pourquoi aussi la majesté souveraine paraît opprimer les sujets et usurper leur droit, quand elle veut prescrire à chacun ce qu’il doit embrasser comme vrai et rejeter comme faux, et par quelles opinions son âme doit être incitée à la dévotion envers Dieu. Car tout cela relève du droit de chacun, que nul ne peut abandonner quand bien même il le voudrait.
Certes, le jugement d’un homme peut être subjugué de bien des façons, et à un point presque incroyable – de sorte que, sans relever directement du commandement d’un autre, il soit pourtant suspendu à la parole de cet autre, si bien qu’on peut dire à juste titre qu’il relève du droit de ce dernier. Pourtant, quoi que l’habileté puisse obtenir en ce domaine, on n’en est jamais parvenu à une situation où les hommes n’aient pu apprendre par expérience que chacun abonde dans son propre sens, et qu’il y a autant de différence entre les têtes qu’entre les goûts. […] Et si on pouvait concevoir quelque moyen [d’échapper aux rumeurs et aux interprétations défavorables], ce serait possible tout au plus dans l’État monarchique, mais non dans l’État démocratique qui est indivisiblement dans les mains de tout le peuple ou de sa plus grande partie. Pourquoi il en est ainsi, j’estime que c’est clair pour tout le monde.
Bien que le souverain ait droit sur toute chose, et soit considéré comme l’interprète du droit et de la piété, il ne peut cependant jamais empêcher que les hommes ne jugent de toutes choses selon leur propre complexion et ne soient dans cette mesure affectés de telle ou telle passion. Il est vrai qu’il peut tenir à bon droit pour ennemis tous ceux qui ne pensent pas absolument comme lui sur toutes choses ; mais, quant à nous, nous discutons non de son droit mais de son intérêt. J’admets qu’il a le droit de régner avec la dernière violence, et d’envoyer les citoyens à la mort pour les motifs les plus faibles ; mais nul ne croira que cela puisse se faire selon le jugement de la saine raison. Bien plus : comme il ne peut agir ainsi sans exposer l’État tout entier aux plus grands dangers, nous pouvons même nier qu’il ait la puissance absolue d’agir de cette façon ou d’une façon semblable, et par conséquent qu’il en ait le droit absolu. En effet, le droit du souverain est déterminé par sa puissance […].
C’est pourquoi, si personne ne peut abandonner la liberté de juger et de penser ce qu’il veut, si chacun est au contraire maître de ses pensées par le plus haut droit de la nature, il s’ensuit que dans aucune république on ne peut tenter (si ce n’est avec un insuccès total) d’obtenir que les hommes, si divergentes et opposées que soient leurs opinions, ne parlent que selon le commandement du souverain. […] Le plus violent des États sera donc celui où l’on refusera à chacun la liberté de dire et d’enseigner ce qu’il pense. En revanche, un État bien réglé sera celui où l’on accordera à chacun cette liberté. […]
La fin de la république, c’est donc en fait la liberté.
Pour former la république, une seule condition, nous l’avons vu, avait été nécessaire : que toute la puissance de décider soit remise aux mains de tous ou de quelques-uns ou d’un seul. Car, comme le libre jugement des hommes est tout à fait varié et que chacun croit être le seul à tout savoir, comme il ne peut arriver que tous partagent la même opinion et parlent d’une seule voix, ils ne pourraient vivre pacifiquement si chacun n’abandonnait le droit d’agir selon le seul décret de son esprit. Donc chacun a abandonné seulement le droit d’agir selon son propre décret, mais non le droit de raisonner et de juger.
Ainsi nul ne peut-il agir contre le décret du souverain sans mettre en péril le droit de celui-ci ; mais chacun au contraire peut penser et juger sans la moindre restriction – et par conséquent aussi parler, pourvu qu’il se contente seulement de parler et d’enseigner, et qu’il défende ses thèses par la seule raison, et non pas par la ruse, la colère et la haine, ou avec l’intention d’introduire quelque nouveauté dans la république par l’autorité de son décret » (pp. 633-639).

 

Faire de la tolérance un principe absolu

Avec Spinoza, nous pourrions dire par conséquent que ces terribles récents événements ne révèlent pas tant une menace extérieure aux droits fondamentaux de notre république que le manque de sa puissance, qui devrait lui permettre de garantir la cohabitation des diverses opinions en assurant toutes les libertés de penser et de s’exprimer.
Le fait que ces dernières aient pu être tragiquement bafouées ne peut être dissous par la force de notre république alors même que semble s’y révéler sa faiblesse. Et l’on voit bien que le principe de tolérance tel que le pose le libéralisme ne saurait suffire, car il demeurerait toujours dans les limites que lui imposeraient les intolérants : dans notre société, la tolérance s’arrête là où commence l’intolérance car l’intolérance est de facto posée comme intolérable.
Or c’est bien là peut-être l’enseignement que nous pouvons tirer de Spinoza : il s’agirait plutôt de faire de la tolérance un principe absolu qui neutraliserait l’idée même d’intolérance. Il faudrait que la tolérance triomphe de l’intolérance : mener une guerre contre l’intolérance au nom de la tolérance ce serait réduire la portée de cette dernière. C’est qu’on peut tolérer même l’intolérance tant que celle-ci demeure au niveau de la pensée et de la parole.
Il n’y a d’intolérable que ce qui n’est pas conforme à la loi qui règle les actions, autrement dit seules les actions qui attentent à l’ordre public sont intolérables. En renforçant sa puissance et sa souveraineté, c’est-à-dire en même temps les libertés individuelles de penser et de s’exprimer selon son opinion, l’État doit donc veiller à ce que l’intolérance ne puisse jamais devenir intolérable.
 

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Pour terminer, il nous reste à appeler de nos vœux une protection souveraine de la presse qui, avant cet ignoble attentat contre Charlie Hebdo, agonisait déjà par manque de moyens et de soutiens – puisse l’effroi ne pas nous le faire oublier.
Et puisse l’État ne pas se replier en laissant faire les circonstances ; qu’il affirme au contraire sa puissance en faisant ressusciter le véritable journalisme qui depuis trop longtemps manque de souffle pour prendre la parole et s’exprimer librement.
Qu’on puisse ainsi abattre de talentueux empêcheurs de tourner en rond est le signe d’un abandon politique qui doit laisser la place, si nous ne voulons pas voir notre État souverain s’affaiblir davantage, à une assimilation de la grandeur de notre république avec l’étendue des libertés de penser et de s’exprimer, notamment à travers le rire qui nous garde bien de nos passions tristes et semble ainsi tenir la raison par la main.

Florian Villain

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• Cogito « Charlie » ergo sum, par Antony Soron.
Le temps des paradoxes, par Pascal Caglar.
Le bruit du silence, par Yves Stalloni.
• Trois remarques sur ce que peut faire le professeur de français, par Jean-Michel Zakhartchouk.
• Paris, dimanche 11 janvier 2015, 15h 25, boulevard Voltaire, par Geoffroy Morel.
• « Fanatisme  » , article du  » Dictionnaire philosophique portatif » de Voltaire, 1764.
• Pouvoir politique et liberté d’expression : Spinoza à la rescousse, par Florian Villain.
Racisme et terrorisme. Points de repère et données historiques, par Tramor Quemeneur.
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Florian Villain
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