1918-1919 : de l’armistice à la paix
Lorsque résonne le clairon de l’armistice sur le front ouest, la France est coupée par une ligne de front de près de 700 kilomètres. Une dizaine de départements sont en partie ou totalement occupés par les Allemands. Le bilan est lourd : la dernière année de la guerre a été parmi les plus meurtrières du conflit.
La joie de l’arrière est immense. Au front, les soldats sont empreints de plus de retenue, même si le soulagement est grand. C’est la fin du calvaire et des sacrifices pour des millions d’hommes. Ils veulent le croire et imaginent possible la « der des ders ». Pourtant, l’armistice n’est pas la paix…
L’armistice n’est pas la paix
Les plénipotentiaires allemands signent les clauses de l’armistice à Rethondes (Oise) vers 5 heures 30 du matin ce 11 novembre 1918. Elles déterminent les conditions du cessez-le-feu. Elles sont terribles pour l’armée allemande qui n’a pourtant pas « lâché » sur le terrain. Sous 14 jours, elle devra évacuer la Belgique, la France et l’Alsace-Lorraine, abandonner beaucoup de matériels militaires lourds : canons, avions. Les populations des territoires envahis devront regagner leurs maisons. En outre, les villes allemandes de Mayence, Coblence et Cologne seront occupées par les alliés, etc. L’armistice est effectif pour une durée de trente jours.
Comme convenu, le cessez-le-feu intervient sur la ligne de front à 11 h. L’annonce, par clairon, laisse les soldats dans une joie mesurée. Certes, on se congratule, on s’embrasse, on pleure, mais les combattants pensent aussi à leurs camarades tombés, pour certains dans les derniers combats. L’année 1918, avec la reprise de la guerre de mouvement, a été l’une des plus meurtrières de la guerre. Les combattants songent aussi rapidement à la démobilisation, à la perspective d’un retour rapide dans leurs foyers.
À l’arrière, les expressions de joie, spontanées ou organisées par les autorités, apparaissent plus démonstratives. Les cloches emplissent le paysage sonore après le tocsin funeste de l’été 1914. Les rues des grandes villes sont en liesses et pavoisent, c’est « une joie de Carnaval » [1] qui s’étend sur toute la France. Le président du Conseil, Georges Clemenceau, est ovationné par les parlementaires à Paris et par la foule qui s’est pressée aux balcons de l’hémicycle.
Après avoir lu les conditions d’armistice, le Tigre s’exclame :
« Et puis honneur à nos grands morts qui nous ont fait cette victoire ! Nous pouvons dire qu’avant tout armistice, la France a été libérée par la puissance de ses armes, et quand nos vivants, de retour sur nos boulevards, passeront devant nous, en marche vers l’Arc de Triomphe, nous les acclamerons. Qu’ils soient salués d’avance pour la grande oeuvre de reconstruction sociale. Grâce à eux, la France, hier soldat de Dieu, aujourd’hui soldat de l’humanité, sera toujours le soldat de l’idéal. »
Mais l’armistice n’est pas la paix, et certains songent encore à porter la guerre en Allemagne ou l’on redoute une reprise des combats.
Des tentatives de paix pendant la guerre ?
La guerre n’a pas été exempte de tentatives de paix, plus ou moins officielles. Dès avant août 1914, des institutions nationales et internationales, comme des personnalités de la vie publique et politique, se penchent sur la question d’une paix durable en Europe et dans le monde. Les « conférences de la paix » qui se tiennent à La Haye en 1899 et 1907 en sont l’expression, au même titre que les prises de position de dirigeants socialistes européens comme celles du leader socialiste français Jean Jaurès, assassiné le 31 juillet 1914.
Pendant le conflit, des voix se sont élevées pour dénoncer la guerre et/ou proposer un règlement pacifiste du conflit. Des personnalités de différents pays fuient la censure et le nationalisme en s’installant en Suisse d’où Romain Rolland, journaliste et écrivain français, publie dès septembre 1914 un article pamphlet dans le Journal de Genève intitulé « Au-dessus de la mêlée », dans lequel il dénonce la guerre européenne suicidaire.
La conférence des délégués socialistes de Zimmerwald (Suisse), en septembre 1915, s’inscrit dans ce sillon. Le 12 décembre 1916, les puissances centrales (Allemagne et Autriche-Hongrie) émettent des propositions publiques de négociations, alors que certains députés socialistes en France tentent de pousser à la paix. « En 1917, on n’a peut-être pas été loin de la paix », comme le note Georges-Henri Soutou.
En effet, après trois années de guerre, le contexte social et politique a changé. Le parlement allemand vote une résolution de paix en juillet 1917. Le Saint-Siège poursuit dans cette voie le 1er août alors que certains partis socialistes tentent de réunir une conférence pour la paix à Stockholm. Les quatorze points de Wilson dessinent quant à eux l’idée d’une « paix sans vainqueurs » en janvier 1918. Pourtant, l’année 1918 sera la plus meurtrière du conflit et Georges Clemenceau tiendra le pays dans la dynamique guerrière (et contre les pacifistes), jusqu’à la victoire de novembre 1918.
Ces tentatives et aspirations, que l’on retrouve à l’échelle du témoignage de soldats ou de personnalités publiques à l’arrière, montrent combien l’horizon de la paix se développe malgré la mécanique de la guerre totale dans les sociétés européennes. Sans pouvoir aboutir cependant à une paix hors de la victoire des armes.
La conférence de Paris et le traité de Versailles
La conférence de Paris s’ouvre le 18 janvier 1919. Son objectif est double. Il s’agit, dans la perspective de construire une paix durable, de créer la Société des Nations (SDN) et de préparer les différents traités de paix qui seront soumis aux vainqueurs qui ne sont pas conviés à la table des négociations. Celles-ci se cristallisent autour de quatre principaux points de vue : celui de la France, du Royaume Uni, de l’Italie et des États-Unis d’Amérique.
Le consensus domine entre les Alliés sur le rôle de l’Allemagne dans le déclenchement du conflit, Allemagne dont les représentants ne seront admis à la table des vainqueurs qu’au moment de la signature du traité de paix de Versailles le 28 juin. L’article du traité en affirme la responsabilité et l’ensemble des clauses énonce le droit à réparation. Clemenceau pour la France revendique au nom de la sécurité la plus grande fermeté vis-à-vis de l’Allemagne qui doit payer.
Très vite, les intérêts divergent. Les Britanniques ne souhaitent pas un retour de la seule puissance française en Europe et veulent faire de l’Allemagne un partenaire commercial et un rempart contre le bolchévisme, alors que l’Italie d’Orlando s’arc-boute sur les promesses du traité de Londres de 1915 et le retour au pays des terres « irrendente » (Trentin, Trieste, Istrie, côte dalmate). Le président américain Wilson veut promouvoir les principes de libre-échange et des nationalités en Europe. Cet idéal wilsonien (et les créances dues aux pays par les États européens…) posent les États-Unis en arbitre mais se heurte aux réalismes des demandes des pays vainqueurs.
La signature du principal traité se déroule dans la galerie des glaces à Versailles. Ce lieu n’est pas choisi au hasard, puisque c’est là même que le 18 janvier 1871 l’Empire allemand avait été proclamé à la suite de la défaite de la France. Plus qu’un affront, cette gestion politique et symbolique du traité et d’une paix négociée unilatéralement par les vainqueurs, ouvre la voie au ressentiment allemand.
En parallèle, et jusqu’à l’été 1914, les plus jeunes classes de soldats restent encore mobilisées. La reprise possible de la guerre reste en effet une éventualité, et le gouvernement craint les possibles tensions révolutionnaires, par exemple autour du 1er mai 1919. Ce n’est que le défilé de la victoire du 14 juillet 1919 qui entérine la fin de la guerre… en France. L’armée française combat encore en Europe de l’est où la guerre se poursuit, en Grèce, en Pologne, en Ukraine ou dans la Turquie qui sort, dans le sang, d’une Grande Guerre qui aura enflammée les Balkans de 1912 à 1923.
Cette chronologie différenciée de la guerre se retrouve dans la place des commémorations aujourd’hui et le sens polyphonique donné aux sorties de guerre. Les années 1918 et 1919 marquent l’armistice en France et l’entrée dans la paix. Elles apparaissent pour d’autres comme des naissances (la Tchécoslovaquie ou la Pologne), elles ouvrent pour d’autres encore des histoires plus difficiles de territoires perdus (la Hongrie), de nouveaux conflits (entre la Grèce et la Turquie).
La commémoration de la fin des combats à l’ouest ne peut être présentée comme consensuelle. La décomposition de plusieurs conflits, les tensions sociales et politiques, le choc démographique que connaît l’Europe hante encore aujourd’hui un Vieux continent à l’histoire potentiellement encore conflictuelle.
En classe
Le débat historiographique majeur s’articule autour de la question suivante : le traité de Versailles aurait-il pu être plus « juste » ? Il est possible de travailler cette question en classe à partir d’un « jeu de rôle ». La classe est divisée en groupe, chaque groupe représentant une nation à la table des négociations qui doit faire avancer son point de vue… et réussir à imposer deux ou trois de ces revendications.
Alexandre Lafon
Pour aller plus loin
• Jean- Michel Guieu, Gagner la paix 1914-1919, Paris, Seuil, 2015.
• Robert Gerwarth, Les Vaincus. Violences et guerres civiles sur les décombres des empires, 1917-1923, Paris, Seuil, 2017.
Sitographie
• L’histoire par l’image : la signature du traité de Versailles.
• Fiches historiques 1919-1929.
• Fiches élèves : le traité de Versailles.
[1] Yves Pourcher, Les Jours de guerre. La vie des Français au jour le jour 1914-1918, Plon-Hachette, 1994, p. 447.
Voir sur ce site les autres fiches du dossier
• Commémorations du 11-Novembre :
questions-réponses à l’usage des enseignants.• Pourquoi commémorer la Grande Guerre.
• 1918-1919 : de l’armistice à la paix.
• Qu’est-ce qu’un monument aux morts ?
Projets pédagogiques et culturelset les nombreux articles publiés dans
l’École des lettres