L’évolution de la notation aux concours

La notation aux concours a évolué et s’est systématisée. En l’espace d’une génération on est passé d’une notation de niveau à une notation de classement, d’une notation de situation à une notation de position.
Dans tous les concours de prépa, de HEC à Normale sup, des Mines à Saint-Cyr, dans tous les concours de recrutement, du CAPES à l’agrégation, au fil des recommandations et des prescriptions, la physionomie des notes attribuées a changé, une meilleure répartition sur l’ensemble de l’échelle de notation a été trouvée, des moyennes sensiblement plus élevées ont été atteintes, et les épreuves, quelles qu’elles soient, ont pu prouver leur vertu discriminante.

La recherche de la note « juste »

Le principe d’efficacité s’est une fois de plus imposé dans le monde de l’éducation en faisant jouer pleinement aux concours leur objectif de sélection. La notion de « note juste » a évolué : alors qu’autrefois le correcteur cherchait à situer le niveau « réel » du candidat, posait une note correspondant à ce que valait objectivement la copie, et qu’il ne se souciait que de ses qualités ou défauts, il cherche aujourd’hui à classer ses copies les unes par rapport aux autres, à suivre le barème d’étalement des notes selon une courbe de Gauss et à respecter les quotas exigés par tranches prédéfinies (moins de 6, plus de 15, etc.), le seul  souci étant  de parvenir à des positions justes entre les candidats.
Le résultat est en fait très satisfaisant pour les écoles ou le Ministère mais aussi pour les étudiants. Les épreuves jouent toutes un rôle égal dans la sélection, toutes sont notées de 1 à 20, toutes respectent un écart type discriminant, et du côté des candidats admissibles ou admis les notes s’envolent allègrement : conséquence,  il y aura bientôt plus d’étudiants demandant leurs (bonnes) copies pour les encadrer que de candidats  réclamant leurs (mauvaises) copies pour les contester !

Des avantages incontestables mais aussi plusieurs défauts

• Le premier est de creuser parfois artificiellement les écarts entre les copies, le souci de discrimination poussant à sanctionner sévèrement les candidats les plus faibles, et à l’inverse à en propulser d’autres vers les sommets. Ce que ce système veut nier c’est que beaucoup de copies sont très proches les unes des autres, et objectivement très difficiles à différencier. Autrefois on appelait ces copies si  semblables, le « marais », et une majorité de notes se concentrait entre 8 et 10 parce que c’était tout simplement la réalité de la masse des inscrits.
• Le second est d’opérer une déconnexion entre la note obtenue et le niveau réel. Une copie même imparfaite peut obtenir aujourd’hui la note de 20. Un sujet difficile sera  cependant noté comme un sujet beaucoup plus aisé. C’est le défaut inverse des distorsions d’antan où l’on était reçu, donc supposé d’un niveau légitime, avec des notes pourtant faibles, supposées signifier un niveau précaire.
Désormais, il est impossible de savoir si un 14 n’était pas initialement un 12, et si ces étudiants autorisés à donner des cours de maths dans des officines privées parce qu’ils ont eu 18 ou 20 aux concours ne sont pas en réalité des matheux laborieux. Bref, cette notation est la porte ouverte à certaines illusions peut-être inutiles. Un leurre.
• Enfin on pourra  regretter, mais d’autres s’en féliciteront, que la liberté du correcteur soit, non pas entravée, mais encadrée, et que les directives qu’il accepte de suivre infléchissent son esprit jusqu’à l’obsession de  la conformité aux attentes. Dépossédé par avance de la note et de la moyenne finale, le correcteur est un exécutant d’un programme de sélection qui se décide en amont des concours.

Le risque d’une pénalisation « par le haut »

Encore une fois cela ne revient pas à dire que le correcteur note mal, c’est son mode  de cheminement vers la notation juste qui est changé. Faute de respecter ces consignes données à tous, la pénalisation traditionnelle par le bas risque désormais de se doubler d’une pénalisation par le haut car si un correcteur ne monte pas au-delà de 17, considérant que c’est déjà une très bonne note, il peut par là même pénaliser son « très bon candidat » qui, selon les règles de notation recommandées, aurait pu obtenir un 19 ou un 20 auprès d’un collègue qui ne se fera pas faute d’en attribuer.
Reçu naguère avec de mauvaises notes, on vous disait : ne croyez pas pour autant que vous êtes nul. Aujourd’hui, reçu avec de très bonnes notes, on vous murmure : ne croyez pas pour autant que vous êtes excellentissime. Gageons que dans l’un et l’autre cas, chacun se doutait bien que la vérité était un peu entre les deux.

Pascal Caglar

Pascal Caglar
Pascal Caglar

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *