L’invasion de « Zèbres » dans les écoles du XXIe siècle
Depuis quelques années, nous assistons à une invasion de zèbres dans nos écoles, collèges et lycées. Animaux extraordinaires ou chimères agaçantes, les zèbres ne laissent pas indifférent le monde de l’éducation et questionnent sur leur place dans le système scolaire.
Qui sont-ils ? Pourquoi les repérons-nous seulement maintenant ? Quelles sont leurs particularités ? Et surtout, comment évoluent-ils, à l’âge adulte ?
Qui sont les zèbres ? Quelles sont leurs particularités ?
Vous l’aurez compris il ne s’agit pas là d’herbivores vivant en Afrique centrale mais bien d’enfants aux potentiels singuliers et variés. Qualifiés autrefois de « surdoués », ils portent des noms variés : enfants intellectuellement précoces, hauts potentiels ; ou bien réduits à leurs sigles : EIP, HP. C’est la psychologue Jeanne Siaud-Facchin qui a popularisé le terme poétique de “zèbre” pour échapper aux qualificatifs traditionnels.
Le système cognitif
Celui des zèbres est dit-on en « arborescence », pour le dire simplement, ils sont capables de penser à plusieurs choses à la fois (contrairement à la pensée linéaire) ce qui peut devenir paradoxalement handicapant car engendrant des difficultés de concentration. Leur hyperactivité mentale nécessite un besoin quasi constant de stimulations afin d’éviter le vide cérébral, donc la déprime, voire le « bore out », ou plus tard, dans la vie professionnelle, le sentiment de sous-exploitation. De plus, le zèbre a tendance à compliquer les choses car il est difficile pour lui d’imaginer que les choses peuvent être simples. Curieux de tout, il a besoin de se nourrir d’abstractions, de concepts, d’idées, d’alimenter ses connaissances ainsi que son imaginaire pour ensuite inventer et créer à son tour.
Le zèbre a la particularité d’utiliser majoritairement son cerveau droit, on le dit « neurodroitier ». Autrement dit et pour simplifier à nouveau, il a la capacité de voir en image et d’utiliser les émotions liées à ces images pour mémoriser. Il possède un grand sens de l’anticipation et peut se révéler être assez visionnaire, pouvant ainsi voir la fin d’une situation sans savoir en expliquer clairement le cheminement. Sa curiosité est particulièrement développée lors des changements d’environnement qui sont alors stimulants (lorsqu’il voyage par exemple)
Des potentialités multiples
Ces enfants sont multipotentiels, c’est-à-dire qu’ils s’intéressent à beaucoup de choses, ils ne se centrent pas sur un seul sujet. D’où cette impression de zapping ou qu’ils ne vont pas au fond des choses, qu’ils ne persévèrent pas, qu’ils sont instables ou dilettantes. Or, leur potentiel fait qu’ils saisissent rapidement les informations importantes à la compréhension globale d’un sujet, ils se font leur propre idée en un temps record et finissent par s’ennuyer s’ils ne passent pas à un autre.
Ils ont donc des lubies, des hobbies qui vont et viennent au gré de leur curiosité du moment. Les généralistes ou multipotentiels vivent mal le fait d’être longtemps sur un même sujet puisqu’ils ont cette capacité de faire du lien et de créer du sens entre différents domaines d’études, à se nourrir de toute connaissance en les synchronisant ensemble, ce qui les rend très créatifs voire innovants.
L’hypersensibilité
Leur structure neuronale étant différente, ces enfants sont hypersensibles, se comprennent et s’attirent entre eux car ils n’ont alors pas besoin de se travestir pour être acceptés de et compris par leurs pairs. Les hypersensibles peuvent l’être au sujet de la lumière, des odeurs, des sons, du toucher. Ils peuvent être très sensibles aux ambiances, aux lieux, aux énergies. Ils sont les baromètres sensibles des ambiances de classes ou de familles, détectant ainsi de façon fine et intuitive les tensions, les anxiétés, les tristesses, les peurs… des adultes.
Difficultés sociales et scolaires
Le zèbre peut éprouver des difficultés à se faire des amis à l’école, il peut être victime de harcèlement. Il peut également avoir des difficultés notamment en mathématiques, il peut être victime de phobies scolaires. A la fin du collège et au lycée, il vit une crise d’adolescence amplifiée et rejette l’autorité. Élève rebelle, agaçant et agacé, il pousse l’adulte dans ses retranchements, le teste et le juge.
Pourquoi l’école tarde-t-elle à les repérer ?
Le syndrome de l’imposteur
Le zèbre se sent différent des autres, mais il se sent inférieur aux autres. Il ne comprend pas les mêmes choses au même moment, il peut être en décalage, se mettant dans des situations scolaires problématiques comme ne pas donner une réponse attendue, ne pas comprendre une consigne ou bien faire un hors-sujet. Aussi, le zèbre a-t-il une stratégie d’évitement, il crée sa propre exclusion. Il se cache, fait l’idiot, se tait, se rebelle, cherche à passer inaperçu ou au contraire à se faire passer pour le trublion de la classe ou le comique de la famille. Et comme il est très fort…on ne le repère pas toujours.
Les préjugés
Le vocabulaire est une des causes de cette difficulté de repérage et donc de prise en compte de cette altérité. Surdoués, enfants précoces, haut potentiel, douance, QI élevés sont autant de mots qui ont contribué à créer des préjugés sur ces enfants. Il y a dès lors un problème de la mise en compétition inhérente au vocabulaire. La pression qui est liée à ces mots est forte et les enfants peuvent se mettre en échec par peur d’être déçus ou pire, selon eux, de décevoir les parents et les professeurs.
Ces préjugés générés par ces mots trop connotés ont créé selon moi un « syndrome de la fée sur le berceau », à savoir la croyance que l’enfant aurait reçu un don à la naissance qu’il lui faudrait désormais l’exploiter non pas au mieux, mais de façon admirable. Or, être un zèbre n’est pas une histoire d’intelligence mais bien de capacités au sens étymologique du terme capere qui signifie « qui contient » en latin.
Le zèbre est un « contenant » superbe qu’il nous faut remplir et notre erreur de professeur, d’adulte, de parent, est de le voir déjà comme du contenu. D’ailleurs, l’enfant zèbre peut bloquer ses capacités par peur ou encore à cause de la pression évoquée préalablement, ou bien encore par simple esprit de contradiction, lui qui ne supporte pas les obligations et autres injonctions auxquelles il ne trouve pas de sens. L’injonction scolaire, telle qu’elle peut être présente en cours, l’injonction parentale au sujet des devoirs ou du travail à faire, peuvent créer ces blocages. Le zèbre est heureux quand il est libre d’être créatif et il est brillant lorsqu’il est heureux.
Différences filles/garçons
Il existe plusieurs types de zèbres, certains ne sont pas doués en tout et sont en décalage. Il y a également une différence selon les sexes. Les filles cachent leurs capacités et s’adaptent davantage au milieu scolaire, elles sont de vrais caméléons. Elle veulent passer inaperçues, elles n’aiment pas la compétition et ont peur de la réussite vis-à-vis des autres. Elles vont donc diminuer leur propre réussite pour mettre en valeur celle des autres, parce qu’elles préfèrent faire plaisir aux autres.
Très vite, la fillette comprend que si elle brille, elle fait de l’ombre aux camarades et ils ne l’aiment pas. Lorsqu’ une fille zèbre a une bonne note au collège ou au lycée, elle pense que le devoir était facile mais pas qu’elle est douée. Inversement, si l’exercice est facile elle aura une mauvaise note car elle cherche la difficulté. La note est ainsi un instrument de souffrance, pas seulement chez l’élève en difficulté ou médiocre, mais également chez le bon élève et notamment le jeune zèbre.
L’évaluation par compétences est beaucoup moins violente et porteuse de sens, ce que recherche en permanence l’élève zèbre. La fille cherche toujours des excuses à ses bonnes notes, elle n’a pas besoin de se mettre en avant, elle est pudique quant à son intelligence, préférant cacher celle-ci et montrer ses émotions.
À l’inverse, le garçon aura tendance lui, à réprimer ses émotions, que ce soit à l’école ou dans la sphère familiale. Il est comme on attend qu’il soit, fort, extraverti, intelligent et viril. Ce combat intérieur est difficile pour le petit garçon et quand ses émotions prennent le dessus on dira qu’il est « fragile ». Lorsqu’il maîtrise ses émotions, le garçon zèbre devenu adolescent se rebelle, parfois très violement et peut aller jusqu’à gâcher son potentiel, devenant l’adulte que j’ai mentionné plus haut.
Quels adultes deviennent-ils ?
Syndrome de l’imposteur
Encore ce syndrome qui engendre le fait de toujours avoir besoin de se justifier. Le zèbre doute de lui en permanence. « Suis-je une bonne mère ? », « Est-ce que je mérite ce travail ? », « Mais pourquoi m’a t-il choisi moi ? »… autant de questionnements, de doutes, de remises en question qui envahissent le cerveau hyperactif du zèbre adulte. Peu sûr de lui, se sentant moins capable que les autres, il va trouver ses propres réponses dévalorisantes, « J’ai eu ce boulot parce que j’étais la seule candidate », « J’ai eu mon diplôme parce que tout le monde l’a eu », … et il sera imprégné de la peur de déplaire ou de décevoir.
La faille narcissique
Combler des vides, combler ses lacunes, la faille narcissique du zèbre va donc laisser le champ libre aux pervers narcissiques et autres manipulateurs qui vont littéralement le ou la piller. De plus, le zèbre adulte souffre de la solitude, d’où cette forme de compensation en faisant plaisir aux autres avant soi-même, en prenant soin des autres avant de prendre soin de soi. Au milieu des autres, le zèbre se sent seul et angoissé, sans cesse en décalage, et se culpabilise pour cela, la réalité n’est jamais à la hauteur de son anticipation.
L’empathie
Le zèbre aime voyager, rencontrer d’autres cultures car dans un environnement étranger, il trouve une légitimité à ce décalage. Il se sent obligé de participer au bonheur des autres, altruiste et empathique il veut un impact positif sur les autres, il se sent coupable de la souffrance des autres, vivant un véritable yoyo émotionnel.
Quels métiers exercent-ils ?
Phobie administrative et rejet de l’autorité, les adultes zèbres vont plutôt s’épanouir dans l’auto-entreprenariat ou dans des professions qui leur laissent une forme de liberté. Si tel n’est pas le cas, ils seront capables d’adaptation et cacheront leurs particularités pour être acceptés et reconnus, il se fondront dans la masse, jusqu’au moment du trop-plein ou ils arrêteront pour recommencer ailleurs.
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In fine, le zèbre est complexe. Heureusement, il est diagnostiqué plus facilement aujourd’hui. L’école s’adapte peu à peu à ses profils aux besoins si particuliers. Mais l’attention à leur apporter dans le milieu scolaire ne s’arrête pas à des exercices ciblés ou à l’utilisation d’une tablette. Les questions des évaluations par compétences, des parcours d’apprentissage sur mesure, de l’orientation, de l’estime de soi restent des objets de travail et des axes d’amélioration qui permettront aux zèbres d’avoir, eux aussi, des réponses à leurs questions et de s’engager vers un avenir professionnel serein et décomplexé.
Delphine Roux
Note de l’auteure : cet article n’est pas scientifique, je ne suis pas psychologue mais proviseure adjointe en lycée. Il prend appui sur mon expérience de professeure, de cheffe d’établissement et de maman.
Merci pour ce condensé assez complet de la “vie ” d un “zèbre”. Très bien vu, en ce qui concerne ce fameux syndrôme de l’imposteur, tellement handicapant… J’aurais juste une réserve à propos d’une interprétation dans votre paragraphe sur le système cognitif : ” De plus, le zèbre a tendance à compliquer les choses car il est difficile pour lui d’imaginer que les choses peuvent être simples. ” Il me semble que c est faux !!! 🙂 ! Bien au contraire, tout nous semble avoir une racine simple mais s’être “compliqué ” (bouhh !! le compliqué !!! quelle horreur , alors que le “complexe”: quelle interêt ! 🙂 !!) par des approximations dont nous ne saisissons pas l’intérêt …J’ai 50 ans, depuis que j’ai accepté de me faire dépistée HSHP … ( dépistée “précoce a 9 ans, 13 ans..en refus total jusqu’a ce mot : POTENTIEL , là, oui… un potentiel, et seulement un potentiel) je rencontre des “zèbres ” lors de réunions hebdomadaires. Nous sommes tous d accord pour constater , souvent avec sourire, la complication créée des choses, qui nous paraissent somme toute d une simplicité humaine !!!
Voila !
En espérant que vos articles comme l’ensemble de ceux parus depuis qq années (merci l’IRM dynamique) pourront aider les jeunes gens actuellement repérés comme “zèbres” , mieux que nous ne l’avons été a mon époque, pour un gachis énorme…
Merci donc a vous de ce que vous pourrez faire pour améliorer ce monde qui manque réellement de sens ..
Anne Marie.
Merci pour cette synthèse éclairante et juste.
CPE en collège, personnel à haut potentiel, j’ai plaisir à voir que la question se démocratise dans les établissements, offrant des perspectives encourageantes pour la prise en charge de ses élèves à besoins particuliers comme des personnels adultes en situation de précocité.
Merci beaucoup Mme la professeure! Vous avez exactement détaillé ma vie, mon enfance, mon adolescence, ma vie scolaire, et mon mode de fonctionnement.
J’ai beaucoup souffert à cause de mon ignorance quant au décalage de ma vie d’avec les autres, j’ai souffert de moi-même, mon hyperactivité et hypersensibilité me rendent fréquemment dépressif. Et cela m’a causé des troubles d’estomac depuis mon enfance à cause du stress et de l’anxiété.
Aujourd’hui j’ai 25 ans, et j’ai découvert que je suis zèbre cette année. Et ma vie commence à changer.
Oui !!!
Savoir, c’est comprendre. Comprendre c’est créer un sens. Un sens c’est créer une voie… et un chemin de vie… Se dire que la lutte est vaine, nous sommes ainsi et c’est bien. Ce sera difficile, mais nous sommes en adéquation avec notre “potentiel ” .. Nous ne sommes pas fous !!! ouf !!!
Bonne et heureuse route !!!
Bonjour ! Je loue votre honnêteté intellectuelle en fin d’article, cependant, celui-ci contient énormément d’erreurs factuelles. Je vous laisse ce lien qui pratique un débunkage très informé par les sciences des faussetés qui circulent à propres des “zébres” https://www.google.com/search?q=ramus+suroud%C3%A9+arborescence&ie=utf-8&oe=utf-8&client=firefox-b
En effet, ils ont toujours été là ! Le haut-potentiel n’est pas une mode ou une vue d’esprit des parents. Juste une réalité et une grande méconnaissance.
Lire aussi pour en savoir plus sur les représentations des enseignants et les pistes de formation : https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-01563760
et des établissements qui agissent :
http://eduscol.education.fr/experitheque/consultFicheIndex.php?idFiche=13627