Brevet obligatoire pour la seconde : une rupture historique

Pour les élèves de troisième de 2027, le brevet des collèges va devenir un examen de passage vers la seconde générale et technologique. Cette décision, qui compte parmi les mesures du Choc des savoirs, acte II, annoncé le 12 novembre, marque une rupture dans l’histoire de l’éducation.
Par Antony Soron, maître de conférences HDR, formateur agrégé de lettres, Inspé Paris Sorbonne-Université

Pour les élèves de troisième de 2027, le brevet des collèges va devenir un examen de passage vers la seconde générale et technologique. Cette décision, qui compte parmi les mesures du Choc des savoirs, acte II, annoncé le 12 novembre, marque une rupture dans l’histoire de l’éducation.

Par Antony Soron, maître de conférences HDR, formateur agrégé de lettres,
Inspé Paris Sorbonne-Université

L’enseignement secondaire français se structure autour de deux examens symboliques : le baccalauréat, dont l’origine remonte à Napoléon 1er, et le diplôme national du brevet (DNB), que la majorité de la population continue de désigner comme le brevet des collèges, depuis sa création en 1947. Anne Genetet, nouvelle ministre de l’Éducation, a annoncé le 12 novembre la poursuite de la réforme initiée par Gabriel Attal sous le nom Choc des savoirs avec, entre autres mesures, une consistant à faire du concours de fin de troisième un sésame pour entrer en seconde générale et technologique. Cette décision marque une rupture dans l’histoire même du brevet des collèges. Depuis son origine, le passage en seconde n’était pas conditionné à la réussite au brevet. Ce que rappelait l’historien de l’éducation, Claude Lelièvre, dans une tribune parue le 20 mars 2024 sur le site du Café pédagogique :

« Même si le brevet a été considéré comme un examen de fin de cycle (le premier cycle du secondaire) à partir de 1947, la détention du BEPC (brevet d’études du premier cycle) n’a jamais été jugée nécessaire pour entrer dans le second cycle. À partir de 1978, c’est même en quelque sorte l’inverse qui a été décidé : les élèves ayant fait l’objet d’une orientation vers le second cycle de l’enseignement secondaire n’avaient pas à passer les épreuves du brevet pour l’obtenir. En 1981, le diplôme –désormais intitulé “brevet des collèges” – est attribué sans examen, au vu des seuls résultats scolaires. »

Quels changements pour l’examen ?

L’annonce d’Anne Genetet concerne les élèves qui seront en troisième en 2027, soit ceux de cinquième aujourd’hui. Ils verront le brevet devenir officiellement la première étape obligatoire pour entrer au lycée. Cette évolution se fera néanmoins en plusieurs temps :

– Dès la session 2025, les correctifs académiques seront éliminés afin de redonner sa « valeur intrinsèque à l’examen », pour reprendre l’expression de la ministre. Lors de cette session 2025, les notes aux épreuves d’histoire-géographie et d’enseignement moral et civique seront dissociées de façon à mieux mesurer les compétences acquises en EMC. S’ajoutera à ces deux nouveautés, l’introduction, pour des élèves ayant obtenu plus de 18/20 de moyenne générale, de la mention « Très bien, avec félicitations du jury ».

– En juin 2026, le DNB verra le poids de ses épreuves terminales renforcé avec une nouvelle répartition entre contrôle continu (40 %) et épreuves finales (60 %) contre 50/50 aujourd’hui.

« Exigence », « mérite », volonté d’expliciter la situation scolaire de leur enfant aux familles (« leur dire la vérité ») : tels sont les principes qui sous-tendent, d’après la ministre, la « revalorisation » du brevet. Anne Genetet justifie le délai jusqu’à 2027 par la volonté de voir la réforme des groupes de niveaux, démarrée à la rentrée 2024, porter ses fruits, ainsi que le renforcement du dispositif « Devoirs faits ».

Quelles craintes ?

L’idée d’un brevet sanction est unanimement contestée par les syndicats enseignants (du Sgen-CFDT au Snes-FSU). Mais Anne Genetet fait valoir que, s’ils ne souhaitent pas intégrer une voie professionnalisante par le biais d’une première année de CAP, les élèves recalés pourront bénéficier d’une « prépa seconde », classe spéciale impliquant un parcours de lycéen en quatre ans.

Interrogé par France Culture, Laurent Guttierez, professeur en sciences de l’éducation et de la formation à l’université de Paris-Nanterre, exprime des réserves sur ce nouvel enjeu de l’examen, qui, selon lui, va pénaliser les plus faibles, les élèves les moins scolaires. En effet, traditionnellement, le contrôle continu leur est plus favorable que l’examen, de même qu’une évaluation par compétences versus une évaluation chiffrée. Le présupposé ministériel reste clair : trop d’élèves décrochent en classe de seconde, trop d’élèves, qui, selon elle, n’auraient pas dû s’orienter vers ces classes. D’où la nécessité de faire du concours un examen de passage. Enseignants et syndicats protestent contre cette volonté de trier les élèves et de restreindre les chances de certains dès la troisième. Et ce, d’autant que les troisièmes orientés vers les filières professionnelles prépareront leur CAP lourds d’un premier échec à un concours national. C’est l’inverse d’une revalorisation. La possibilité de repasser le brevet n’est d’ailleurs pas suggérée. « Il s’agit là d’une mesure de bannissement d’élèves majoritairement issus des familles les plus pauvres de notre pays qui seront désormais expulsés du système scolaire à 16 ans », s’est insurgé Éric Nicollet, secrétaire du SUI-FSU, syndicat des inspecteurs d’Éducation nationale, cité dans un article du Dauphiné libéré.

Quelles retombées pédagogiques ?

Comme souvent face à ce type de réforme à plusieurs étages, les réactions à chaud portent peu sur le pédagogique. Or, l’instauration d’un brevet qui compte va nécessairement avoir des impacts sur la façon d’enseigner. Une classe à examen reste une classe où l’on remise les projets et où l’on se doit de bachoter dans un contexte de pression accrue. Or, l’appétence scolaire se nourrit d’autres facteurs que celui de la réussite à un examen. Sans compter que, dans sa nouvelle mouture, cet examen risque fort de renforcer l’individualisation des élèves à qui, pourtant, le socle commun des compétences et des connaissances réclame un esprit de collaboration entre pairs. Les logiques s’opposent à l’intérieur même du texte de la réforme.

A. S.

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