OCDE : Regards sur l'éducation 2014
Regards sur la littératie
Comme toujours, les enquêtes de l’OCDE sur l’éducation fournissent une telle débauche de chiffres et d’informations que chacun peut y trouver son bonheur, son centre d’intérêt, ses raisons d’espérer ou de désespérer.
Il y a bien un commentaire officiel (celui d’Éric Charbonnier), mais il suffit de faire une revue de presse pour noter les divergences d’analyse :
L’Étudiant titre : “L’ascenseur social français à la peine” ;
Le Figaro : “L’OCDE pointe le manque de préparation pédagogique des enseignants français” ;
Le Point : “OCDE : l’éducation progresse en France”.
All is true ! comme dirait Balzac. Oui tous ces commentaires sont vrais, et je me recommanderais de cette liberté de lecture pour pointer à mon tour une vérité confirmée par l’enquête : l’importance des compétences « littéraires » dans la réussite sociale et professionnelle.
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Littératie et numératie
Regards sur l’Éducation 2014 est en fait une synthèse élargie d’enquêtes précédentes, notamment l’étude TALIS du printemps dernier sur la condition des enseignants, et plus encore l’enquête PIAAC (Programme for the International Assessment of Adults Competencies), publiée en 2013, portant comme sur les compétences des adultes de 16 à 65 ans.
Le rapport officiel pour la France réorganise ces Regards autour de trois thèmes :
I. Le lien entre niveau de formation, de compétence et d’employabilité.
II. La situation des enseignants, condition de travail et salaire.
III. Les ressources investies dans l’éducation dans le contexte actuel de crise économique.
C’est dans le premier thème que se rencontre le néologisme de littératie, cette mesure des capacités à comprendre un écrit et à réagir de façon appropriée devant un texte. Cinq niveaux de compétence sont proposés aux participants, avec des textes et des questionnaires aux difficultés croissantes (maximum 500 points).
Malgré la barbarie du mot, la littératie est donc un outil de très haute civilisation. Il a d’ailleurs un frère jumeau tout aussi élégant pour le calcul et les mathématiques : la numératie, échelle de mesure tout aussi diaboliquement efficace.
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Quelles relations entre niveau de formation, compétences et emploi ?
Or que dit l’enquête du rapport entre niveaux de formation, compétences et emploi ? « Cette analyse montre que le marché du travail récompense les individus les plus compétents en littératie. » Autrement dit, point de salut dans notre société sans un bon niveau en littératie. Qui l’eut cru ? Les qualités de lecture, de compréhension, de reformulation, de discussion sont celles qui conduisent le plus sûrement à la réussite professionnelle.
De l’importance du cours de français. De l’importance de la maîtrise de la langue. De l’importance de l’explication de texte. De l’importance de l’argumentation. Quels que soient les efforts accomplis, quels que soient les mots d’ordre affichés, quelles que soient les réformes entreprises, ce qui est fait pour le français comme discipline scolaire, d’éducation et d’intégration reste et restera encore longtemps insuffisant. Parce que le défi ne peut se satisfaire de progrès marginaux.
Des progrès enregistrés…
Des progrès sont cependant constatés. L’enquête signale que le niveau de formation a considérablement augmenté en France depuis 40 ans. Contrairement aux idées reçues, les plus jeunes ont même des résultats en littératie supérieurs aux plus anciens (+ de 45 ans), preuve que l’enseignement fonctionne plutôt bien.
Du reste, pas besoin des chiffres de l’enquête pour savoir qu’il y a plus de bacheliers aujourd’hui qu’il y a trente ans, que l’enseignement supérieur se démocratise, que les diplômés s’insèrent mieux sur le marché du travail que les moins qualifiés, qu’il reste encore beaucoup d’inégalités selon les régions, les classes sociales et les niveaux d’étude, et que la formation professionnelle doit être développée et soutenue pour tous et non pour les seuls plus favorisés. Tout cela va, tout cela s’entend.
Mais l’enquête montre aussi qu’à formation égale, les compétences font la différence. Et revoilà la littératie qui en France n’est pas la chose la mieux partagée.
…mais l’enquête PIAAC 2013 jette un froid
Réalisée à l’automne 2012 auprès de 7 000 Français de 16 à 65 ans, elle établit que seuls 7,7% des adultes, pourcentage bien inférieur à la moyenne internationale, se situent aux niveaux les plus élévés de littératie (et de numératie soit dit en passant).
Inutile de se consoler en disant qu’il y a encore plus faible que nous, à savoir l’Italie, l’Espagne, et Chypre : nous sommes quasiment sur le podium en partant de la fin, loin derrière le Japon et la Finlande, également premiers en numératie.
Pire, nous sommes le pays où les résultats varient le plus selon l’origine sociale, c’est-à-dire que les moins mauvais appartiennent aux classes supérieures (les plus diplômées), et, autre triste distinction, le pays où les individus d’origine étrangère ont le plus de difficulté à atteindre le niveau moyen du test, même après plusieurs années de séjour en France.
La littératie est en panne à l’école
Conclusion : la littératie est socialement et professionnellement très valorisante et pourtant dans le système d’éducation elle est engluée dans ses difficultés. À la pointe du succès donc, mais en panne à l’école. En grâce et en crise.
« Le marché du travail récompense les individus les plus compétents en littératie » : si l’Éducation nationale prenait un peu sa part dans cette reconnaissance publique, c’est l’ensemble des enseignants de lettres qui en serait aussi récompensé. Souhaitons que la prochaine réforme des programmes contribue à améliorer nos futurs scores aux enquêtes de l’OCDE.
Pascal Caglar
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• L’enquête PIAAC : évaluation des compétences des adultes.
• Regards sur l’éducation 2014. Les indicateurs de l’OCDE.
• Voir sur le site de “l’École des lettres” : OCDE : TALIS 2013, de l’enquête à la feuille de route, par Pascal Caglar.