La liaison école – collège – lycée – université
Pour une mise en cohésion
du système éducatif français
La simple observation des modes de fonctionnement du système français de la maternelle jusqu’à la première année universitaire aboutit au constant suivant : trop de barrières restent érigées entre les divers niveaux d’enseignement.
De la maternelle à l’école élémentaire, de l’école élémentaire au collège, du collège au lycée et du lycée à l’université, la cohésion du système reste insuffisante.
Aller de l’arrière !
De ce point de vue, les velléités de réforme de l’ancienne ministre de l’Éducation nationale pour assurer un meilleur lien « inter-degrés » entre l’école élémentaire et le collège, notamment dans le cadre des conseils de cycle 3, en disent long sur les difficultés à faire avancer ce nouveau dossier dit « sensible ».
Il apparaît néanmoins très clair que le système souffre de son obstination à ne pas aller aussi « de l’arrière ». Le fossé entre la classe de terminale et la première année universitaire ne demeure-t-il pas à ce niveau particulièrement éloquent, tout autant que l’échec qui lui est constitutif et que tout le monde déplore ? D’une façon plus générale, combien de « trous d’air » sont repérables dans la scolarité d’un élève, tout particulièrement dans ses phases « charnières », autrement dit quand il s’agit de sauter d’un lieu scolaire à un autre.
Le problème vient entre autres du regard que chacun (professeur des écoles, professeur de collège, professeur de lycée, universitaire) porte sur les enjeux de son enseignement. Or, comment ne pas reconnaître qu’il y a une certaine forme d’insécurité professionnelle à se reporter vers l’amont de la scolarité de l’élève quand son enseignement ne vise qu’à le conduire vers l’aval ? D’aucuns perçoivent dans cette reconfiguration de la perspective pédagogique une démarche régressive dans tous les sens du terme qui n’aurait comme conséquence que de tirer la qualité de l’enseignement vers le bas.
Quelles compétences pédagogiques développer ?
La formation des maîtres et des professeurs continue pourtant de développer la formation inter-degrés tout en se heurtant à la relative opacité des objectifs de chacun. Pour autant, loin d’abandonner ces expériences « régressives », ne faut-il pas en faire un élément moteur de la formation, en proposant aux différents protagonistes de la scolarité de l’élève de remonter dans le temps ?
À l’heure où la question de la formation pédagogique des maîtres de conférences récemment recrutés est posée par Jean-Michel Blanquer, la question gagne nécessairement en acuité. Un décret du 9 mai 2017 paru au Journal officiel acte en effet que ces derniers devront bénéficier, au cours de leur première année, d’une « formation visant l’approfondissement des compétences pédagogiques nécessaires à l’exercice du métier ».
Placés à l’étage en-dessous, les professeurs stagiaires de lettres, à titre d’exemple, ne sont sans doute pas encore suffisamment alertés sur le bénéfice qu’ils pourraient tirer de l’observation empirique, non seulement d’une séance de langue ou de littérature en CM2, mais aussi, de façon moins évidente a priori, d’une matinée passée avec des élèves de cours préparatoire, soit au moment « clef » de l’entrée dans la lecture. Ce type d’initiative pourrait cependant s’avérer fructueux dans la mesure où l’observation simultanée des manières de faire de « l’enseignant d’avant soi » et de réagir des élèves plus jeunes que ceux que l’on a d’habitude en responsabilité permettrait sans nul doute de casser certaines idées reçues.
Oui, la littérature est abordée au CM1 et au CM2. Oui, on y fait encore de l’orthographe et de la grammaire. Non, on ne passe pas son temps à utiliser des fichiers etc…
Inverser la pyramide
Le plus beau conseil qu’il nous ait été donné d’entendre en tant que formateur d’IUFM débutant l’a été de la bouche même d’un directeur de l’un de ces instituts. Le propos alors énoncé tombe aujourd’hui sous le sens. « Il faut aller en amont… Voir comment cela se passe avant… Mais quand je dis avant, c’est AVANT, même bien avant ». La leçon fut retenue et amena un agrégé, docteur en littérature à se frotter aux bancs « très bas » d’une classe de petite section de maternelle.
L’expérience vécue eut comme effet le plus notable de sensibiliser un professeur officiant dans des classes de l’étage supérieur aux contraintes fondamentales de la communication pédagogique. Parler de façon concrète, regarder son interlocuteur dans les yeux, le faire reformuler ce qui vient d’être dit, ne pas proposer plusieurs tâches en même temps, ne pas passez son temps à répéter « Chut, chut, chut ! » ou « Vite, vite, on se dépêche, on n’a pas le temps ! », autant de choses vues ou entendues susceptibles de remettre en question certains piliers de sa pratique pédagogique quotidienne.
Mettre en cohésion les grandes phases du cursus scolaire de l’élève
La mise en cohésion des grandes phases du cursus scolaire de l’élève demeure une exigence fondamentale de réforme du système éducatif français. Il n’y aucune justification au fait qu’un professeur des universités ignore tout du fonctionnement des classes maternelles ; aucune justification non plus à ce qu’un professeur agrégé de lettres en charge d’une classe de première ne sache pas comment sont envisagés les textes littéraires au cycle 3. Et inversement, aucune justification à ce que les gens de l’amont aillent vers ceux de l’aval.
La France qui se pose de façon emblématique comme le pays révolutionnaire par excellence a parfois quelques réticences à briser les murs de l’habitude. L’étanchéité des blocs scolaires ne justifierait-elle pas, pourtant, quelques coups de marteau ?
Antony Soron, ÉSPÉ Sorbonne Université
Oui la littérature est présente en CM1 et CM2: Colette, Giono, Zola, Queneau et tant d’autres…Beaucoup de littérature jeunesse aussi…Cet article fait chaud au coeur!