Le Black History Month s’invite en France

Le retour à la présidence de Donald Trump correspond à un mois de célébrations aux États-Unis : le Black History Month. Un événement qui met en avant l’histoire des Africains américains et leur lutte pour l’égalité. Une classe de cinquième a été invitée le 4 février par l’ambassade américaine à Paris.
Par Jean-Riad Kechaou, professeur d’histoire-géographie (Seine-Saint-Denis)

Le retour à la présidence de Donald Trump correspond à un mois de célébrations aux États-Unis : le Black History Month. Un événement qui met en avant l’histoire des Africains américains et leur lutte pour l’égalité. Une classe de cinquième a été invitée le 4 février par l’ambassade américaine à Paris.

Par Jean-Riad Kechaou, professeur d’histoire-géographie (Seine-Saint-Denis)

Officiellement reconnue par le président Ford en 1976, le Black Month History est un événement qui « honore les réussites trop souvent ignorées des Noirs américains dans tous les domaines ». Le Canada, l’Irlande, mais aussi la Grande-Bretagne le célèbrent aujourd’hui. En France, la ville de Bordeaux a lancé des initiatives en 2018 qui ont été suivies dans plusieurs villes de métropole, tout comme en Guadeloupe et en Martinique.

Les minorités ethniques américaines ont pourtant de quoi s’inquiéter au vu des déclarations du quarante-septième président américain et de son entourage pendant la campagne présidentielle. Elles ont été suivies d’actes et de décrets présidentiels signés dès son arrivée au pouvoir, mettant fin aux programmes fédéraux liés à la diversité, à l’équité et à l’inclusion. La soirée à la Maison-Blanche consacrée aux célébrations du Black Month History a cependant été maintenue.

Invitation à l’ambassade

C’est dans ce cadre que l’ambassade américaine à Paris a invité le 4 février, au théâtre de la Concorde, des collégiens et lycéens à assister à la projection du documentaire City of Ali, en présence de son réalisateur Graham Shelby et de la française Sarah Ourahmoune, championne du monde de boxe et vice-championne olympique à Rio en 2016.

Une classe de cinquième de Clichy-sous-bois y était conviée, et l’après-midi fut inspirante. Les élèves avaient étudié, en cours d’éducation morale et civique, la lutte contre les discriminations en France et dans le monde.

Comme l’indique son titre, le documentaire City of Ali est centré sur la ville natale du boxeur Mohamed Ali : Louisville dans le Kentucky, une ville du sud du pays où la ségrégation raciale faisait rage durant toute l’enfance du « Greatest ».

À travers l’organisation de ses funérailles, le vendredi 10 juin 2016, on découvre une ville totalement fédérée autour de sa légende. L’événement, qui a attiré des gens du monde entier, a en effet mobilisé des centaines d’habitants. On réalise ainsi qu’Ali, malgré ses prises de position sans concession contre les discriminations raciales, a inspiré non seulement l’ensemble des communautés de sa ville, mais aussi finalement celles de son pays. Indiens, chrétiens, musulmans, blancs, noirs, les témoignages ne tarissent pas d’éloge.

Cassius, un destin exceptionnel

Comment cela est-il possible ? La réponse réside certainement dans la reconnaissance tardive de son patriotisme par l’ensemble des Américains. On peut aimer son pays tout en le critiquant et en refusant de participer à une guerre. C’est ce qu’ont réalisé les Américains au fil des combats d’Ali : « Je suis l’Amérique. Je suis la partie de l’Amérique que vous ne voulez pas reconnaître. », disait-il.

Mohamed Ali est resté fidèle à son pays, mais surtout à Louisville, sa ville natale où il a voulu être inhumé alors que les autorités saoudiennes lui proposaient une sépulture à La Mecque. Dans le film, qui fait son éloge funèbre, sa veuve, Lonnie Ali, rappelle que « lorsqu’un policier et un enfant du centre-ville se parlent, des miracles peuvent se produire ». Elle fait référence à Joe Martin, le policier blanc qui a été l’un des premiers entraîneurs du jeune Cassius Clay, alors âgé de 12 ans. Dans une ville où Noirs et Blancs ne se mélangeaient pas à l’époque, ce fut une rencontre déterminante.

Un livre raconte avec beaucoup de justesse la jeunesse d’Ali et s’avère très inspirant pour un élève de cinquième ou de quatrième : Cassius, le destin exceptionnel de Mohamed Ali, de Catherine Locandro (Albin Michel). C’est un élève du club lecture de mon collège qui, connaissant mon admiration pour le personnage, l’avait fait déposer dans mon casier.

Sarah la boxeuse

Ces cinquièmes ont apprécié le documentaire, même si la version originale sous-titrée les a quelque peu découragés, tout comme sa longueur. Ils ont ensuite participé à l’échange qui a suivi, et une élève a demandé à la boxeuse Sarah Ourahmoune si elle avait elle-même subi des discriminations, à l’instar de Mohamed Ali.

Elle lui a répondu qu’être une femme dans le monde de la boxe n’est pas une chose facile, mais qu’il faut se montrer persévérant. Le fait d’être une Maghrébine non plus. Et une mère enfin : elle a décroché sa médaille d’argent à Rio sans le soutien de la Fédération de boxe qui ne pensait pas qu’elle pouvait encore être performante après avoir eu un enfant. Boxeuse française la plus médaillée, sa carrière, comptant 265 combats – un record français –  force le respect.

Hélas, pour la première fois, Sarah a jeté l’éponge en novembre lors d’un combat, et a remis en cause sa volonté de devenir présidente de la Fédération française de boxe. Elle faisait campagne en binôme avec Dominique Nato, actuel président.

Dans une lettre ouverte, elle a dénoncé les insultes racistes et sexistes qu’elle a subies (« arabe de service, femme de ménage de la fédération »). Elle a néanmoins conclu son intervention devant plus de cinq cents élèves par un mot très positif « J’ai juste envie de vous dire : poursuivez vos rêves, ne laissez personne vous freiner, entourez-vous de personnes positives qui vous pousseront. Surtout, croyez en vous ! ».

© JRK

Croire en soi

Croire en soi, c’est exactement le message de Mohamed Ali à la communauté noire, qui a pu être considéré comme de l’arrogance ou de l’orgueil à l’époque où il dominait ses adversaires. « Quel est ce Noir qui se permet d’ouvrir sa grande gueule pour dire qu’il est le plus grand ? Ça, ça vous gêne ! », déclarait-il lors de l’émission Apostrophe (qui n’a jamais aussi bien porté son nom qu’en sa présence), présentée par Bernard Pivot.

Ali a donné de la confiance aux Noirs, mais aussi à toutes ces minorités ethniques dans les pays occidentaux en leur permettant d’être fiers de ce qu’elles sont et d’entreprendre sans se freiner. Ce qu’on peut espérer pour tous les élèves.

J.-R. K.

L’École des lettres est une revue indépendante éditée par l’école des loisirs. Certains articles sont en accès libre, d’autres comme les séquences pédagogiques sont accessibles aux abonnés.

Jean-Riad Kechaou
Jean-Riad Kechaou