Tortures sur les jeunes Amérindiens au Canada
C’est l’histoire d’un « pensionnat pour sauvages », un de ces multiples établissements qui se sont efforcés d’assimiler les Amérindiens au Canada entre 1827 et 1996. Au mépris de leurs cultures, au mépris aussi des droits de l’homme les plus élémentaires tant les sévices ont été nombreux au nom de ce dessein. Déjà le pensionnat décati par moins vingt degrés qui manque de lait au bout de quelques mois, c’est pas riant, mais si on y ajoute que des enfants de huit à seize ans sont appelés par des numéros, que s’exprimer en algonquin est décrété sacrilège et se trouve puni par châtiment corporel, qu’ils endurent des douches de javel pour blanchir leur peau, et subissent, filles et garçons, les appétits sexuels du prêtre en chef, le lieu tenu par des missionnaires et des bonnes soeurs s’apparente rapidement à l’enfer sur terre. « Quand tu seras là-bas, tu devras trouver un endroit à l’intérieur de toi pour ne pas oublier ce que nous sommes, ce que tu es… », a murmuré sa mère à Jonas quand il a été arraché à ses bras. Le roman de Nathalie Bernard commence au lendemain de ses seize ans, il est fort comme un homme à force de couper du bois, et à la veille de reprendre sa liberté. Les chapitres égrènent le compte à rebours mais, à mesure que sa libération se rapproche, son récit à la première personne s’enfonce dans l’horreur. En italique, sa voix se double de ses souvenirs et de ses pensées profondes. C’est un long cri individuel et collectif qui s’échappe à travers son témoignage reconstruit par la romancière, un cri de souffrance et de révolte.
Nathalie Bernard, Sauvages, Thierry Magnier, 284 pages, 14,50 euros.