Lire et étudier «Ceux de 14». Hommage à Maurice Genevoix, cent ans après
Voilà cent ans, Maurice Genevoix, jeune officier d’infanterie de 23 ans, parti en campagne contre l’Allemagne dès août 1914, connaissait aux Éparges une expérience combattante douloureuse à plusieurs titres.
Ayant pourtant été témoin à plusieurs reprises de la mort reçue et donnée, de l’épreuve du feu au plus fort de batailles et d’offensives meurtrières, il est engagé en février 1915 avec le 106e RI de Chalons, au sud-est de Verdun, dans de terribles conditions. Le piton des Éparges et son point X se trouvent aux mains des troupes allemandes.
À l’est, la plaine de la Woëvre, à l’ouest, l’organisation défensive française. Pour les Allemands, il s’agissait de pouvoir couper les communications françaises et étouffer Verdun ; pour les Français, de réduire le saillant allemand.
La mort de près
Le 17 février en début d’après-midi, les Français font sauter des mines sous les lignes allemandes. Les fantassins, sous la mitraille des deux artilleries, montent alors à l’assaut de la crête et s’y installent, y résistent, doivent refluer, repartent au combat. Durant quatre jours, la mort rode à chaque instant sur un bout de terre dévasté.
Maurice Genevoix subit les orages d’acier et assiste, impuissant, à l’écrasement de ses hommes. Il perd une grande partie de ceux avec qui il était monté sur la colline des Éparges. Il en a entendu les plaintes :
« Il y a Chantoiseau le jeune, qui recommence tout haut le compte de ses blessures, et d’heures en heures en découvre une nouvelle ; il y a Petitbru, qui ne cesse de hurler ; il y a Jean qui ne dit rien, immobile sur le dos, mais qui tousse par longues quintes exténuées, et tourne un peu la tête pour cracher les caillots qui l’étouffent ; et Gaubert, et Beaurain, et Chabeau qui délire toujours, clappant de la langue et menant ses chevaux, derrière sa charrue, dans son champ : “Dia ! Hue ! Allons petit ! Dia !” […] Et la nuit dure toujours 1. »
La boue, le froid, les cadavres et surtout la souffrance des blessés et la vision des morts qui hantent les tranchées défoncées. Genevoix perd aux Éparges son compagnon de route le plus cher, l’ami Robert Porchon 2, jeune saint-cyrien, comme lui sous-lieutenant d’infanterie, si investi dans la conduite de ses soldats et pourtant si insouciant jeune homme. Il repose aujourd’hui encore sous une tombe fleurie, au cimetière militaire du Trottoir, au bas des Éparges, avec plusieurs de ces compagnons d’arme cités dans Ceux de 14.
Les combats se poursuivent, acharnés, en mars et début avril : la crête est finalement prise et tenue par les Français au prix de lourdes pertes.
Le 25 avril, le sous-lieutenant Genevoix, réputé pour sa capacité à passer à travers la mort et les blessures, est touché de trois balles au bras et à l’épaule à la tranchée de Calonne, non loin des Éparges. Il est alors évacué du champ de bataille. Commence pour lui une épreuve physique tout autant que morale. Il lui faut quitter, presque honteux, ses hommes, ses camarades :
« Et ma guerre est finie. Je les ai tous quittés, ceux qui sont morts près de moi , ceux que j’ai laissés dans le layon de la forêt, aventurés au péril de la mort. […] Que serais-je sans vous ? Mon bonheur même, sans vous, que serait-il ? 3 », écrit-il à la fin des Éparges, comme un épilogue qui marquera tout le reste de sa vie d’homme.
Il reviendra sur cette dernière épreuve au crépuscule de son existence dans un petit ouvrage au titre explicite : La Mort de près 4.
Un grand témoin
Blessé, « meurtri, traumatisé », grand invalide de guerre, Maurice Genevoix ne pensait sans doute pas coucher sur le papier et publier un jour son expérience combattante. Il a fallu l’intervention insistante et persuasive de Paul Dupuy, secrétaire général de l’École normale supérieure et mentor du jeune Genevoix [5]. Paul Dupuy a su en effet, dès l’entrée en guerre, par la mise en place de correspondances croisées, conserver des liens solides entre les anciens élèves de la rue d’Ulm et en particulier avec Maurice Genevoix, sans doute son préféré. Il a su discerner dans les passages de ses trop rares lettres, le souffle d’un témoignage potentiel exceptionnel sur l’expérience de la guerre quasi universelle.
Maurice Genevoix, encore convalescent, se met finalement à l’ouvrage. Le premier volume de son récit de guerre, Sous Verdun, qu’il ne veut pas être un roman, est publié début 1916. Suivront quatre autres volumes : Nuits de guerre (1916), Au seuil des guitounes (1918), La Boue (1921) et sans doute le plus dramatique, Les Éparges (1923). Les trois premiers seront relus par la censure, et certains passages caviardés car jugés peu compatibles avec le maintien du moral à l’arrière et au front.
Comme le rappellent Michel Bernard et les lettres de Paul Dupuy, le récit que produit Maurice Genevoix s’inscrit dans la nécessité de témoigner. Et ce à deux niveaux. Paul Dupuy a vu en Genevoix un formidable écrivain capable de dire la guerre à hauteur d’hommes. Pour le jeune officier réformé, écrire est aussi une forme d’engagement vis-à-vis des morts et de ceux qui se battaient encore.
Au-delà du talent de l’écrivain, Ceux de 14 participe à cette mise en mémoire biographique de la guerre attendue par les contemporains du conflit. L’individualisation de la société, l’accès à l’école, à la connaissance de soi et du monde, ont conduit des millions de personnes à prendre la plume ou un appareil photographique. Ils se sont sentis d’emblée acteurs de l’histoire en marche. Il s’agissait donc de garder trace, de se souvenir de cet événement qui sortait de l’ordinaire, de la linéarité du temps social. La guerre installée dans la longue durée, la mort de masse comme la mise à distance des êtres, ont accentué encore ce besoin de témoigner, amplifié par la médiatisation soutenue de la guerre.
La presse nourrie en effet rapidement le public de témoignages « véridiques » du front, souvent tendancieux, souvent falsifiés, alors que les maisons d’éditions se font concurrence sur le terrain de la publication dites d’« œuvres de guerre ». Les voix du champ de bataille furent multiples, et leur véracité parfois douteuse.
L’ère du témoin
Ainsi, la Première Guerre mondiale s’inscrit à notre sens dans l’« ère du témoin 6 », celui qui croit devoir rendre compte ce qu’il voit pendant le conflit, conserver la mémoire de ce qu’il a vu pour les temps à venir. La Grande Guerre est d’emblée une guerre-mémoire portée par toute une société mobilisée. Et l’œuvre de Genevoix s’inscrit dans cette demande, ce besoin des contemporains de pouvoir dire et lire la guerre se déroulant, comme un récit d’aventure. Il revient sur l’ensemble de sa guerre, depuis la mobilisation de l’été 1914 et le départ au combat, jusqu’à la blessure de 1915.
Il évoque ainsi, de la guerre de mouvement aux tranchées, l’installation du conflit dans la longue durée, les désillusions et la mort de masse qui frappe au hasard sur un champ de bataille dont la modernité industrieuse écrase les hommes. C’est bien la guerre qui « a fait de lui un homme de lettres », comme le souligne le critique ancien combattant Jean Norton Cru. Ce fin connaisseur de la littérature de témoignage, pourfendeur des faux témoins médiatisés pendant la guerre, des bonimenteurs et autres littérateurs adeptes des exagérations et des fausses descriptions de guerre (il ne se gêne pas pour dénoncer Barbusse et Dorgelès), place Genevoix au panthéon des auteurs probes :
« Dans son œuvre de guerre, Genevoix a révélé une conscience, une aptitude, un talent, je voudrais ajouter un génie, mais le mot ferait sourire, qui constituent un cas unique dans notre guerre, mais toute notre histoire 7. »
À propos des cinq jours de février passés sur la colline des Éparges, Jean Norton Cru écrit : « Je désespère d’en donner une idée, c’est trop long, et chaque page est un chef-d’œuvre de reconstitution de ce que tant de soldats écrivains ont déclaré impossible à raconter 8.» Maurice Genevoix reste cependant un témoin parmi d’autres, issu d’une catégorie socioprofessionnelle spécifique, porteur d’une identité propre, celle d’un intellectuel normalien, officier subalterne d’infanterie de réserve, jeune (il est né en 1890), célibataire.
Il convient de comparer son récit de la guerre avec d’autres expériences, par exemple celles du tonnelier Louis Barthas, de l’artisan Gaston Mourlot ou du petit propriétaire terrien Henri Despeyrières 9. Mais le génie de Genevoix, pour reprendre le qualificatif de Jean Norton Cru, a été de livrer, avec une puissance certaine, un récit qui transcende la simple description. « De ces épreuves, il a fait surgir ce qui précisément nous fait davantage homme : ce par quoi on échappe à la mort et on rejoint l’éternité de notre destin : l’œuvre d’art », a écrit en une jolie formule l’historien Gérard Canini à propos de l’auteur de Ceux de 14 10.
« À mes camarades du 106. En fidélité.
À la mémoire des morts et au passé des survivants. »
Mais le récit de guerre de Maurice Genevoix doit aussi se lire tout autant comme une œuvre monumentale en hommage à ses camarades et à ses hommes comme en témoigne la dédicace de Ceux de 14 : « À mes camarades du 106. En fidélité. À la mémoire des morts et au passé des survivants. »
Sous Verdun est écrit en moins de trente jours, « donné d’emblée 11 ». L’écriture est alors aussi un exutoire au traumatisme subi par la blessure et la disparition, comme médication, ou plutôt comme tentative d’apprivoiser la dépression et la douleur. Et surtout, faire en sorte qu’aucun des acteurs morts en 1914, morts aux Éparges en 1915, sous les yeux de Genevoix ne meurent une seconde fois par l’oubli.
Maurice Genevoix reviendra toute sa vie, à toutes les occasions d’écriture ou de discours publics qui se présenteront pour vivifier la mémoire des morts. À propos des historiens normaliens Ducasse, Meyer et Perreux, auteurs de Vie et morts des Français publié en 1959, Maurice Genevoix écrit dans la préface, en élargissant à tous les survivants de la Grande Guerre : « Alors, puisqu’il est temps encore, une dernière fois, ils entendent témoigner. Les a-t-on assez écoutés ? Non, certes. Entendus seulement ? Non plus. Il s en récriminent pas, ne s’indignent pas. Mais enfin, cela est plus fort qu’eux. Ils voudraient ne pas s’en aller avec cette tristesse au cœur 12. »
Autant que Ceux de 14, ces différentes prises de paroles postérieures à la guerre, d’un style fluide et direct, sensible et plein de chaleur, traduisent toujours l’humanité et le travail de mémoire inlassablement remis sur l’ouvrage par l’auteur.
Une œuvre patrimoniale qui fait sens
Pour reprendre Cru, Ceux de 14 ne relève pas seulement d’un ouvrage de circonstance mais s’inscrit dans le sillage des œuvres patrimoniales.
L’œuvre de guerre de Genevoix peut se lire à deux niveaux : le premier, littéraire, peut se concentrer sur le style, épuré, direct. Genevoix sait capturer l’essence, l’essentielle de la vie dans les dialogues que les soldats échangent entre eux, dans le confort relatif du cantonnement, dans la souffrance partagée sous la pluie d’obus et dans la boue. Il sait ne pas en rajouter lorsque les hommes souffrent et meurt :
« Ils m’appellent à présent. Qu’est-ce que je peux ? Descendre, monter, m’accroupir près d’eux ou m’asseoir, et toute la nuit dire des mots inutiles, puisqu’il fait froid, puisqu’ils sont seuls, puisque les brancardiers ne viendront pas : “Mon lieutenant, vous me couperez bien la jambe, vous ? ”
Chabeau délire ; ses deux mains agrippent mon bras , il me parle d’une voix suppliante, qu’une angoisse de désir fait trembler […].
– Oh ! Vous n’vous figurez pas, répète Petitbru. Faut que j’crie, que j’crie… Les brancardiers ! les brancardiers ! »
Michel Bernard évoque encore aujourd’hui avec justesse, dans un livre hommage, le génie littéraire de Genevoix pour rendre compte des hommes en Grande Guerre : « Par une grâce particulière, indéfinissable, le jeune écrivain mis dans chaque phrases, au cœur de chaque mot, et dans l’articulation des mots entre eux, les silences en même temps, l’horreur et la pitié, le désespoir et l’amour 13. »
Plus qu’un écrivain de guerre, Genevoix décrit la guerre, de ce qu’elle révèle de l’humanité vraie de chacun, à la fois la brutalité et la fragilité. De celles qui transcendent le contexte même de son écriture pour donner à lire ce que nous sommes, nus devant notre commune condition, que chacun comprend et touche des mots à la lecture du récit. Maurice Genevoix peut être lu alors comme un éveilleur, celui qui tout en faisant distinguer le vrai et le faux, nous rend finalement plus humain et donc meilleur.
Il sait aussi, au détour d’un paragraphe, déjà, dépeindre la nature : un rayon de soleil qui traverse la densité végétale pour inonder un layon au cœur de la forêt meusienne ; le chant des oiseaux après le bombardement et le combat.
L’écriture reste d’une grande clarté aujourd’hui. Genevoix se lit mieux peut-être que Barbusse et Dorgelès, pourtant toujours si convoqués dans les manuels scolaires.
Un support pédagogique de premier plan
À un second niveau, le texte offre un support pédagogique de premier plan pour évoquer la Grande Guerre. On peut lire et étudier à travers son récit l’expérience combattante des soldats d’infanterie entre 1914 et 1915 : le passage de la guerre de mouvement à la guerre de position, la vie des hommes dans les tranchées et au cantonnement, les spécificités du champ de bataille de la guerre moderne. Et s’aventurer dans l’approche plus sociale de cette expérience : les camaraderies et solidarités, les temps partagés, les oppositions, le traumatisme vécu par des hommes qui n’étaient pas prédestinés ou préparés à affronter la violence.
Genevoix met beaucoup de cœur et d’humilité dans ses propos. Il se place en observateur attentif du sort des autres. Il n’y a pas décidément pas de héros dans cette guerre et ces combats, il n’y a que des hommes nus face à la mort :
« Combette est blessé, le capitaine Béreau est blessé, mortellement ; le sous-lieutenant Rumeur, tué… Chaque nouvelle est soudain parmi nous, on ne sait apportée par qui ; c’est une clarté sur ce que nous sommes, un coup de lumière sur nous et autour de nous […] 14. »
« On », « nous ». Maurice Genevoix use moins du « je » que de sujets qui disent l’identité combattante collective, partagée. Bien sûr, il reste le fossé entre les soldats et l’officier, les hommes du commun et l’intellectuel normalien 15. Mais Genevoix est sensible à l’humanité partagée, qui n’est pas chez lui conceptualisée, dogmatique, mais vécue.
Et les deux dimensions s’interpénètrent dans l’œuvre, offrant aux lecteurs une plongée tout à la fois dans l’univers de l’homme en guerre et dans celui du conscrit en 14-15. Ceux de 14 apparaît alors à la fois comme un document, un beau récit, une œuvre qui traverse les années et qui nous dit bien quelque chose de nous aujourd’hui encore.
Une présence vive aujourd’hui encore
Cent ans après, l’actualité de Maurice Genevoix comme écrivain de guerre nous semble alors vive. L’infatigable promoteur de la mémoire combattante de par son œuvre, son implication dans les rendez-vous commémoratifs ou à travers la création du Mémorial de Verdun dans les années 60, reste très présent aujourd’hui encore.
Le Centenaire de sa blessure, alors que se profile l’ombre du Centenaire de la grande bataille de 1916, est propice à un généreux travail de mémoire et de redécouverte de ses écrits de guerre. De multiples ouvrages ces trois dernières années ont contribué à installer Maurice Genevoix dans le paysage éditorial.
Les éditions de la Table ronde et la plume de Michel Bernard ont permis de redonner à lire les lettres, les discours, les interviews, les textes peu accessibles de Genevoix et ceux des carnets de guerre de son camarade Robert Porchon. La belle réédition de Ceux de 14 par Flammarion est accompagnée d’une postface qui redonne les visages des acteurs du récit de guerre que Genevoix avaient maquillé sans doute par décence. Cette réincarnation donne davantage de souffle humain encore à l’œuvre.
D’autres publications en format d’édition permettent de rendre accessible les récits de guerre de Genevoix aux plus jeunes 16, accompagnés parfois par des dossiers pédagogiques pluridisciplinaires d’une grande utilité.
Le réseau Canopé-Reims publie un DVD intitulé Maurice Genevoix, l’expérience combattante. Autour d’une interview de l’auteur de Ceux de 14 pour la télévision au début des années 1970, l’historien François Cochet et l’écrivain Michel Bernard évoquent, dans une approche complémentaire, la figure du témoin combattant. Nous l’avons souligné plus haut : l’œuvre de guerre de Maurice Genevoix se prête à une approche pluridisciplinaire à l’école, propice à mettre en œuvre un questionnement croisé et complémentaire lettres/histoire 17. Et donner aussi le goût de lire ou d’écrire aux élèves, tant le récit patrimonial de guerre de Genevoix est marquant.
Plus généralement, d’inconditionnels et fervents admirateurs, réunis dans l’association « Je me souviens de Ceux de 14 », travaillent à faire vivre l’héritage de Genevoix. L’économiste et écrivain Bernard Maris, gendre de Maurice Genevoix, assassiné en janvier 2015, en fut le président. Son dernier ouvrage intitulé L’Homme dans la guerre. Maurice Genevoix face à Ernst Jünger 18, témoigne de cet engagement à promouvoir la belle langue de l’écrivain-combattant.
Ainsi, des publications, des journées d’études, des spectacles ont rythmé l’année 2014 et rythme encore l’année 2015 à l’occasion du Centenaire de la bataille des Éparges. La Mission du Centenaire a notamment souhaité construire une « semaine Maurice Genevoix » en hommage au grand témoin de la Grande Guerre.
« On vous a tué, et c’est le plus grand des crimes », a écrit Genevoix à la fin des Éparges alors qu’il termine par le récit de son évacuation, la présentation de son expérience de guerre. Cent ans après, grâce à une œuvre d’une grande qualité littéraire, ceux qui ont combattu à ces côtés, ceux de 14-18, ne sont pas tout à fait morts, et tout à fait morts pour rien.
« Vous étiez là mes camarades. C’est pour vous, pour tous que je parle. Vous êtes là comme au premier jour. Et vous voyez, votre pays se souvient avec vous. Il sait qu’il faut vous respecter, vous entourer, vous remercier – et vous croire », rappelle-t-il dans un discours prononcé à la butte de Chalmont en 1968 19.
Cette mémoire vivifiée par le récit n’a rien d’une mobilisation idéologique au service d’une cause politique. Maurice Genevoix ne croyait pas en la bonté de cœur et d’âme de tous ses camarades ; mais il savait que tous pouvaient souffrir sans qu’ils puissent avoir le choix. Voilà peut-être un des enseignements forts que Genevoix a souhaité transmettre et qu’il convient de méditer face aux périls constants d’une nouvelle possible guerre.
Alexandre Lafon, docteur en histoire contemporaine,
conseiller pour l’action pédagogique
de la Mission du centenaire de la Première Guerre mondiale
.
1 Maurice Genevoix, Ceux de 14, Flammarion, 2013, pp. 766-767.
2 Robert Porchon, Carnet de route, La Table ronde, 2008.
3 Maurice Genevoix, Ceux de 14, op. cit., pp.858-859.
4 Maurice Genevoix, La Mort de près, La Table ronde, 2011.
5 Maurice Genevoix, Paul Dupuy, Correspondance 28 août 1914-30 avril 1915, La Table ronde, 2013, préface de Michel Bernard, p. 16.
6 Annette Wieviorka, L’Ère du témoin, Plon, 1998.
7 Jean Norton Cru, Témoins. Essais d’analyse et de critique des souvenirs de combattants édités en français de 1915 à 1929, Paris, Les Étincelles, 1929 ; réédition, Presses universitaires de Nancy, 1993-2006, p. 144.
8 Jean-Norton Cru, Témoins, op. cit., p. 153. Pour prendre connaissance de la recension complète de l’œuvre de Maurice Genevoix par Jean Norton-Cru : Alexandre, Lafon Maurice Genevoix par Jean-Norton Cru – voir ici.
9 Les Carnets de guerre de Louis Barthas, tonnelier, 1914-1918, Maspero/La Découverte, 1977-2013 ; C’est si triste de mourir à 20 ans… Lettres du soldat Henri Despeyrières 1914-1915, Privat, 2007, et Coll., Un ouvrier artisan en guerre. Les témoignages de Gaston Mourlot 1914-1919, Éditions Edhisto, 2012.
10 Hommage à Maurice Genevoix 1890-1980, Verdun, Editions du Mémorial, 1980, p. 11.
11 Michel Bernard, Pour Genevoix, Paris, La Table ronde, 2011, p. 83.
12 André Ducasse, Jacques Meyer, Gabriel Perreux, Vie et morts des Français, Hachette, 1959, préface de Maurice Genevoix.
13 Michel Bernard, Pour Genevoix, La Table ronde, 2011, p. 32.
14 Maurice Genevoix, Ceux de 14, op. cit., p. 743.
15 Sur cette question : Nicolas Mariot, Tous unis dans la tranchées ? 1914-191, les intellectuels rencontrent le peuple, Éditions du Seuil, 2013 et Alexandre Lafon, La Camaraderie au front 1914-1918, Armand Colin, 2014.
16 Maurice Genevoix, Les Éparges, Librio, 2014 et Ceux de 14, Larousse, « Les contemporains, classiques de demain », extraits, 2012.
17 Voir pour plusieurs pistes de travaux en classe l’espace pédagogique de la Mission du centenaire de la Première Guerre mondiale.
18 Bernard Maris, L’Homme dans la guerre. Maurice Genevoix face à Ernst Jünger, Grasset, 2014.
19 Maurice Genevoix, La Ferveur du souvenir, La Table ronde, 2013, p. 155.
• Les archives de la famille Genevoix sur le site de la Mission du Centenaire.
Voir sur ce site
• L’enseignement de la Grande Guerre de 1914 à nos jours. Entretien avec Benoit Falaize, par Alexandre Lafon.
• « À l’Est la guerre sans fin, 1918-1923 ». Aux racines du siècle présent, par Norbert Czarny.
• Commémorations du 11-Novembre : questions-réponses à l’usage des enseignants.
• Pourquoi commémorer la Grande Guerre.
• 1918-1919 : de l’armistice à la paix.
• Qu’est-ce qu’un monument aux morts. Projets pédagogiques et culturels.
• « Au revoir là-haut », d’après Pierre Lemaitre. Mises en mots et en images de la Grande Guerre : du roman à son adaptation en bande dessinée et au cinéma, par Alexandre Lafon.
• « Au revoir là-haut », de Pierre Lemaitre et Christian De Metter. Une leçon graphique, par Marie-Hélène Giannoni.
• 14-18. Écrire la guerre. Un numéro spécial de « l’École des lettres ».
et les nombreux articles publiés dans
l’École des lettres
.
Je viens de lire cette belle et profonde analyse sur Maurice Genevoix et son oeuvre. Il n’y a bien sûr rien à rajouter sinon ce simple conseil au lecteur, celui de se rendre aux Eparges,à la rencontre de ce que l’écrivain appelait l’indicible… Il se trouve que j’ai publié un livre photos et textes d’écrivains combattants sur la Grande Guerre: “Le bleuet et le coquelicot” – la Grande Guerre a travers le regard d’un enfant- Dans le chapitre 1915, j’aborde la bataille des Eparges à travers quelques textes de M.G. et les photos d’un enfant qui cherche à comprendre pourquoi tant de jeunes hommes meurent. Une autre façon de rendre un hommage à cet homme, témoin incontournable et indispensable dans ce centenaire.
Lundi 6 avril 2015, sera inaugurée au village des Eparges, un buste en bronze du lieutenant Maurice Genevoix.