Connectés pour apprendre. Les élèves et les nouvelles technologies
La dernière enquête de l’OCDE pour l’éducation fournit des informations sur les effets du numérique dans les apprentissages, en comparant les résultats des tests de compréhension à l’écrit informatisé aux tests réalisés à l’écrit sur papier.
Quelques données méritent un commentaire.
Il faut d’abord renforcer la maîtrise de la langue écrite sur papier, avant de basculer dans le tout numérique
En France, en 2012, la possession d’ordinateurs connectés à Internet à la maison est à peu près égale selon les classes sociales : 99 % des jeunes de quinze ans dans les milieux favorisés, 96 % dans les milieux défavorisés. Toutefois cette relative égalité ne tient pas devant les résultats aux tests : disposer d’un ordinateur ne suffit pas pour réussir également sur Internet des exercices de compréhension, des recherches de documents ou des exercices mathématiques : les écarts révélés par les tests sur papier reviennent à l’identique avec les tests numériques.
Or, là où l’OCDE recommande de renforcer les pratiques pédagogiques sur l’ordinateur, il y aurait peut-être lieu de procéder dans l’ordre et de renforcer d’abord la maîtrise de la langue écrite sur papier, avant de basculer dans le tout numérique.
En d’autres termes, il convient peut-être de conserver les livres dans les apprentissages fondamentaux, quitte à recourir à des méthodes d’un autre âge car l’OCDE insiste sur la nécessité de se doter d’une éducation du XXIe siècle appuyée sur les nouvelles technologies.
Il faut être bien naïf, ou plutôt bien hypocrite, pour soutenir sérieusement que la technologie peut faire augmenter un niveau en quelque matière que ce soit, et ce n’est pas parce que l’OCDE signale que les jeunes Français savent mieux que leurs voisins naviguer sur Internet à la recherche d’une information que leur aptitude à analyser et à réfléchir sera proportionnellement supérieure à la moyenne des autres pays. Dans cette facilité à utiliser Internet il y a plus d’accoutumance à la nouvelle consommation numérique que de révélation de qualités intellectuelles jusque-là insoupçonnées.
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Les effets pernicieux d’une mystique de la technologie
Si, de la même manière, l’OCDE relève que les établissements français sont aussi bien équipés en informatique que les grands pays de l’enquête, force est de constater que cela ne change pas, une fois encore, les résultats en compréhension et en rédaction et que – qui sait ? – le temps passé sur les ordinateurs à suivre des liens et ouvrir des fenêtres est du temps perdu pour des exercices plus formateurs.
L’OCDE a le souci de voir se réduire l’écart entre foyers bien équipés et foyers mal équipés : s’est-on jamais demandé si les foyers possédaient des livres ou non, des dictionnaires ou pas, de quoi écrire ou pas ? Il semblerait que ce qui préoccupe nos dirigeants, c’est une utilisation normée d’Internet, en établissant une démarcation entre un bon usage (faire des recherches sur l’« actualité » ou des informations pratiques), pratique des classes favorisées, et un mauvais usage (rechercher du divertissement), pratique majoritaire des classes défavorisées. Ouvrir de nouveaux fronts d’inégalité, n’est-ce pas se détourner d’inégalités plus anciennes et plus graves ?
Il y a une mystique de la technologie. L’OCDE voudrait être sûre que les enseignants sont bien prêts, sont bien formés à l’apprentissage par le numérique. À quand le professeur de français qui, loin de faire usage d’une belle formation en Lettres, saura simplement guider ses élèves de site en site, de Wikipédia au site du musée du Louvre, d’un site d’exercices en ligne à un site de corrigés en ligne ?
Pascal Caglar
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