Nouveaux programmes : tout ça pour quoi ?
Ces derniers jours les médias ont relayé le mécontentement des enseignants confrontés aux nouveaux programmes en application depuis le mois de septembre : œuvres obligatoires, nouvelles préparations, lourdeurs des objets d’étude, incertitudes sur les nouvelles épreuves, incompatibilité de l’ensemble avec le temps disponible, absence de réponses des corps d’inspection…
Si ces réformes contribuaient à l’amélioration de la formation des élèves, meilleure culture, meilleur savoir-faire, meilleur approche de la vie citoyenne, on pourrait appeler à la patience, à l’apprivoisement de ces programmes, mais chacun sait que ces derniers changements, comme les précédents, n’auront jamais le moindre effet sur le niveau des élèves, au collège comme au lycée. Le surcroît de travail n’aura qu’un peu plus alimenté le mécontentement des enseignants et donné des airs de volontarisme dans l’action du ministère.
Qui a l’expérience de longues années d’enseignement, qui a vu défiler ministres et programmes sait bien qu’aucune génération n’a vu sa connaissance de la langue ou de la littérature changée par les réformes successives : une œuvre de plus ou de moins, un objet d’étude, un type d’exercice ajoutés ou supprimés, tout cela est sans poids pour l’instruction de l’élève mais tout cela est lourd pour le travail du professeur.
Aussi, si ces réformes ne profitent ni à l’éducation des élèves, ni à la qualification des enseignants, à qui profitent ces programmes sans cesse rénovés sinon à la communication du ministère ? C’est sur le dos des professeurs, contraints de refaire leurs cours, de reprendre l’étude d’ouvrages universitaires, de revoir leur pédagogie et leurs objectifs, que le ministère affiche auprès de l’opinion le sérieux de sa gestion des affaires éducatives. Toute cette somme d’instructions, d’orientations, de recommandations, de documentation est dérisoire, mais si son pouvoir réformateur est nul, son pouvoir mobilisateur est grand : l’État se mobilise pour l’éducation, sans cesse et entouré des plus grands experts.
Quand laissera-t-on la paix aux enseignants ? Quand les laissera-t-on définir eux-mêmes leur programme, les lectures à prescrire, les exercices à maitriser ? Quand leur fera-t-on réellement confiance ? Quand reconnaîtra-t-on que l’enseignant est le seul qui connaisse sa classe, ses élèves et les objectifs qu’il peut atteindre avec eux ? Le ministère est une usine à produire des textes réglementaires, des textes d’accompagnement, des textes de ressources et de documents, les sites officiels rivalisent d’informations, et pendant ce temps le prof est dans sa classe confronté à l’absent de tous les bureaux ministériels : l’élève, l’élève en chair et en os, celui qu’il faut gérer, celui qui est loin des idéaux de l’école, celui que la vie entraîne dans les réseaux de l’Internet, celui qui n’a que faire de telle ou telle innovation dans les programmes.
Combien de professeurs partent heureux en retraite, heureux de quitter non pas leurs élèves, mais les prescriptions du ministère ! Combien ont aimé leur métier avec le sentiment que l’administration de l’Éducation nationale scolaire ne les aidait pas !
Nouveaux programmes, nouveau bac : juste de quoi constituer les premiers souvenirs de ceux qui rentrent dans la carrière, premiers souvenirs d’un ballet de réformes qu’ils connaîtront jusqu’à leurs dernières rentrées, à 62 ans ou plus…
Pascal Caglar
Je nuancerais un peu le propos : nous nous désolons de voir nos élèves incapables de lire Racine ou La Fontaine or nous pouvons être certains qu’ils ne sont pas plus bêtes que ceux d’il y a trente ans. Leurs difficultés proviennent en grande partie d’un manque de familiarité avec les structures grammaticales complexes, les antépositions ou rejets de la langue classique, etc. Réintroduire de la grammaire n’est donc pas chose inutile, de la même manière l’explication linéaire invite à interroger prioritairement le sens du texte.
Quant aux œuvres imposées, il faut voir à quel point certains descriptifs de bac s’ingéniaient à éluder les œuvres classiques, proposant un roman de Bernadette Lafon, une pièce d’Eric Emmanuel Schmitt (auteurs contre qui je n’ai rien en particulier) et faisant une brève incursion dans le XIXe avec Baudelaire. Les œuvres imposées sont une véritable ambition pour les lycéens, même si je concède que c’est bien le professeur qui devrait les choisir et non le ministère.
« Combien de professeurs partent heureux en retraite, heureux de quitter non pas leurs élèves, mais les prescriptions du ministère ! Combien ont aimé leur métier avec le sentiment que l’administration de l’Éducation nationale scolaire ne les aidait pas ! » J’adhère à l’ensemble de cet article, toujours juste, mais je suis encore plus d’accord avec ces phrases-là. J’ai seulement eu la chance d’enseigner au collège où les contraintes sont un peu moindres.
Merci