Mobilisation de l’École pour les valeurs de la République. Discours de Najat Vallaud-Belkacem, 22 janvier 2015
Discours prononcé par Najat Vallaud-Belkacem le 22 janvier 2015, à Matignon.
“Face à l’horreur, chacun de nous a cherché les mots pour répondre aux questions des enfants et des jeunes qui nous entourent. C’est une mission difficile, de grande humanité qu’ont eu à mener les enseignants de France lorsque, dès le lendemain de ces attentats barbares, ils ont rassemblé les enfants pour se recueillir et, à ma demande, libéré la parole dans leurs classes.
Avec pédagogie, ils ont déployé ces trésors quotidiens d’écoute et d’argumentation qui sont le sens même de leur mission éducative. Pour ce faire, ils ont pu compter sur leur expérience, sur les outils repérés ou saisis dans l’urgence, mais aussi sur les ressources pédagogiques que les services du ministère de l’éducation nationale ont mis à leur disposition, dans la nuit suivant le premier attentat, sur le site éduscol.education.fr, consulté près de 200 000 fois en quelques jours.
Je veux rendre hommage à cette mobilisation exceptionnelle de la communauté éducative toute entière. Les innombrables témoignages disent cette mobilisation sincère, pleine, des adultes dans les classes et les cours d’école. À l’image de la nation rassemblée, les équipes éducatives ont fait face à l’obscurantisme et ont délivré ce que l’école peut offrir de meilleur : du dialogue éducatif, des repères moraux appuyés sur la connaissance. Là où les équipes éducatives étaient en difficulté, elles ont été appuyées, dès la semaine dernière, parles cadres de l’éducation nationale que j’ai mobilisés à cette fin. Je tiens à les saluer ainsi que les recteurs, les directeurs académiques et leurs collaborateurs qui ont mis en œuvre ce soutien concret et opérationnel.
Bien sûr, il y a eu des difficultés, des incidents dans tous types d’établissements, tant il est vrai que l’école n’est pas étanche aux dérives et aux troubles de notre société. Oui, parfois, des enseignants ont eu le sentiment d’être livrés à eux-mêmes, insuffisamment formés ou outillés pour répondre à l’ampleur des questionnements. Oui, des incidents, parfois graves, ont impliqué des élèves. L’école a réagi immédiatement, avec fermeté et discernement. Je le dis avec gravité : l’école assume pleinement son rôle éducatif et ne tolère aucune remise en cause des valeurs de la République. Mais l’école doit aussi réfléchir à ce que ces incidents ont révélé : au-delà des questions ingénues ou des affirmations gratuites de jeunes en construction, derrière les « oui c’est grave, mais » ou les « deux poids, deux mesures », il y a aussi la « mésinformation » de certains élèves, pour partie informés exclusivement par les réseaux sociaux, la pénétration d’une théorie du complot disant la suspicion généralisée, la défiance à l’égard des institutions et des médias traditionnels. Ce qui est insupportable, ce n’est pas le fait que des enfants s’interrogent, c’est de constater combien l’école est aujourd’hui confrontée aux dérives du relativisme généralisé, à une perte de repères diffuse dans notre société. Une éducation aux médias et à l’information est à cet égard plus que jamais nécessaire pour que les jeunes puissent être en mesure de saisir la réalité des faits, au-delà des images choc et des fausses explications.
La meilleure des réactions que nous pouvions avoir après la sidération, après l’émotion, était de se poser, ensemble, toute la communauté éducative réunie, pour partager un diagnostic, loin des débats déformés qui auraient affaibli notre école.
Cette mobilisation, je l’ai faite, en recevant tour à tour les organisations représentatives des personnels enseignants et non enseignants, les parents, les lycéens, les étudiants, les collectivités locales, les anciens ministres de l’éducation nationale, les associations d’éducation populaire, les acteurs de la lutte contre le racisme et l’antisémitisme.
Ces dix jours d’échange ont été intenses, d’une authenticité rare.
Si j’ai pris ce temps, c’est parce qu’être à la hauteur de l’enjeu, créer le sursaut collectif dont notre République a besoin, ne pouvait passer par l’annonce précipitée de mesures urgentes. Vous le savez, le temps de l’éducation n’est pas celui de l’immédiat. L’urgence, c’était de réfléchir collectivement.
C’est pourquoi cette mobilisation, qui a commencé le 11 janvier dernier, n’a pas vocation à s’arrêter aujourd’hui avec cette conférence de presse.
Bien au contraire, à ce premier temps, je veux que succèdent dans chaque établissement, dans chaque quartier, dans chaque ville des réunions, des débats qui permettent à chacun de partager ce qu’il a vécu, de décliner les mesures de manière opérationnelles et de se demander ce qu’il peut faire de mieux.
Ce qu’il peut faire de mieux pour améliorer la transmission des connaissances, premier moyen de lutter contre l’obscurantisme.
Ce qu’il peut faire de mieux pour transmettre les valeurs de la République.
Ce qu’il peut faire de mieux en faveur de ceux qui subissent les inégalités de notre société, pour lutter contre le déterminisme social et le sentiment d’exclusion de la communauté républicaine, ressenti par trop de nos concitoyens.
Le sursaut ne doit pas venir que d’en haut. L’impulsion viendra aussi des réalités du terrain. La déconnexion entre la morale que pourrait donner l’école et les discours contraires portés dans certains médias et parfois même dans la vie sociale, au travail ou en famille, est plus que préoccupante. Elle est délétère et rend le discours de l’école inaudible. Dans une société où les lieux de débats ont déserté la vie sociale, et ou bien peu de médias proposent des informations adaptées à l’enfance et à l’adolescence, la tentation est grande de conférer un rôle démiurgique à l’école, alors qu’elle a plus que jamais besoin de la mobilisation de tous ses partenaires. C’est pourquoi le sursaut doit être collectif et pérenne. La consultation pour « la mobilisation de l’école et de ses partenaires pour faire vivre les valeurs de la République » se poursuit donc jusqu’au mois d’avril pour des mesures opérationnelles dès la rentrée des classes 2015. Elle permettra d’apporter des réponses aux questions suivantes : Comment rétablir de la mixité sociale dans nos territoires et nos établissements ? Comment ouvrir véritablement des perspectives de réussite scolaire et professionnelle à chacun de nos jeunes ? Comment contrer à l’intérieur autant qu’à l’extérieur des murs de l’école les discours de haine et de repli sur soi ?
Sans attendre, bien sûr, le ministère de l’Éducation nationale a souhaité apporter de premières réponses.
D’abord parce que les incidents ou plus généralement les difficultés des derniers jours ont révélé une vulnérabilité des enseignants face à des défis qu’ils ne sont pas suffisamment formés et accompagnés à relever. Or, on ne le dira jamais assez, aucune ambition ne peut être portée sans les enseignants. Alors que leur métier n’a peut-être jamais été aussi exigeant, que leur place, leur rôle dans la société est parfois mis en cause, nous devons leur transmettre de la confiance. C’est cette confiance de la République dans ses enseignants qu’ils transmettront à leur tour à leurs élèves. Avoir confiance dans les enseignants, c’est avoir confiance dans la République, et cela suppose, au-delà des mots, un soutien sans faille par ce qui est le coeur de leur métier : la formation.
Nous avons rétabli la formation initiale. La capacité des candidats à « expliquer et à faire partager les valeurs de la République » sera désormais évaluée systématiquement dans les concours de recrutement. Les ESPE feront une place prioritaire dans le tronc commun aux apprentissages fondamentaux sur la laïcité, l’animation des débats, les usages des médias, et nous évaluerons à la fin de l’année scolaire l’homogénéité de la formation.
Il nous faut également relancer une formation continue en déshérence depuis trop longtemps. Les besoins sont immenses : formation à la gestion de groupe, à l’animation des débats, à l’enseignement des questions dites sensibles, à la manière de faire vivre la laïcité et la citoyenneté, aux usages des médias ou aux technologies numériques.
Un plan exceptionnel de formation continue sera déployé dans les prochains mois pour y répondre. 1000 premiers formateurs aguerris seront formés sur la laïcité et l’enseignement moral et civique avant la prochaine rentrée scolaire, afin qu’ils puissent à leur tour répondre aux besoins de formation et d’accompagnement de leurs pairs. Ce principe de formation par les pairs sera ensuite diffusé dans l’ensemble des établissements du premier et du second degré.
Au-delà des sujets identifiés, il sera demandé à chaque école, à chaque établissement de faire remonter ses besoins, afin de construire un plan de formation adapté aux territoires, soutenu par de nouveaux modules dédiés à l’enseignement laïque des faits religieux et aux usages numériques de l’information. Le sursaut auquel nous invitaient ces derniers jours de trouve d’abord là, dans la capacité de note institution à n’être pas que dans le descendant. Faisons confiance à notre million de personnels, qui mieux que quiconque savent comment être aidés.
Mieux accompagner les enseignants dans leurs pratiques quotidiennes, c’est aussi leur fournir des ressources pédagogiques et des outils efficaces, adaptés, percutant pour les élèves (ce sera l’objet de la série de films cours sur les combats historiques pour les valeurs de la République ou du portail de ressources dédié à lutter contre le racisme et antisémitisme) utiles pour eux-mêmes et notamment un livret laïcité et des argumentaires régulièrement actualisés. Des outils utiles enfin pour la société toute entière comme ceux de prévention contre les phénomènes de radicalisation que nous nous apprêtons à diffuser.
La formation et l’accompagnement ne seront cependant rien si les enseignants continuent trop souvent à être contestés dans leur enseignement, contestés dans leur autorité, perturbés par des incivilités.
Oui, l’école a une fonction morale. Oui, indéniablement, la question de l’autorité à l’école se pose.
Celle du respect du maître et du respect entre élèves bien sûr. Cela s’appelle les règles de civilité et de politesse et dans l’intérêt même des élèves, on ne doit avoir aucune faiblesse envers les comportements qui y portent atteinte.
Oui, ces règles doivent être précisées dans un règlement intérieur qui sera, avec la Charte de laïcité, présenté, expliqué aux élèves et à leurs parents qui les signeront pour manifester leur engagement à les respecter.
Oui, tout comportement contraire devra faire l’objet d’un signalement systématique au directeur d’école ou au chef d’établissement et ce dernier est invité à y donner suite par un dialogue éducatif solennel associant les parents et le cas échéant une sanction.
Personne n’a dit que ce serait facile, mais au moins les instructions seront-elles désormais claires et sans équivoque. Au « ne pas faire de vague » souvent bien intentionné devra succéder le « ne pas laisser passer » pour fixer les limites dont les élèves et futurs citoyens ont besoin pour se construire.
Et d’ailleurs, dans la panoplie des sanctions et mesures éducatives, il sera fait recours bien plus fortement qu’aujourd’hui aux mesures de réparation et de responsabilisation. Ces mesures ne représentent qu’à peine 4 % des sanctions aujourd’hui, je veux les voir étendues. À cet effet, les chefs d’établissement devront s’engager dans des partenariats avec des structures d’accueil, en s’appuyant sur ceux d’ores et déjà conclus au niveau national avec la Croix rouge, l’AFEV ou bien d’autres associations.
Parce que je sais que ces nouvelles règles ne s’installeront pas du jour au lendemain, j’ai demandé à chaque recteur d’établir un schéma de mobilisation des cadres de son académie pour apporter un soutien aux équipes et établissements en difficulté, en prolongement de leur mobilisation actuelle.
Mais, au-delà de la gestion des incidents, la question de l’autorité de l’école et à l’école, c’est celle du cadre collectif dans lequel évoluent les élèves.
Et là encore, oui il y a nécessité d’améliorer le sentiment d’appartenance des élèves à une collectivité, qui a ses rites et ses symboles et en premier lieu, le principe de laïcité qui est au fond un principe de liberté (de pensée), d’égalité (de droits et de devoirs) et de fraternité (de vivre ensemble). Une journée de la laïcité sera célébrée dans tous les établissements chaque 9 décembre, journée anniversaire de la loi de séparation des Églises et de l’État. La laïcité n’est pas l’instrumentalisation qui a pu en être faite par certains au service du refus d’une religion, créant une incompréhension ou une défiance chez certains de nos concitoyens. Elle est au fondement de l’école parce qu’elle distingue le savoir du croire, qu’elle transforme l’enfant en élève, permettant de dépasser les spécificités individuelles, les parcours personnels et familiaux, pour créer un « nous » commun et républicain. Je revendique la laïcité comme une chance, comme une valeur qui, avec l’égalité, permet à l’école d’être à la fois garante de la conscience républicaine collective et de l’émancipation individuelle des élèves. C’est pourquoi la pédagogie de la laïcité est au coeur de notre mobilisation.
Au-delà, et pour créer ce collectif indispensable, il sera demandé de définir précisément dans les projets d’écoles et d’établissements scolaires les modalités de participation active des élèves aux commémorations patriotiques ainsi qu’aux semaines de l’engagement et de lutte contre le racisme.
Enfin, l’organisation solennisée d’un temps annuel d’échanges avec l’ensemble de la communauté éducative (cérémonie de remise de diplômes, valorisation les réussites des élèves, spectacles de fin d’année) sera systématisée.
Un tel cadre n’aura pas de sens si on se contente de le plaquer.
Son intérêt, au-delà de la préservation d’un environnement serein propice aux apprentissages, c’est aussi d’accompagner et de faire vivre la citoyenneté et la démocratie dans les établissements.
Il n’est pas de meilleur apprentissage de la citoyenneté pour les élèves que d’en faire l’expérience personnelle.
Et c’est pourquoi, j’ai décidé qu’au-delà du nouvel enseignement moral et civique qui sera délivré dès la rentrée prochaine, c’est un véritable parcours éducatif citoyen que suivront désormais tous les élèves, de la primaire jusqu’au lycée dans toutes les filières.
Un parcours citoyen qui s’inscrit dans la durée, qui mobilise le temps scolaire et périscolaire.
Un parcours qui se nourrit du futur enseignement moral et civique enfin sanctuarisé à partir de 2015 pour toutes les classes, soit 300 heures dans une scolarité. 300 heures pas seulement d’apprentissage des droits et devoirs mais aussi d’expérimentation pratique du débat, de l’esprit critique, de l’analyse – en partant notamment de l’indispensable lutte contre les préjugés. J’ai demandé au conseil supérieur des programmes qu’il améliore le projet d’enseignement moral et civique actuel sur la base de la consultation, de manière à intégrer de manière transversale les problématiques de lutte contre le racisme, l’antisémitisme et toutes les formes de discriminations, les notions de droits et de devoirs, le principe de laïcité.
Un parcours qui s’alimente de l’éducation aux médias et à l’information, qui traversera les programmes et à laquelle seront formés les enseignants, tant savoir décrypter l’information et l’image, apprendre à se forger une opinion sont devenus indispensables dans notre démocratie.
Un parcours qui se matérialisera par l’opportunité offerte dans chaque collège/lycée aux élèves de participer à un média (blog, radio, journal, plateforme collaborative en ligne) tant le meilleur apprentissage des enjeux, de la fiabilité et de l’interprétation des infos est d’apprendre à produire soi-même.
Un parcours se nourrira enfin de la participation des élèves à la vie sociale et démocratique de la classe, de l’établissement. Les conseils d’enfants seront développés à l’école primaire, ainsi que les conseils de la vie collégienne, et les conseils de la vie lycéenne feront l’objet d’un soutien renforcé. Des partenariats seront recherchés avec les collectivités locales, les associations, les médias pour concourir à ces expériences. Ces partenariats seront inscrits dans les projets d’école et d’établissement.
Pour valoriser ces expériences et leurs acquis, ce parcours sera évalué à la fin de la scolarité obligatoire selon des modalités qui veilleront à valoriser non pas les performances, mais l’engagement qu’il aura requis et que chaque élève sera amené à présenter.
Développer chez les élèves la citoyenneté et la culture de l’engagement ne pourra se faire qu’en associant les partenaires de l’école.
Au premier rang desquels les parents, qui comme co-éducateurs ont des droits et des devoirs et que l’école doit mieux associer. À cet effet, j’ai décidé la création d’un comité départemental d’éducation à la santé et à la citoyenneté, compétent pour le premier et le second degré. Associant l’ensemble de la communauté éducative, ce comité permettra de nourrir des projets départementaux. Des espaces parents seront développés dans chaque école et établissement. La généralisation de la « mallette des parents » sera accélérée.
Au-delà des parents, les collectivités locales et les associations de l’éducation populaire sont des acteurs majeurs de la réussite éducative.
En accord avec mon collègue Patrick Kanner et l’association des Maires de France, nous inclurons dans les projets éducatifs territoriaux (PEDT), qui vont être généralisés dans le cadre des nouveaux rythmes scolaires, un volet laïcité et citoyenneté, financé par un fonds d’État de 10 M€ à destination des associations de jeunesse et d’éducation populaire. Ces associations seront davantage mobilisées sur les territoires les plus fragiles grâce à des conventions pluriannuelles d’objectifs redéfinies au regard des enjeux actuels.
Avec les collectivités locales, nous travaillerons à accélérer le développement d’internats de la réussite de proximité. Nous inclurons dans les contrats de ville un axe « laïcité et citoyenneté » et amplifierons les programmes de réussite éducative pour mieux accompagner l’environnement social des élèves.
Mais la situation actuelle appelle une mobilisation encore plus large. C’est pourquoi je veux mobiliser l’ensemble des citoyens désireux d’apporter leur concours aux missions de l’école, bénévoles associatifs, grands témoins, simples citoyens. Ils ont été innombrables a nous dire leur disponibilité a accompagner les élèves vers la réussite et les écoles dans l’accomplissement de leur mission. À cet effet, une réserve citoyenne d’appui aux écoles et aux établissements sera constituée dès ce printemps, dans chaque académie, sous l’autorité des recteurs. Aucune bonne volonté ne doit rester à la porte de l’école.
Il faut cependant le rappeler, l’école ne se fera entendre que si elle ne perd elle-même jamais de vue les missions premières qui sont les siennes : la transmission rigoureuse des savoirs, la résorption des inégalités. Nous devons mettre un terme à l’écart entre le discours sur les valeurs et les réalités quotidiennes vécues par les familles.
Le Président de la République l’a dit, l’élévation du niveau des connaissances est un enjeu prioritaire, la maîtrise du français (lecture, écriture) au premier chef, car ce que disent aussi les perturbations, les provocations, les impossibles débats, c’est aussi la faiblesse langagière des jeunes gens. Un chantier prioritaire pour la maîtrise du français est lancé dès aujourd’hui. Il n’y a pas de possibilité d’argumentation si les enfants manquent d’aisance dans le maniement de la langue ; il n’y a pas de débat possible si la capacité d’écouter l’autre pour le comprendre n’a pas été éduquée ; il n’y a pas d’accès possible à une culture de la raison et du jugement si le goût des idées, le plaisir de penser par soi même dans l’échange avec d’autres, la capacité à comprendre des textes qui aident à dépasser son point de vue, n’ont pas été développés dès l’école primaire.
Une évaluation du niveau des élèves en français sera mise en place au début du CE2 pour permettre aux équipes pédagogiques de détecter les difficultés et de mettre en place une réponse adaptée aux besoins de chaque enfant, en lien avec le conseil scientifique de la DGESCO pour rendre accessibles aux acteurs de terrain les résultats de recherches et d’expériences en France et à l’étranger. Les apprentissages des élèves allophones nouvellement arrivés en France seront facilités par la mise en place de dispositifs d’inclusion scolaire, et les moyens du dispositif « Ouvrir l’École aux Parents » pour la réussite des enfants seront augmentés.
Au-delà de cet enjeu de maîtrise des savoirs fondamentaux, élever le niveau de l’école pour permettre la réussite du plus grand nombre, c’est poursuivre et amplifier la refondation de l’école. C’est ce que nous ferons ces prochains mois avec le socle commun de connaissances, de compétences et de culture, les nouveaux programmes sur l’ensemble des cycles, la réforme du collège et de l’évaluation, mais aussi une stratégie déterminée pour vaincre le décrochage scolaire, dont les moyens budgétaires seront renforcés sans délai.
Pour lutter contre le décrochage et la rupture sociale la dynamique formation/emploi est la plus efficace et c’est pourquoi une coopération résolue sera conduite avec le monde économique pour développer les tutorats d’entreprises dans le cadre du futur parcours professionnel des élèves.
Comme nous avons commencé a le faire, nous poursuivrons de façon résolue le développement de l’apprentissage ainsi que des campus des métiers et des qualifications (14 aujourd’hui, 17 de plus prochainement) qui offrent des parcours mixtes particulièrement appréciés.
Surtout nous ouvrirons les dispositif « pépite » (pôles de soutien a la création d’entreprise) des universités à d’autres publics, pour accompagner le désir d’entreprendre de tous les jeunes, même sans diplôme.
Résorption des inégalités, ensuite. Beaucoup a déjà été engagé en ce sens : nouveaux rythmes scolaires pour faciliter les apprentissages, réforme de l’éducation prioritaire et allocation des moyens prenant en compte les besoins sociaux, scolarisation avant 3 ans dans les territoires prioritaires. Mais nous devons aller plus loin, car l’engagement contre les déterminismes sociaux passe aussi par une politique active de mixité pour agir sur la composition sociale des collèges. Concrètement, les recteurs vont travailler, à compter de rentrée 2015, à déterminer avec les collectivités compétentes, des modalités plus équilibrées de sectorisation afin de pouvoir remplir pleinement leur rôle dans l’affectation des élèves. Il est temps de prendre nos responsabilités pour enrayer le séparatisme social dans les établissements scolaires.
Dans ce combat contre les inégalités, une attention toute particulière sera portée aux publics les plus vulnérables. Pour mieux accompagner les enfants en situation de pauvreté et leurs familles, le financement des fonds sociaux sera porté à 45 M€ (soit une augmentation de plus de 20%) afin d’apporter des réponses financières immédiates à la situation d’élèves en difficulté. Pour accompagner les jeunes ayant commis un acte de délinquance et placés sous main de justice, le développement des compétences sociales et civiques sera intégré dans le parcours de formation des mineurs détenus.
Enfin, nous voulons, avec Geneviève Fioraso, impliquer pleinement la recherche pour éclairer la société dans son ensemble sur les fractures qui la traversent et les facteurs de radicalisation, et agir contre les inégalités qui minent le contrat social. L’agence nationale de la recherche est sollicitée pour renforcer le soutien aux travaux relatifs aux causes de la radicalisation dans les sociétés contemporaines. Nous allons renforcer le rôle de l’Institut universitaire de France et créer des emplois d’enseignants chercheurs et de chercheurs dans les « disciplines rares » lorsqu’elles correspondent à un thème identifié comme prioritaire, conformément aux préconisations du livre blanc des études françaises sur le Moyen-Orient et les mondes musulmans.
L’enseignement supérieur prendra tout sa part à l’entreprise générale que je viens de décrire, en développant la culture de l’engagement, par le soutien aux projets étudiants, la reconnaissance des compétences acquises lors d’engagements citoyens, une mobilisation pour le service civique universel en facilitant les dispositifs de césure, mais aussi un combat résolu contre le racisme et l’antisémitisme avec la mobilisation de référents dédiés au sein de chaque établissement.
La mobilisation de l’école pour les valeurs de la république est une démarche à la fois immédiate, opérationnelle, et au long cours, qui suppose des moyens dédiés. [L’effort budgétaire pour l’ensemble de ces mesure est estimé, sur les 3 prochaines années, à plus de 250 M€, dont 71 M€ sur 2015 que le ministère financera, après l’accord du Premier ministre que je remercie, par le redéploiement de crédits gelés.]
Comme le Premier ministre l’a annoncé, la mobilisation se poursuit à tous les échelons avec l’ensemble des acteurs. Au-delà d’un pilotage national associant tous les partenaires de l’école et d’une mobilisation académique qui déclinera ce plan à partir des besoins des territoires au sein des nouveaux comités départementaux d’éducation à la santé et à la citoyenneté, je souhaite impliquer chaque école, chaque collège, chaque lycée. Dans les prochaines semaines, tous ces établissements détermineront leur parcours citoyen, avec non seulement la mise en place de l’enseignement moral et civique, mais aussi des actions permettant de célébrer et de valoriser les rites républicains et des symboles de la République (Marianne, hymne national, drapeau, devise). C’est ainsi que la démocratie et la participation viennent soutenir et enrichir l’engagement de toute la nation pour l’école.
Mesdames, Messieurs, cette « grande mobilisation de l’École pour faire vivre les valeurs de la République » est le commencement d’une ambition renouvelée pour l’école de la République qui s’achèvera sur des mesures opérationnelles lors la prochaine rentrée. Vous le voyez, toutes les compétences et l’engagement de ce ministère sont mobilisés pour que vive, à l’école, l’esprit du 11 janvier, cet attachement profond aux valeurs républicaines et cette exigence de citoyenneté qui sont le cœur même de l’école de République.”
Najat Vallaud-Belkacem
• Plaquette de présentation des principales mesurées adoptées.
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