Élémentaire, de Sébastien Bravard :
prof, le métier du siècle

Comédien devenu professeur des écoles comme on rejoint le front, après le covid, Sébastien Bravard a écrit un seul-en-scène sur le beau métier d’enseigner. Il raconte ses premiers pas en classe, dans un décor à la fois familier et magique, où c’est en premier lui qui apprend.
Par Marie-Astrid Clair, professeure de lettres et formatrice Inspé (académie de Paris)

Comédien devenu professeur des écoles comme on rejoint le front, après le covid, Sébastien Bravard a écrit un seul-en-scène sur le beau métier d’enseigner. Il raconte ses premiers pas en classe, dans un décor à la fois familier et magique, où c’est en premier lui qui apprend.

Par Marie-Astrid Clair, professeure de lettres et formatrice Inspé (académie de Paris)

Le dénigrement du corps professoral est une pratique qui ne manque pas d’experts. Le temps a passé depuis le covid où les parents chantaient les louanges des enseignants après s’être arraché les cheveux en faisant travailler leurs enfants. Difficile aujourd’hui d’échapper au prof bashing, y compris sur des chaînes de télévision du service public, et les professeurs semblent ne faire parler d’eux que lorsqu’il s’agit de les critiquer. Dans les discours habituels, les bons profs font figure d’exception : « Un professeur, ça change la vie pour toute la vie », disait le ministère de l’Éducation nationale dans une campagne publicitaire récente, faisant fi de la lignée d’enseignants méritants qui ont précédé ou suivi ce professeur au singulier, présenté comme miraculeux.

La pièce de théâtre écrite et jouée par Sébastien Bravard, Élémentaire, offre une vision du métier à rebours du discours ambiant. Après les attentats de 2015, ce comédien a décidé de devenir professeur des écoles, et il raconte ses premiers pas en tant qu’enseignant débutant dans cette pièce où il est seul en scène. Dans un décor à la fois familier et un peu magique, grâce à des jeux de lumières, de silences et de déplacements, c’est un tout un monde qu’il fait apparaître par son récit touchant et précis.

Présentation d’Élémentaire lors de sa création au théâtre de la Tempête en 2019

Pas une journée sans surprise

Sébastien Bravard fait entendre les voix authentiques et émouvantes de ses élèves, « leurs petites détresses et leurs grandes espérances », celle de sa formatrice qui lui conseille de « resserrer la vis », les paroles des collègues et des parents d’élèves, mais aussi ses propres doutes, ses hésitations et les grandes phrases qui ont défini le métier et le laissent songeur : « Les écoles primaires formeront le premier degré d’instruction. On y enseignera les connaissances rigoureusement nécessaires à tous les citoyens [1]».

Assez vite, il fait le lien entre son métier de professeur et son métier de comédien, qu’il n’exerce alors que pendant les vacances scolaires. Le texte de Suzanne Lebeau, L’Ogrelet (Théâtrales) enchante pourtant sa classe, comme La Diablesse et son enfant, de Marie N’Diaye (l’école des loisirs)  : « Le pouvoir magique des livres, ça existe », dit-il en baissant la tête, ne cherchant jamais à se montrer triomphant.

Ce qui est rarement dit du métier de professeur y est : il ne s’agit pas de transmettre des connaissances que d’apprendre tous les jours de ses élèves, « Pas une journée sans surprise, sans découverte ». Sébastien Bravard dit aussi les questionnements et la solitude de celui qui cherche « une façon de fonctionner à 28 » et l’ambition folle qu’il faut avoir pour « essayer de construire quelque chose ensemble ». Lorsqu’il évoque, comme sur les planches, la construction de chacun au sein du collectif, il semble avoir fait sienne la phrase d’Olivier Reboul que Philippe Meirieu cite souvent : « Enseigner ce qui libère et qui unit ».

Ouvrir des possibles

Dans cette pièce, Sébastien Bravard évoque son expérience de l’enseignement avec humour et humilité, se montrant tâtonnant, cherchant à accompagner au mieux, à « ouvrir des possibles » sans qu’aucun résultat ne soit jamais garanti. Le texte, écrit et joué de main de maître est d’une formidable efficacité. Il est criant de vérité pour quiconque a exercé en éducation prioritaire et il a su toucher les formateurs expérimentés comme les futurs professeurs lorsqu’il a été joué à l’Inspé de Paris en novembre 2024.

Après Avignon l’été dernier, ce spectacle est joué au théâtre de Belleville dans le 11e arrondissement de Paris jusqu’au 31 mars 2025. Parents pourront y découvrir l’envers du décor et les préoccupations qui animent tout enseignant. Les professionnels de l’éducation auront probablement envie d’y inviter tout le monde ensuite : famille, amis et même détracteurs pour qu’ils comprennent le fragile équilibre d’une classe et l’exigence d’un métier qui nécessite tant de doigté. Pour tous les autres : l’Éducation nationale recrute ! C’est le moment d’y aller.

M.-A. C.

Élémentaire, de et jouée par Sébastien Bravard, mise en scène de Clément Poirée, jusqu’au 30 mars 2025 au théâtre de Belleville ; 16 passage Piver, 75011 Paris. Tél. : 01 48 06 72 34, reservations@theatredebelleville.com

Note

[1] Loi du 12 décembre 1792


L’École des lettres est une revue indépendante éditée par l’école des loisirs. Certains articles sont en accès libre, d’autres comme les séquences pédagogiques sont accessibles aux abonnés.

Marie-Astrid Clair
Marie-Astrid Clair