La réforme des programmes de l'école et du collège et les recommandations de l'OCDE
Les ministres changent, les réformes se suivent… Difficile d’éviter un phénomène de lassitude chez les enseignants, qui ont une impression de changement incessant. Et pourtant, si les réformes s’enchaînent et semblent modifier chaque fois l’enseignement, elles n’en restent pas moins très proches dans leur esprit.
Car toutes les dernières réformes, et tout particulièrement celle que Mme Najat Valaud-Belkacem vient d’annoncer, s’adossent aux prescriptions de l’OCDE en matière d’éducation et proviennent d’une analyse comparée des différents systèmes éducatifs, de leurs réussites et de leurs échecs.
Rappelons qu’en 2010 l’OCDE dresse un état des lieux des modalités d’apprentissage réussi. La nouvelle réforme est une mise en place de ces préconisations, et elle le fait de façon plus explicite encore que les précédentes.
L’OCDE a souligné l’importance capitale du savoir dans nos sociétés actuelles, et de la qualité de l’apprentissage des premières années dépend la capacité, pour l’élève, à s’engager dans une éducation tout au long de la vie.
Les nouveaux environnements d’apprentissage reposent sur quatre dimensions : l’apprenant, l’enseignant, le contenu, les équipements et technologies. Nous verrons que c’est ce que souligne le nouveau programme.
La prise en compte du temps nécessaire et du contexte d’enseignement est essentielle aussi.
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Instaurer un travail commun et des échanges de pratiques
Pour acquérir les « compétences du XXIe siècle », tout d’abord, le professeur doit enrichir sa façon d’enseigner, et le meilleur moyen de le faire, d’après les conclusions des pays de l’OCDE, est d’instaurer un travail commun et des échanges de pratiques : les portes des classes doivent s’ouvrir et les enseignants doivent apprendre à travailler ensemble, afin que puissent être partagées les meilleures modalités pédagogiques.
Les EPI répondent à cette attente : ils visent à faire intervenir ensemble les professeurs afin qu’en se regardant fonctionner, ils partagent leurs façons de faire, et, partant, acquièrent de nouvelles compétences.
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L’apprentissage scolaire, pour être efficace, doit répondre à certaines exigences
Il doit être actif et collaboratif. Le travail de groupe sera favorisé. Les EPI vont permettre de faire travailler les élèves ensemble et de donner à chacun sa place dans ce dispositif. Le travail de groupe se devra d’être bien pensé et organisé, répondant au double principe de buts collectifs et de responsabilité individuelle, double principe capital pour obtenir une vraie implication des élèves et une véritable participation active et sociale.
Une mise en relation de l’information nouvelle avec les connaissances antérieures est nécessaire : la progressivité des apprentissages et leur complexification reposent sur ce principe. L’apprentissage efficace tient compte des acquis de l’élève, du « déjà-là », et ne le fait pas repartir de zéro avec tous les autres. Nous voyons dans le nouveau programme l’insistance sur la reprise, cycle après cycle, des nouvelles notions, qui répond à ce principe. Ce dernier s’accompagne d’un suivi individualisé de l’élève.
L’approche doit être interdisciplinaire : c’est la raison d’être aussi des EPI. Les croisements entre disciplines permettent de proposer des tâches complexes plus en lien avec la vraie vie, plus signifiantes pour les élèves. Si l’apport de chacune, dit le nouveau programme, doit être spécifié, cette approche a pour objectif de dépasser le croisement parfois superficiel des différentes disciplines et de préparer les élèves à entrer dans le monde de demain, qui exigera d’incessants croisements entre secteurs.
La dimension numérique doit être intégrée dans les apprentissages ; ceci est requis dans les disciplines et dans les EPI, et constitue une compétence évaluée depuis plusieurs années dans le Socle.
Le nouveau programme préfère les savoirs et savoir-faire aux connaissances : c’est là une autre demande de l’OCDE, qui souligne l’importance des compétences, véritables savoir-faire prouvant la capacité de l’élève à convoquer dans une situation nouvelle connaissances et capacités. Pour que cela soit pleinement efficace, il faudra aussi que les élèves aient conscience des stratégies qu’ils mettent en place.
L’évaluation formative joue un rôle essentiel dans cet enseignement, pour renseigner élèves et familles, accompagner les apprentissages et encourager les élèves à se les approprier. L’apprentissage, pour être efficace, doit être autorégulé et réflexif.
Les modalités d’évaluation seront essentielles et les enseignants seront invités à mener une réflexion approfondie dans ce domaine.
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L’approche préconisée pour la lecture
Les préconisations portant sur les disciplines elles-mêmes n’échappent pas à ce lien avec les conclusions de l’OCDE.
L’approche préconisée pour la lecture s’appuie explicitement sur les résultats de PISA 2009 et interroge les pratiques actuelles de la lecture
Il ressort de PISA 2009 que les élèves qui prennent plaisir à lire et qui connaissent des stratégies efficaces pour aborder, comprendre, mémoriser et synthétiser des informations complexes sont ceux qui s’en sont sortis haut la main aux épreuves PISA de compréhension de l’écrit.
Les capacités citées ci-dessus ne sont pas toujours explicitement développées dans la pratique de la lecture analytique. Il s’agira, dans le nouveau programme, de s’assurer que ces compétences sont réellement construites par tous les élèves d’une même classe et maîtrisées à l’issue du collège ; l’appui sur une modélisation supposée à l’issue d’une construction collective du sens d’un texte ne pourra plus suffire.
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En conclusion, le nouveau programme est, nous le voyons bien, dans la continuité des précédents. Il souligne de nouveau la place centrale des élèves, de leur implication, et demande aux enseignants de mettre en place des procédures nouvelles, maîtrisées et enrichies de l’apport de leurs collègues, qui leur permettront de mieux former les élèves au monde de demain.
Viviane Devriésère, vice-présidente d’ÉvalUE,
Évaluateurs et experts de l’Union européenne
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• Le projet de programme pour les cycles 2, 3 et 4 applicable à la rentrée 2016.
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Pour être clair… c’est clair !
Mais qui est « l’inventeur » du concept « éducation tout au long de la vie » – long life learning – fondamental pour cette réforme ? La réponse ici :
https://commissiondla37.pagesperso-orange.fr/Drucker.html
Je conseille la lecture de Heinz Wismann qui offre un éclairage incomparable sur la question de l’économie de la connaissance.
Bravo Viviane pour ce texte clair et parfaitement juste. Guy