Parler une autre langue, c’est aussi changer de voix et de gestes. En cachant une partie du visage et des expressions, le masque imposé par la pandémie a complexifié l’accès à l’implicite.
L’interrogation résonne comme un impératif dans un contexte de crise présumée de la lecture, et comme une utopie : faire aimer lire, n’est-ce pas, de tout temps, le rêve du professeur de français et une angoisse ?
Et si ce n’était plus possible ? La génération digitale et hyperconnectée aurait-elle jeté le livre aux oubliettes ?
Les élèves qui décrètent ne pas aimer lire ne sont pas encore tombés en lecture. Il faut les appâter, passer par des élèves prescripteurs, trouver le livre ou l’auteur qui fera résonner quelque chose en eux.
Après six mois d’écoute et d’activités autour de la lecture orale et de débats,
des élèves de Seine-Saint-Denis ont élu les lauréats du Prix du livre audio des collégiens, organisé par le festival Vox fin mai à Montreuil. Avec leurs enseignants, ils se sont formés à ce support qui connaît un succès grandissant.
Pour développer la lecture « plaisir » de textes courts et de genres différents, deux professeures documentalistes de collège et de lycée professionnel ont installé un distributeur d’histoires dans les CDI
de leurs établissements. Ce dispositif, transposable par d’autres professeurs
et dans d’autres espaces scolaires, incite à lire des textes, à les partager,
voire à les collectionner.
Oralité, expressions, attitudes : le parler jeune dans la littérature est surtout fonction de l’univers du personnage, de sa personnalité et du lecteur
imaginé par l’auteur.
Dans Pourquoi lire, dix auteurs allemands et trois français pistent les raisons qui
poussent à s’attaquer à un livre. Ils dénichent des pièges : la littérature détourne
du réel et de l’utile, elle ne forme pas forcément des êtres éclairés…
Ils conseillent surtout de suivre son instinct.
Après douze ans d’expérimentation, le programme « Jeunes en librairie »
se déploie sur l’ensemble du territoire. La volonté de faire entrer les jeunes
dans les librairies indépendantes fédère des professionnels, enseignants et acteurs de la chaîne pour défendre le plaisir de lire et l’autonomie dans le choix d’un livre.
L’apprentissage de la lecture au cours préparatoire subit des pressions
pour améliorer les résultats sur le déchiffrage au détriment de la compréhension et d’une approche de l’écrit qui ne soit pas technique.
« La littérature ne permet pas de marcher, mais elle permet de respirer. »
Ce n’est pas un hasard si la critique Sophie Van der Linden a choisi cette citation
de Roland Barthes en épigraphe de son essai Tout sur la littérature de jeunesse
(Gallimard, 2021).