Filles et garçons : l’égalité des droits et des chances à l’école
« C’est un vieux débat », « Cela fait longtemps que c’est acquis », « S’il y en a bien qui font tout pour cela c’est bien nous les enseignants »…
En êtes-vous si sûrs?
Autant de phrases entendues lorsque le sujet de l’égalité des droits et des chances entre les filles et les garçons est abordé, notamment dans le milieu de l’Éducation.
Mais alors, pourquoi ce débat, s’il était clos, serait-il aujourd’hui au centre de la politique éducative de la ministre Najat Vallaud-Belkacem? Pourquoi une députée (Catherine Coutelle) serait-elle aujourd’hui chargée de la délégation de l’Assemblée nationale aux Droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes ? Pourquoi les filles qui réussissent a priori mieux à l’école sont-elles encore minoritaires dans les postes à hautes responsabilités ?
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Un peu d’Histoire…vers un peu d’égalité des droits
1791 : Olympe de Gouges rédige la Déclaration des Droits de la femme et de la citoyenne.
1907 : Libre disposition de leur salaire pour les femmes mariées.
1924 : Les programmes de l’enseignement secondaire ainsi que le baccalauréat deviennent identiques pour les filles et les garçons.
1944 : Ordonnance accordant le droit de vote et d’éligibilité aux femmes.
1946 : Le principe de l’égalité entre les femmes et les hommes dans tous les domaines est désormais inscrit dans le préambule de la Constitution.
1965 : Loi de réforme des régimes matrimoniaux qui autorise les femmes à exercer une profession sans autorisation maritale et à gérer leurs biens propres.
1972 : Le principe de l’égalité de rémunération entre les femmes et les hommes est inscrit dans la loi.
1975 : Instauration du divorce par consentement mutuel.
Obligation de la mixité scolaire.
La loi Veil autorise l’IVG (interruption volontaire de grossesses) pour une période probatoire de 5 ans.
1992 : Loi sanctionnant le harcèlement sexuel dans les relations de travail.
2000 : Loi de mise en oeuvre sur l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux.
Loi relative à la contraception d’urgence qui ne la soumet plus à une prescription obligatoire.
2006 : Loi sur l’égalité salariale entre les femmes et les hommes.
Loi sur la prévention et la répression des violences au sein du couple.
2007 : Loi sur l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives.
2010 : Loi du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants
Loi du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, qui vise à combattre les inégalités entre hommes et femmes dans les sphères privées, professionnelle et publique.
Cette chronologie, bien que remontant au XVIIIe siècle, témoigne bien du fait que ce combat est récent comparé à notre histoire. Les acquis d’égalité, s’ils le sont, n’en demeurent pas moins fragiles et soumis aux changements politiques, idéologiques et religieux. Il s’agit donc davantage d’avancées sociales que de réels acquis sociétaux.
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État des lieux
Prenons la mesure des inégalités actuelles, voire des discriminations sexistes avec quelques chiffres éloquents :
27 mai 2016 : Inégalités salariales : tous temps de travail confondus, les hommes gagnent 23, 5 % de plus que les femmes. Près de 11 % des écarts de salaires entre les deux sexes sont inexpliqués et relèvent d’une discrimination « pure ».
29 avril 2016 : En moyenne, les femmes consacrent trois heures trente par jour aux tâches domestiques, contre deux heures pour les hommes. Un écart qui peine à se réduire.
Trois femmes sont présidentes d’un conseil régional, six sont maires d’une ville de plus de cent mille habitants. Malgré la parité, imposée par la loi, dans les assemblées locales, les exécutifs restent peu accessibles aux femmes.
En France, les femmes vivent toujours plus longtemps que les hommes. Mais depuis les années 1990, l’écart se resserre, notamment en matière d’espérance de vie en bonne santé.
11 décembre 2014 : La quasi totalité des aides à domicile sont des femmes, contre 2 % des ouvriers du bâtiment. Les femmes demeurent cantonnées aux métiers dits féminins.
Les filles ont investi les bancs des universités ces cinquante dernières années passant de 42, 8 % des effectifs en 1960-1961 à 58, 4 % en 2012-2013. Mais les parcours universitaires demeurent nettement différenciés. Alors que les filles constituent 77 % des étudiants en lettres et sciences humaines, elles sont moins de 30 % dans le domaine des sciences fondamentales.
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Des inégalités renforcées dans et par l’école
Aujourd’hui, l’Éducation nationale se penche plus intensément sur cette question de l’égalité entre les filles et les garçons ainsi que sur l’éducation au respect mutuel :
« La transmission des valeurs d’égalité et de respect entre les filles et les garçons, les femmes et les hommes, constitue une des missions essentielles de l’école encore réaffirmée par la loi du 8 juillet 2013 de refondation de l’École de la République et par le lancement, dès la rentrée scolaire de septembre 2013, de l’Année de l’égalité à l’école.
Les inégalités de réussite scolaire et d’orientation déterminent trop souvent celles que l’on retrouve dans les carrières professionnelles des filles et des garçons. Alors même qu’elles réussissent mieux à l’école et sont plus nombreuses à obtenir le baccalauréat, moins d’un tiers des filles s’engagent dans les filières d’ingénieurs ; à l’inverse, moins de 17 % des étudiants des formations dans le domaine social ou paramédical sont des garçons.« Najat Vallaud-Belkacem.
Les inégalités peuvent être renforcées par l’école (maternelle, élémentaire, collège et lycée) de différentes manières :
Par les supports pédagogiques : Le choix des manuels, des textes, des contes, des images a son importance. Le sexisme est transmis, si l’on n’y prend pas garde, par la littérature jeunesse dont les personnages sont très sexués. Combien d’histoire de princesses vouées à être mères au foyer ? Combien de chevaliers héroïques sauvant une princesse ? Les stéréotypes et les clichés transmis notamment par les contes nécessitent d’être mis en perspective pour l’égalité, pour nuancer, apporter le contre-pied nécessaire à toute pensée critique, autonome et libre.
Les espaces : Les cours de récréation sont parfois encore assez symptomatiques du sexisme ambiant. Il y a la zone calme pour les filles qui jouent à l’élastique, à la marelle, discutent… et la zone, plus étendue, des garçons qui jouent au ballon (au football disent-ils). Dans certaines écoles élémentaires ou au collège, les espaces « mâles » sont des espaces de non-droit, interdits aux filles. L’inverse n’est jamais vrai. Mais le garçon qui s’aventure sur le « territoire des filles » et se fait adopter par les « louves » aura tôt fait de se faire insulter ou railler quant à ses orientations sexuelles. Le début de la discrimination, voire du harcèlement scolaire pour ce dernier.
Les punitions et sanctions : Les chiffres de vie scolaire dans le second degré montrent bien que les garçons sont davantage sanctionnés que les filles. Ils sont davantage punis par les enseignants. Il y a une dureté de traitement avec les garçons, comme s’il fallait frapper fort pour anéantir toute velléité, toute récidive ; il y a moins d’état d’âmes. Cela peut renforcer un sentiment d’inégalités de traitement, d’injustice qui va paradoxalement accentuer les mauvais comportements à l’école. Le garçon cristallise son identité de garçon ou ce qu’il croit être celle-ci ou bien ce qu’il croit que l’on attend finalement de lui.
La conduite de classe : Les garçons sont davantage interrogés que les filles. Pourquoi ? Parce que l’on pense qu’ainsi il sera plus facile de garder leur attention ; les enseignants redoutent leurs débordements et vont donc inconsciemment leur accorder plus d’attention. Les garçons sont valorisés dans les disciplines scientifiques, davantage interrogés par leurs enseignant(e)s alors que les filles le sont nettement moins. C’est l’inverse dans les disciplines littéraires. Pourquoi ? Parce que là encore les clichés demeurent et qu’une vraie réflexion sur sa pratique pédagogique est nécessaire pour que les habitudes évoluent.
L’orientation : il est donc aisé de comprendre pourquoi les filles se dirigent moins vers les filières scientifiques que leurs camarades garçons, pourquoi elles s’autorisent moins les classes préparatoires alors qu’elles ont de très bonnes moyennes, pourquoi elles n’osent pas toujours s’aventurer vers les études longues. Et, inversement, quel garçon ose aujourd’hui s’orienter vers des métiers dits féminins : sage-femme, secrétaire, aide à la personne, petite enfance… une petite minorité. Les clichés, les stéréotypes, les croyances qui nous sont imposés depuis longtemps et que nous peinons ou refusons de remettre en question empêchent nos enfants, nos élèves, d’être totalement libres de leurs choix professionnels.
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L’école doit remettre en cause les stéréotypes
contraires à sa mission universaliste
L’école ne doit plus être passive face à cette problématique de société, elle ne doit plus entériner le partage sexué des disciplines scolaires, elle ne doit plus nier les contenus de formation ou les comportements sexistes. Elle doit au contraire avoir un rôle éducatif et remettre en cause, avec conviction, les stéréotypes contraires à sa mission universaliste.
C’est l’indifférence aux différences qui doit être le mot d’ordre de l’école d’aujourd’hui.
Delphine Roux, principale-adjointe
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• Chiffres-clés : Ministère des Familles, de l’Enfance et des Droits des femmes.