L’honnête homme du XXIe siècle ou le nouveau socle commun de connaissances de compétences et de culture
Dieu qu’il est beau l’élève du nouveau socle ! Quelle formation ! Quelle perfection ! Quel homme, quel citoyen de demain !
Le Conseil supérieur des programmes nous propose son évangile, son rêve idéal, son utopie moderne, son modèle républicain, son honnête homme du XXIe siècle bourré de bonnes dispositions, de bonnes intentions, de capacités de toutes sortes, c’est merveilleux, Gargantua l’avait rêvé, le socle l’a fait.
Cinq domaines de formation
Cinq grands domaines de formation sont dégagés qui n’oublient rien ni personne, ne froissent ni ne blessent aucune sensibilité, dessinent un élève intellectuellement, moralement, socialement impeccable.
Inutile de rapporter le descriptif de chacun des domaines (langages, méthodes, formation morale, approche scientifique, compréhension des sociétés) qui, tel une bonne fée, une marraine de conte, confère dons sur dons à cet élève modèle, d’aucuns pourraient y voir une litanie fastidieuse de vœux pieux énoncés à grands renforts de présents à valeur prophétique :
« L’élève s’exprime et communique par l’art de manière individuelle et collective en concevant des productions plastiques visuelles, sonores verbales. »
« L’élève maîtrise les techniques usuelles, de l’information, de la documentation et des médias. »
« L’élève est attentif à la portée de ses paroles et à la responsabilité de ses actions. »
« L’élève adopte un comportement responsable vis-à-vis de l’environnement et de la santé. »
« L’élève identifie les grandes questions et les principaux enjeux du développement humain, il est capable d’appréhender les causes et les conséquences des inégalités. »
Un miroir de notre idéal démocratique
C’est peut-être le portrait achevé de l’élève de demain qui est brossé mais c’est assurément le miroir de notre idéal démocratique qui est tendu à la société à travers ce projet de socle. Le pouvoir se complaît dans cette représentation harmonieuse d’un petit citoyen comblé par les valeurs républicaines, les technologies du numérique et la culture médiatique.
L’honnête homme du XXIe siècle « sait remettre en cause ses jugements initiaux après un débat argumenté », « il sait identifier un problème », « il sait mener une recherche, créer des documents », « il a conscience de la nécessité d’un développement plus juste et plus attentif à ce qui est laissé aux générations futures », « il a conscience que lois et institutions sont toujours perfectibles »…
Le socle commun garantit à la société la formation d’un individu adapté à ses principes et valeurs, à son fonctionnement et à sa conservation, l’école faisant écho à la bonne conscience des grands médias.
La représentation d’un sujet idéal ?
L’honnête homme du XVIIe siècle n’a peut-être été qu’un fantasme d’une société qui rêvait d’une perfection que ni l’homme galant, ni l’homme savant, ni l’homme de cour, ni l’homme de lettres ne réalisaient pleinement.
Il y a beaucoup à craindre que le nouveau socle ne succombe à la même tentation de création chimérique d’un sujet idéal obsédant tous les esprits et désertant toutes les classes.
Mais quoi, l’Éducation aussi a le droit de rêver !
Pascal Caglar
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• Télécharger le Projet de socle commun de connaissances, de compétences et de culture (12 février 2015).
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J’avais oublié:
Limiter le socle à ça (ce texte fort bien écrit mais qui caricature donc trahit) c’est passer à coté du sujet…
Compétence donc non acquise mais avec bienveillance tout disposé à vous faire progresser…
🙂
Vous oubliez un élément… Le socle, l’élève… Certes…
Mais l’enseignant?
Pour rappel, l’enseignant maîtrise sa classe et maîtrise le socle. J’enseigne en collège et en 6ème par compétences… En utilisant le socle.
JAMAIS depuis 33 ans mes élèves n’ont progressé aussi vite avec les mêmes exigences de rigueur et de savoirs à conquérir.
JAMAIS depuis 33 ans je n’ai éprouvé autant de plaisir à enseigner…
Amicalement