Nouveau brevet, quand la compétence se fait note
La plupart des établissements de France et de Navarre n’ont pas abandonné, malgré la forte pression du ministère, les notes. La plupart des professeurs de France et de Navarre se trouvent donc condamnés à la double tâche d’évaluer leurs élèves par des notes et par des compétences.
Le nouveau brevet a parfaitement acté cette situation puisqu’il invite à évaluer les élèves à la fois par un système de validation des compétences, elle mêmes transformées par le miracle des conseils de classes – et les rectifications opérées par la hiérarchie – en… notes.
Pour faire simple le conseil de classe accorde 400 points. L’épreuve orale nébuleuse qui portait sur les EPI ou les différents « parcours » du collégien vaut 100 points et les quatre épreuves passées par les collégiens au cours de l’examen final rapportent 200 points.
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Un brevet plus dévalué qu’évalué
Les conseils de classe se sont donc retrouvés avec l’obligation de convertir des notes en compétences qui elles-mêmes devraient redevenir notes, avec le barème suivant :
- 10 points : maîtrise insuffisante
- 25 points : maîtrise fragile
- 40 points : maîtrise satisfaisante
- 50 points : très bonne maîtrise
Si tout le monde voit ce qu’est un 10 ou un 12 sur 20. Il faut avouer que la note sur 50 est déjà plus difficile à conceptualiser. Un calcul rapide nous conduit au barème suivant :
- 4 / 20 : maîtrise insuffisante
- 10 /20 : maîtrise fragile
- 16 /20 : maîtrise satisfaisante
- 20 /20 : très bonne maîtrise
Il s’avère que beaucoup d’élèves qui ont une maîtrise insuffisante de l’écrit se retrouvent, en français, avec des moyennes trimestrielles de 7, 8 / 20 – nous cherchons toujours un exercice, une petite performance orale qui leur permette de se racheter. Ces élèves se sont donc retrouvés dotés, pour la plupart des compétences relevant du français, de la mention « maîtrise fragile » qui leur accorde la moyenne. La majorité des élèves moyens qui ont en français des notes de 11 à 13 obtiennent évidemment la compétence « maîtrise satisfaisante » qui leur procure 16 de moyennes…
Inutile de continuer avec ces calculs d’apothicaires, mais on voit bien que les conversions malines opérés par les stratèges du ministère vont infailliblement faire progresser le taux d’acquisition de ce pauvre brevet finalement plus dévalué qu’évalué.
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Bienveillance ou complaisance ?
Si l’on ajoute à cela les pressions subies par les chefs d’établissement à l’issue des conseils de classe, on constatera que le contrôle continu a donné à une grande majorité d’élève le fameux brevet. Un collègue directeur de collège me confiait pas plus tard qu’hier soir qu’il avait dû faire face à une avalanche de coups de fils venant de parents mécontents et lui demandant de revoir les conditions d’attributions des compétences à l’issue des conseils de classe de son établissement. Il ne m’a pas dit s’il avait cédé ou pas.
Ce que j’ai pu constater c’est que, dans mon établissement, moins de 10 % des élèves n’avaient pas leur brevet au moment d’aller passer les épreuves. Comme dans beaucoup de collèges, la hiérarchie a choisi de rectifier les attributions de compétences effectuées par les conseils de classe, sous prétexte qu’elles n’étaient pas « cohérentes » au regard des notes attribuées en cours d’année.
On pourrait aussi s’interroger sur la répartition des points au sein même de l’épreuve terminale : pourquoi une épreuve simplissime comme celle de physique / SVT (une heure sur table) reçoit-elle le même coefficient que l’épreuve de français (trois heures de composition) ?
Les élèves consciencieux ont déjà parfaitement compris que seule une mention très bien révélerait la valeur de leur travail. Pour les autres ce brevet est une aubaine qui confirme la « bienveillance » – pour ne pas dire la complaisance – d’un système qui semble tout mettre en œuvre pour valoriser la médiocrité.
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Le brevet ? – Un “machin”
On reprochait aux notes leurs subjectivités : que dire des compétences transformées en notes et tripatouillées ? On reproche aux examens le caractère aléatoire de l’interrogation, le contrôle continue y remédie, certes, mais encore faut-il qu’il soit honnête.
Nos élèves ne sont pas bêtes et la plupart qui jubilent en allant passer une épreuve qu’ils ont déjà ont saisi la dimension carnavalesque de ce « machin » qu’est devenu le brevet. Le ministre de l’Éducation nationale qui songe à « muscler le bac » ferait bien de se pencher sur ce brevet squelettique qui révèle les incohérences et les atermoiements d’un système miné par ses controverses idéologiques.
Stéphane Labbe