Brevet des collèges :
comment ajuster le barème ?

Décrypter l’évaluation du diplôme national du brevet : entre évaluation notée et évaluation par compétences, comment y voir plus clair ?
Par Antony Soron, maître de conférences HDR, formateur agrégé de lettres, Paris Sorbonne-Université

Décrypter le système d’évaluation du diplôme national du brevet : entre notes et compétences, comment y voir plus clair ? Comment s’adapter ?

Par Antony Soron, maître de conférences HDR, formateur agrégé de lettres, Paris Sorbonne-Université 

Les premières épreuves du brevet des collèges 2024 ont démarré. En commençant, pour la plupart, par l’oral qui consiste à soutenir un exposé préparé à l’avance, sur un objet d’étude, un projet interdisciplinaire, ou l’un des parcours éducatifs suivis au collège (parcours avenir, parcours citoyen, parcours éducatif de santé, parcours éducation artistique et culturelle). Les épreuves écrites se déroulent ensuite pour tous les troisièmes lors d’une session nationale organisée cette année les 1er et 2 juillet. Comment ce premier examen est-il évalué ?

Le brevet a pour objectif d’estimer la maitrise des huit composantes du « socle commun », sachant que la note maximale pour une composante est « 50 » points. Un élève très performant pourra obtenir le maximum de 8×50 = 400 pts. Cette évaluation du « socle commun » se fait sur la base du contrôle continu. L’équipe enseignante mesure ainsi le bilan de l’année scolaire de chaque élève de la classe.

Pour les parents, la difficulté de compréhension de cette évaluation tient au fait que le calcul n’est pas établi à partir des moyennes trimestrielles de l’année scolaire de 3e mais d’un bilan de compétences à l’issue du dernier conseil de classe. 

Évaluation du socle commun de connaissances, de compétences et de culture 

Les huit compétences évaluées sont les suivantes :

  • 1. Comprendre, s’exprimer en utilisant la langue française à l’oral et à l’écrit
  • 2. Comprendre, s’exprimer en utilisant une langue étrangère et, le cas échéant, une langue régionale.
  • 3. Comprendre, s’exprimer en utilisant les langages mathématiques, scientifiques et informatiques.
  • 4. Comprendre, s’exprimer en utilisant les langages des arts et du corps.
  • 5. Les méthodes et outils pour apprendre.
  • 6. La formation de la personne et du citoyen.
  • 7. Les systèmes naturels et les systèmes techniques.
  • 8. Les représentations du monde et l’activité humaine. 

Certaines compétences sont transversales (touchant la majorité des disciplines) à l’exemple des compétences 1 et 5 ; alors que d’autres sont spécifiques à moins de matières, comme la compétence 4.

Mode de calcul

L’hybridation du système évaluatif français (note/compétences) n’aide pas à y voir clair, surtout quand on est habitué à un système de notes sur 20. En effet, pour chacune des 8 composantes, il y a 4 possibilités. Si, par exemple, l’élève a une « maîtrise insuffisante » de la compétence 1, il aura 10 points. 25 pts si sa « maîtrise est « fragile », 40 pts si sa « maîtrise » est « satisfaisante » et enfin 50 points s’il a une très bonne maîtrise. 

En clair, l’évaluation du socle commun d’un élève de 3e peut aller (au pire) de 80 pts (8×10) à (au mieux) 400 pts (8×50) ! 

Examen final sur 400 points

L’examen final comme le contrôle continu permet de récolter au maximum 400 points, voire plus, si l’élève a pris une option (latin, grec, langues régionales) permettant d’obtenir 10 points ou 20 points de plus. 

  • 10 points, si les objectifs d’apprentissage du cycle sont atteints.
  • 20 points, si les objectifs d’apprentissage du cycle sont dépassés.

Pour rappel, les élèves sont soumis à 5 épreuves « d’examen ».

Les 4 épreuves écrites comptent sur :

  • 100 points pour le français (3h) : à partir d’un extrait de texte littéraire et éventuellement d’une image, évaluation des compétences linguistiques (grammaire – dont réécriture-, lexique, etc.) et des compétences de compréhension et d’interprétation + dictée + rédaction. 
  • 100 points pour les mathématiques (2h) : exercices, dont certains assortis de tableaux ou de schémas, et dont un exercice d’algorithmique.
  • 50 points l’histoire, la géographie et l’enseignement moral et civique (2h) : analyse et compréhension de documents + utilisation des repères historiques et géographiques + mobilisation des compétences de l’enseignement moral et civique.
  • 50 points pour les sciences (1h) (2 disciplines sur les 3) : physique-chimie, sciences de la vie et de la Terre, technologie.

Et une épreuve orale comptant sur 100 points où s’agit d’exposer un projet mené en histoire des arts ou dans le cadre d’un EPI ou de l’un des parcours éducatifs. 

L’heure des comptes

Beaucoup d’élèves, dans le système actuel, obtiennent leur brevet (ou à quelques points près) simplement grâce au contrôle continu. Pour ceux-là, l’examen sur table ne relève que d’une formalité. Mais une formalité dont le résultat conditionne quand même l’obtention d’une mention à l’examen. Il peuvent viser la mention assez bien à partir de 480 points soit une « moyenne » de 12/20 ; la mention bien à partir de 560 points soit une « moyenne » de 14/20 ; et la mention très bien à partir de 640 points soit une moyenne de 16/20.

Il y a pourtant des recalés au brevet, en éducation prioritaire leur pourcentage reste important. «Des élèves continuent d’être pénalisés par des sujets relativement mal tournés avec des consignes trop pleines d’implicite et articulées autour de référents culturels qui manquent à certains », témoigne Marie-Astrid Clair, enseignante de lettres en REP+ et collaboratrice de L’École des lettres. Si de façon globale, la réussite au brevet ne coïncide pas avec le passage dans la classe supérieure, « Un élève de 3e qui souhaite passer en bac pro ira en rattrapage 2nde et non en lycée pro s’il n’obtient pas son brevet !», prévient-elle.

Examen barrière

L’ancien ministre de l’Éducation nationale, Gabriel Attal, aujourd’hui premier ministre, a annoncé que la réforme dite du « choc des savoirs » allait faire du brevet un examen barrière conditionnant le passage en seconde. Ce qui aurait également pour effet de souligner les écarts de niveau entre les établissements. La promotion de juin 2025 va essuyer les plâtres. 

L’objectif du premier ministre serait de relever le niveau du brevet. « Un examen qui a du sens c’est un examen qui a des conséquences », a-t-il défendu en faisant du premier examen scolaire un prérequis pour le lycée. Il a également déclaré que sur le barème du contrôle continu ne serait plus fondé sur la maîtrise des compétences mais sur les moyennes obtenues tout au long de l’année. Et les épreuves terminales pèseront pour 60 % de la note finale. Ceux qui échoueront au brevet n’iront pas en seconde mais ne redoubleront pas la troisième non plus. Ils iront vers une « prépa lycée », nouvelle classe de remise à niveau.

« Ventiler »

Mais qu’en est-il des élèves qui ont déjà du mal ? Il est d’usage dans les centres de correction de privilégier les notes globales plutôt qu’un comptage de points par réponse, pour « ventiler » les bonnes réponses. Comment les enseignants, notamment en REP, vont-ils ajuster à l’avenir ? Environ 20 % des collégiens sont scolarisés en REP. Le taux de réussite moyen serait de 82% en REP, 79 % en REP +. 8 à 10 % de moins que la moyenne générale.

« Le diplôme national du brevet deviendra un examen d’orientation post-troisième. », avait proposé Marine Le Pen dans son programme pour l’élection présidentielle de 2022. Gabriel Attal a repris l’idée. « Faire du brevet l’examen de l’entrée en seconde, c’est choisir sans appel que le collège doit être une propédeutique au lycée, et non pas la deuxième phase d’une instruction obligatoire (pour tous) », déplore l’historien de l’éducation Claude Lelièvre dans une tribune parue dans Le Monde.

Dans La Classe du brevet, paru en 2001, Michel Jeury écrivait : « Le brevet du nouveau programme, au nom inquiétant et barbare, BEPC, qui remplaçait le bon vieux brevet élémentaire. C’est bien ma chance, songeait-il, de passer en troisième juste pour essuyer les plâtres du nouvel examen. Essuyer les plâtres, c’est ce qu’avait dit Mr Bert, le directeur… Mais Rémi ne regrettait pas l’ancien brevet, tellement difficile. Et puis une époque merveilleuse commençait, sous le signe de l’Amérique, des avions à réaction et des soucoupes volantes, sans oublier la fin des restrictions et Cerdan champion du monde : un nouveau brevet pour les garçons et les filles qui verraient l’an 2000 – s’ils vivaient assez vieux – ce n’était que justice. »

A. S.

L’École des lettres est une revue indépendante éditée par l’école des loisirs. Certains articles sont en accès libre, d’autres comme les séquences pédagogiques sont accessibles aux abonnés.

Antony Soron
Antony Soron