"Le scénario dans tous ses états" – roman, BD, cinéma, télé, jeu vidéo, transmédia : neuf auteurs parlent de leur travail de scénariste
En mai 2013, une rencontre exceptionnelle entre scénaristes de différents médias a été organisée par les éditions Rue de Sèvres.
Animée par Fabien Vehlmann, cette journée a permis de confronter les techniques et aspirations d’auteurs de romans, de bandes dessinées, de films d’animation pour la télévision et le cinéma, de jeux vidéo, de « transmédia ».
Quel dialogue s’établit entre scénaristes et dessinateurs, comment peut-on renouveler et prolonger des bandes dessinées cultes, comment s’appuyer sur une documentation, de quelle manière tenir compte des attentes des lecteurs ?
Quels sont les effets du passage d’un média à un autre – du roman à la bande dessinée, de la bande dessinée au cinéma, au film d’animation ou au jeu vidéo ? Et, à l’intérieur d’un même art, comment passe-t-on d’un genre à un autre ?
Mais encore : de quelle manière le numérique accentue-t-il la perméabilité entre des modes de création qui jusqu’ici évoluaient parallèlement ?
On retrouvera dans ce numéro de l’École des lettres le détail de ces questions, les débats qu’elles ont suscités et l’on découvrira les nouveaux espaces de création qui s’ouvrent aux auteurs aujourd’hui.
Au sommaire du numéro
« Le scénario dans tous ses états »
À la rencontre des scénaristes
par Louis Delas, directeur général de l’école des loisirs et fondateur de Rue de Sèvres
Une maison d’édition, c’est un lieu où les auteurs doivent se sentir chez eux. Nous, éditeurs, sommes là pour leur permettre de créer dans les meilleures conditions et dans la plus grande sérénité possibles. Cette implication des auteurs est notre obsession, et le restera. Elle entre dans les valeurs de l’école des loisirs, de même que la communication vers les médiateurs et les libraires.
Cette rencontre autour du scénario a pour objectif de favoriser des échanges sans contraintes entre auteurs, et de réfléchir à ce qui fait la qualité des histoires dans différents médias : romans, bandes dessinées, films d’animation pour le cinéma et la télévision, jeux vidéo et « transmédia ».
Les scénaristes participant à la journée d’étude
• Samantha Bailly, auteur de romans de fantasy, de romans contemporains et de thrillers.
• Malika Ferdjoukh, romancière, scénariste.
• Régis Hautière, scénariste de bandes dessinées.
• Wilfrid Lupano, scénariste de bandes dessinées.
• Valérie Mangin, scénariste de bandes dessinées.
• Matz, scénariste de bandes dessinées, de jeux vidéo, romancier, traducteur.
• Delphine Maury, directrice d’écriture dans l’animation pour la télévision, auteur, producteur.
• Fabien Vehlmann, scénariste de bandes dessinées et de films d’animation.
• Éric Viennot, game designer et cofondateur de Lexis numérique, studio de développement de jeux vidéo.
par Éric Viennot
Dans le transmédia, ce n’est pas vous qui entrez dans l’histoire pour incarner un personnage virtuel, comme on le fait habituellement dans les jeux vidéo, c’est l’histoire qui s’introduit dans votre monde réel.
Vous êtes en immersion dans l’histoire. C’est l’un des enjeux essentiels de la narration transmédia.
Écrire pour le jeu vidéo, le cinéma et la BD
par Matz
Dans le jeu vidéo, le scénario n’est que l’un des rouages du projet. Contrairement à ce qu’il se passe dans l’audiovisuel ou dans la bande dessinée, où le scénario est vraiment à la base du projet. Dans le jeu vidéo, c’est le gameplay – la « jouabilité » – qui compte, c’est lui qui fait l’originalité du jeu, et donc son succès. Le scénario passe après.
Renouveler une série existante
par Valérie Mangin
La grande question que nous nous sommes posée en nous lançant dans la reprise du personnage d’Alix c’est : qu’est-ce qui fait qu’on l’a tant aimé dans notre jeunesse ? Comment faire pour que les jeunes d’aujourd’hui l’aiment à leur tour ? Que faut-il absolument garder de l’esprit de Jacques Martin pour que cela fonctionne ?
Pour moi, Alix, c’était d’abord de l’aventure et du mystère dans le cadre de l’Antiquité. Le reste était secondaire.
Jouer avec les genres
par Samantha Bailly
Je suis d’une génération qui a grandi avec les jeux vidéo et les mangas… Pokémon, mon premier jeu, est un jeu de rôle. Le jeu de rôle est le jeu vidéo narratif par excellence puisqu’on y incarne un personnage que l’on suit dans son parcours, dans ses choix, à travers une arborescence de scènes et de dialogues… Je pense aussi à des jeux comme Chrono Trigger, qui propose, par exemple, une dizaine de fins possibles, le plaisir du joueur étant d’essayer toutes les combinaisons. Cette exploration des possibles compte parmi les choses qui m’ont inspirée en tant que romancière.
L’écriture tout public
par Régis Hautière
Quand j’ai commencé à écrire de la bande dessinée, je ne me posais pas la question du public : j’écrivais pour me faire plaisir et pour faire plaisir au dessinateur avec lequel je travaillais. L’interrogation sur le public auquel je destinais mes BD est venue récemment, à l’occasion d’un diptyque intitulé Abélard, paru chez Dargaud.
Travailler avec un dessinateur
par Wilfrid Lupano
J’aime bien avoir dans ma besace deux ou trois scénarios finis. En effet, quand je rencontre un dessinateur dont j’admire le travail, plutôt que d’attendre que chacun soit disponible, j’aime pouvoir lui montrer des scénarios susceptibles de l’intéresser.
Quand il y a une envie commune de travailler ensemble, il serait dommage de manquer le rendez-vous. Maintenant, il faut accepter l’idée de passer deux ou trois mois par an à écrire… peut-être pour rien.
Écrire pour la télé
par Delphine Maury
Quand j’ai découvert le métier de la direction d’écriture, j’ai vécu cette période comme un pur état de grâce. Mais, à terme, après l’avoir pratiqué sur plusieurs séries d’animation, j’ai déchanté. En effet, le directeur d’écriture se trouve entre le marteau et l’enclume, coincé entre les équipes de scénaristes, les auteurs originels, les boîtes de production et les chaînes de télévision !
De l’écriture imaginaire à l’écriture documentée
par Fabien Vehlmann
J’ai développé une technique de création consignée dans des petits carnets intitulés Les histoires qui n’existent pas. Le principe est celui des collages surréalistes. Je découpe plein de photos, et je les pose sur un grand tableau de liège. Puis, au hasard, je balance sur les photos des titres de films, eux aussi préalablement découpés. Je vois si cela m’évoque quelque chose, et, si oui, je colle dans le carnet.
Ce qui m’intéresse, c’est que le collage ramène en surface des éléments de l’inconscient. Avec ces carnets, je me constitue un stock d’idées que je relis régulièrement, au moment d’écrire un scénario, en me demandant si je vais pouvoir les utiliser.
« Pas besoin de faire l’auteur, Malika, c’est que de la télé »
par Malika Ferdjoukh
Lorsqu’un journaliste lui demanda un jour ce qu’il pensait de l’adaptation de ses romans en films, William Faulkner répondit : « Quand le cinéma vous propose d’acheter un de vos romans, il ne vous reste que deux choses à faire : empocher le fric qu’on vous offre et prier pour que le film ne se fasse jamais. »
Il savait fort bien de quoi il retournait, lui dont les romans étaient, et restent, proprement inadaptables et sur lesquels de grands noms du cinéma américain se sont cassé les dents. Lui qui avait été scénariste à Hollywood pour l’argent, disait-il, qui lui permettait d’écrire des romans.
Glossaire
Dans chaque article de ce numéro, un astérisque est ajouté à la première occurrence d’un terme technique défini dans le glossaire.
Pour en savoir plus sur les scénaristes
• Samantha Bailly : son site, sa page Facebook, son compte Twitter.
• Malika Ferdjoukh : tous ses livres à l’école des loisirs.
• Régis Hautière : son blog, sa page Facebook.
• Wilfrid Lupano : son blog, sa page Facebook.
• Valérie Mangin : son site, sa page Facebook.
• Matz (Alexis Nolent) : le site de son agent, sa page Facebook.
• Delphine Maury : le site de Tant mieux prod (En sortant de l’école), le site des Armateurs et celui de Magelis (Les Grandes Grandes Vacances).
• Fabien Vehlmann : son site, le site de Professeur Cyclope.
• Éric Viennot : son site, son compte Twitter, le site de Lexis numérique.
Pour être informé(e) des prochaines rencontres professionnelles organisées par Rue de Sèvres,
Le numéro de l’École des lettres, « Le scénario dans tous ses états » (96 pages couleurs, 8 € franco de port), peut être commandé par CB sur ce site
ou par courrier, accompagné d’un chèque à l’ordre de « l’École des lettres »:
l’École des lettres, 11, rue de Sèvres, 75006 Paris.
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