Quelle connerie la guerre ! Le cycle cinématographique du Forum des Images
Le Forum des images situé au Forum des Halles à Paris tiendra au cours des mois de septembre et octobre un cycle de cinéma intitulé « Quelle connerie la guerre ! ».
Cette année 2014 est en effet marquée par de nombreuses commémorations guerrières : centenaire du déclenchement de la Première Guerre mondiale, soixante-dix ans du débarquement de Normandie et de la Libération de Paris, et soixantièmes anniversaires des accords de Genève signant la fin de la guerre d’Indochine et du déclenchement de la guerre d’Algérie.
Cette liste n’est cependant pas exhaustive, puisque le magazine L’Histoire titrait en mai dernier sur la commémoration de la bataille de Bouvines en 1214, comme première guerre européenne ayant permis l’émergence d’États modernes, et cette année représente également le triste anniversaire du génocide rwandais.
L’expression du pacifisme au cinéma
L’année est riche en événements touchant à la commémoration de ces guerres. Mais la particularité du Forum des images est d’avoir choisi un angle différent, en se focalisant sur la manière dont les cinéastes ont dénoncé la guerre et œuvré en faveur du pacifisme.
Ce cycle, qui se déroulera du 16 septembre au 2 novembre, abordera surtout les deux premiers conflits mondiaux, mais concernera aussi la guerre froide, la guerre du Viêt-Nam ou encore la guerre d’ex-Yougoslavie.
Signalons toutefois – au risque de gâcher notre plaisir – l’absence de films consacrés à la guerre d’Algérie, alors même que beaucoup de cinéastes ont dénoncé aussi ce conflit, à commencer par l’incontournable Avoir vingt ans dans les Aurès de René Vautier ou encore RAS (acronyme de Rien à signaler), d’Yves Boisset, tiré du livre-témoignage de Roland Perrot. Mais il est vrai qu’il y a deux ans – pour le cinquantenaire de la fin de la guerre d’Algérie – le Forum des images avait consacré un cycle à la guerre d’Algérie…
Des « Sentiers de la gloire » aux créations contemporaines
Parmi les films projetés en septembre, certains font figure d’incontournables, en particulier ceux concernant la Première Guerre mondiale. Ainsi, Les Sentiers de la gloire, de Stanley Kubrick, tiré du roman d’Humphrey Cobb, évoque les fusillés pour l’exemple. Censuré à sa sortie en France en 1958, alors en pleine guerre d’Algérie, ce film fait désormais partie des grands classiques pacifistes (le 18 septembre à 21 h).
Il en est de même pour le superbe Johnny s’en va en guerre de Donald Trumbo, tiré du livre du même nom, qui nous plonge dans les méandres psychologiques d’un grand mutilé de guerre coupé de toute forme de communication (21 septembre à 21 h). Enfin, autre grand classique, La Grande Illusion, de Jean Renoir, avec Jean Gabin et Eric von Stroheim (1937) nous ouvre à un dialogue franco-allemand en pleine Première guerre, après que des officiers français ont été fait prisonniers (20 septembre à 21 h).
Le sujet de ce film se rapproche des fraternisations dans la Première Guerre mondiale, en particulier lors de Noël 1914, sujet du film beaucoup plus récent (2005) de Christian Carion, Joyeux Noël (16 septembre à 17 h, 30 et 21 septembre à 14 h 30). Ce film est tiré de faits réels. Parmi les autres productions récentes, notons également Un long dimanche de fiançailles de Jean-Pierre Jeunet (avec Audrey Tautou, 2004), d’après le livre de Sébastien Japrisot, qui passera le 21 septembre à 16 h 30.
À la redécouverte d’œuvres méconnues
Mais la richesse de la programmation du Forum des images permet de diffuser de nombreuses œuvres beaucoup moins connues et tout aussi intéressantes, voire percutantes. Tiré du célèbre livre d’Erich Maria Remarque, À l’ouest, rien de nouveau, le film éponyme de Lewis Milestone, datant de 1930, ressort en salle le 5 novembre prochain et est proposé en avant-première au Forum le 16 septembre. Ce livre et ce film nous permettent de voir la guerre vécue par « ceux d’en face », les Allemands en l’occurrence, et de voir que les dégâts y sont identiques.
L’œuvre du résistant Vercors, Le Silence de la mer, qui raconte la résistance passive opposée par un père et sa fille à la réquisition de leur maison par un officier allemand pendant la Seconde Guerre mondiale a été adaptée au cinéma par Jean-Pierre Melville en 1947. Elle sera proposée le 28 septembre prochain. Ce sera l’occasion de revoir cette œuvre, même si elle a été récemment réadaptée en téléfilm.
Parmi les autres projections, nous pouvons encore citer, pêle-mêle, Guernica de Robert Hessens et Alain Resnais, J’accuse d’Abel Gance, La Condition de l’homme, de Masaki Kobayashi (une trilogie de 9 heures !) ou encore Maudite soit la guerre, d’Alfred Machin, sorti de manière presque prémonitoire, en juin 1914, à la veille de la « grande boucherie ».
Un cycle de projections accompagnées de conférences
Le célèbre caricaturiste Plantu, créateur de l’association Cartooning for peace, viendra inaugurer le cycle du Forum des images le 16 septembre. Le lendemain, Tramor Quemeneur, historien à l’Université Paris 8, présentera l’histoire des désobéissances militaires et de l’objection de conscience en particulier, avant la diffusion d’un documentaire sur le pacifiste libertaire Louis Lecoin, qui a œuvré pour l’adoption d’un statut pour les objecteurs de conscience.
L’historien Laurent Véray fera un cours de cinéma le 19 septembre en analysant le pacifisme à travers les œuvres cinématographiques sur la Première Guerre mondiale.
Le 20 septembre, un important débat sur la Première Guerre mondiale se tiendra sur le fait de savoir si les soldats ont ou non accepté l’effort de guerre en 14-18. Ce débat scientifique secoue les spécialistes de la Première Guerre autour de la question du « consentement », certains répondant par l’affirmative, d’autres soulignant les actes de désobéissance et de résistance.
Ce débat se déroulera entre Nicolas Patin et Emmanuel Saint-Fuscien et sera animé par Christian Ingrao, chercheur spécialiste de la Seconde Guerre mondiale. Vincent Lowy fera une conférence sur les accords de Munich en 1938 et leur adaptation à l’écran (le 24 septembre).
Christian Delage, directeur de l’Institut d’histoire du temps présent (IHTP-CNRS) donnera le second cours de cinéma, consacré à « L’expérience de guerre de John Ford, Samuel Fuller et George Stevens » pendant la Seconde Guerre.
Enfin, Eugénie Zvonkine, de l’Université Paris 8, analysera deux films d’Alexei Guerman sur la Seconde Guerre mondiale en Union soviétique.
La programmation du mois d’octobre sera davantage axée sur les conflits plus contemporains, de la guerre du Viêt-Nam à celle de Yougoslavie. Encore une belle programmation en vue !
Tramor Quemeneur
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• 14-18. Écrire la guerre, un dossier de « l’École des lettres » développé durant toute l’année 2014-2015.
• La représentation de la guerre dans les Archives de « l’École des lettres ».
• Le site du Forum des images.
• Filmographie complète du cycle « Quelle connerie la guerre ».
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