Grégoire Korganow, « Prisons – 67 065 », à la Maison européenne de la photographie
Depuis le 4 février, la Maison européenne de la photographie accueille le travail que Grégoire Korganow, « photographe du réel », a effectué dans des prisons françaises entre 2011 et 2014.
Le réel, ce photographe nous y confronte sans ménagement après qu’il a pu s’y plonger en étant nommé « contrôleur délégué des lieux de privation de liberté ». Durant ces trois années, Grégoire Korganow a disposé d’un accès sans aucune limite, de jour comme de nuit, à tous les espaces de l’univers carcéral.
À travers ce regard ubiquitaire, nous pénétrons les détails d’un monde qui a son organisation propre, le quotidien des prisonniers, leurs lieux de vie.
Un regard sans voyeurisme
Bien que ce regard soit sans interdit, il ne répond à aucun voyeurisme et s’impose – et donc nous impose – une certaine pudeur en vertu de laquelle, par exemple, nous ne verrons pas leurs visages que les détenus cachent souvent, en les enfouissant parfois dans leurs mains. Cette pudeur est la condition de l’objectif qui ne semble prendre aucun parti, qui regarde et montre sans complaisance ni affect.
Mais par là même, ce silence, que nous observons nous-mêmes, devient la condition d’un cri intérieur à plusieurs voix : celui des condamnés à l’enfermement et à la misère, celui du personnel pénitentiaire dont on entrevoit également les difficiles conditions de travail, et même celui du public.
Ainsi cette jeune femme qui secoue la tête devant chaque cliché, s’indignant peut-être contre la vétusté des centres de détentions, ou bien s’agaçant, à l’inverse, que l’on puisse nous donner l’occasion de plaindre le sort de celles et ceux qui ont l’ont « bien mérité » ? Et puis, écoutons aussi cette mère qui là-bas demande à sa fille qu’elle tient par la main si cette « scène » de parloir ne lui rappelle pas ce qu’elle connaît elle-même quand elle va voir son papa.
Pudique, cette exposition n’en est pas moins bouleversante.
Une approche impartiale de l’enfermement
La visite est ponctuée par quelques textes rédigés selon cette même exigence d’impartialité ; ils nous permettent de mieux connaître la réalité de l’enfermement sans néanmoins nous orienter ni nous empêcher de nous émouvoir.
Si le but de l’artiste est d’éveiller et de nourrir la conscience collective par le truchement d’une expérience esthétique on ne peut plus réaliste (naturaliste peut-être), alors le but est bel et bien atteint.
Notons que l’exposition « Prisons – 67 065 », qui emprunte son titre au nombre de personnes incarcérées au 1er janvier 2014, ne se tient à la MEP que jusqu’au 5 avril.
Florian Villain
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• Grégoire Korganow, « Prisons – 67 065 », à la MEP jusqu’au 5 avril 2015, Maison européenne de la photographie, 5-7, rue de Fourcy, 75004 Paris.
• Le site de la Maison européenne de la photographie et le diaporama consacré à Grégoire Korganow.
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