"Moonrise kingdom", de Wes Anderson
Pendant l’été 1965, sur une île de Nouvelle-Angleterre, un jeune scout, Sam, et une adolescente, Suzy, font une fugue pour vivre une idylle à l’écart du monde.
Inquiets, les adultes de l’île partent à leur recherche, mettant l’île sens dessus-dessous. Au même moment, une violente tempête menace le littoral.
Un événement qui va venir bouleverser encore plus le quotidien de cette petite communauté sans histoire.
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Le thème de la famille au centre du film
La nostalgie des années 50-60 est à la mode. Mais avec Wes Anderson, il ne s’agit pas du monde impitoyable de Mad men, mais d’un univers poétique, plein de grâce et d’humour. Décors stylisés, costumes qui semblent sortir des illustrés de l’époque, dialogues décalés et mise en scène au quart de tour.
Le thème de la famille, qui avait révélé le cinéaste de La Famille Tenenbaum en 2001, et revenait de façon poignante dans The Darjeeling Limited en 2008 avec la recherche par trois frères de leur mère jusqu’au bout du monde, est également au centre de ce film, plus grinçant que jamais. Comme si Wes Anderson remontait de plus en plus loin dans l’exploration d’un inconscient très chargé de rancune envers sa propre famille.
Même les instruments de l’orchestre du Young Person’s Guide to the Orchestra de Benjamin Britten qu’écoutent les enfants sont ostensiblement classés par familles.
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Une « arche de Noé dans la tempête »
Dès le début, l’habitation des Bishop apparaît comme une maison de poupée agrandie dans laquelle le prologue nous introduit au moyen de travellings d’une grande virtuosité : chaque pièce est conçue comme un tableau vivant aux personnages statiques dans cette famille idéale qui va se révéler encore plus répulsive pour la jeune Suzy que celle des parents d’accueil de son amoureux orphelin.
Cette stylisation graphique accentuée par un humour potache est inspirée par l’illustrateur Norman Rockwell dont le réalisme côtoie la caricature. La situation vaudevillesque, la loufoquerie verbale et l’atmosphère du conte font de cette famille un fantasme domestiqué. Une arche de Noé dans la tempête, comme le suggère la pièce jouée par les élèves de l’école de Suzy, qui annonce en abyme l’inondation finale.
Le décalage est frappant entre l’amertume sous-jacente et le comique des acteurs qui s’amusent à démolir leur image, Bill Murray et Bruce Willis en tête. Fidèle à lui-même, Wes Anderson raconte, en tenant à distance Alice au pays des merveilles et Walt Disney, l’histoire pleine de grâce d’un fol amour d’enfants. Curieusement, c’est la sophistication de la mise en scène qui donne vie à cet univers enfantin – son univers –, qu’il réussit une fois de plus à nous imposer avec la désinvolture que seule permet une rare maîtrise.
Anne-Marie-Baron