Jules Verne, "Les Enfants du capitaine Grant"
Y a-t-il encore de jeunes lecteurs de Jules Verne ?
Bien des élèves d’aujourd’hui préfèrent sans doute cliquer sur Google map pour voir à quoi ressemble la Pampa argentine plutôt que de suivre le narrateur des Enfants du capitaine Grant dans des descriptions pourtant enthousiastes mais quelque peu didactiques.
En proposant une version abrégée en un seul volume des pérégrinations des enfants Grant, Marie-Hélène Sabard rend heureusement accessible au plus grand nombre l’un des meilleurs romans de Jules Verne.
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.L’un des meilleurs romans d’aventures du XIXe siècle
Les Enfants du capitaine Grant est certainement l’un des romans d’aventures les plus riches du XIXe siècle. La quête du père sert de McGuffin à ce foisonnant récit qui embarque son lecteur dans un périple quasi rectiligne visant à suivre de façon rigoureuse le 37e degré 11 de latitude, conduisant ainsi son jeune lecteur à la découverte des étonnants horizons de l’hémisphère sud.
La troupe héroïque constituée des enfants Grant, du couple aristocratique des Glarnavan et de quelques comparses subsidiaires nous fait franchir l’Amérique du sud. Le jeune Grant y survivra à l’enlèvement d’un condor, à un séisme suivi d’une crue dévastatrice ainsi qu’à l’embrasement d’un arbre (dû à l’orage) sur lequel il s’était réfugié. L’air, la terre, l’eau, le feu, on retrouve dans cette succession d’aventures le goût de Jules Verne pour les récits à forte connotation initiatique.
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Un récit qui confronte le héros à sa propre fin
Mais le récit reste avant tout récit d’aventure, comme le définissait Jean-Yves Tadié, c’est-à-dire récit qui confronte le héros à la mort, à sa propre finitude. L’étymologie du terme « aventure » a d’ailleurs à voir avec le destin – que l’on songe à l’expression « dire la bonne aventure ».
Et ce grand maître des destinées romanesques qu’est Jules verne, n’épargne guère sa troupe héroïque : si les débuts du périple australien semblent engager une pause dans les rebondissements, bien vite la trahison et les pirates s’invitent dans l’équipée. La troupe aventureuse poursuivra son expédition en Nouvelle Zélande où les attendent les plus féroces cannibales.
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L’inépuisable plaisir de conter, la poésie de la découverte géographique
Il y a dans ce roman de Jules Verne le plaisir de conter qu’on reconnaît volontiers au romancier, mais aussi une poésie de la géographie incarnée par le distrait Paganel, embarqué par erreur dans l’entreprise mais qui apporte cette touche d’excentricité qu’affectionnait le grand maître.
« La géographie est ma passion et mon étude », proclamait Jules Verne. Rien ne le manifeste mieux que ce roman où la terre et ses convulsions, les orages et les pentes escarpés des montagnes constituent les opposants premiers (on serait tenté de dire primitifs) à cette fervente quête filiale.
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Redécouvrir l’univers de Jules Verne
Des esprits chagrins pourraient regretter la réduction de l’ouvrage, je parie quant à moi que le professeur qui parviendra à faire absorber les deux cent soixante pages de ce roman qui conserve l’exigence de l’écriture vernienne pourra s’estimer satisfait. Les nombreuses leçons d’histoire que l’intarissable Paganel inflige au jeune Grant, manqueront aux puristes, au jeune Grant peut-être – mais quel lecteur d’aujourd’hui se reconnaîtraît dans la dévote attention que ce dernier accorde au pédant géographe ?
Nous n’aurons aucun scrupule à recourir à cette version dynamisée des Enfants du Capitaine Grant qui donnera au jeune lecteur d’aujourd’hui le plaisir d’entrer dans l’univers joyeux et foisonnant de Jules Verne.
Stéphane Labbe
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• Jules Verne, « Les Enfants du capitaine Grant », édition de Marie-Hélène Sabard, « Classiques abrégés », l’École des loisirs, 2012.
• Jean-Yves Tadié, « Le Roman d’aventures », « Quadrige », PUF, 1996.
• Tous les titres de collection « Classiques, Classiques abrégés » : feuilleter le catalogue.
• Jules Verne dans les Archives de ‘l’École des lettres » : inscrire le nom « Verne » dans la case Recherche.