Le Salon de Montreuil : le temple des livres de jeunesse

Salon du livre et de la presse jeunesse 2014Il n’y a pas eu de coups de canon le 26 novembre 2014 pour l’inauguration de la trentième année du Salon du livre et de la presse jeunesse (SLPJ). Ici, dès le départ, il va de soi en effet que ce ne sont que les mots de l’imaginaire qui tonnent et font office de sésame laissant en son seuil les maux réels et les déflagrations de l’actualité.
Depuis sa création, le succès du « Salon » est allé grandissant, validant l’idée maintenant largement partagée que l’édition « jeunesse » demeure très certainement l’avenir de l’édition en général, qu’il s’agisse du livre ou de la presse.
On comprend dès lors combien ce rendez-vous annuel constitue un lieu de rencontre inter-catégoriel incontournable où chacun – éditeur, auteur, professeur, documentaliste, bibliothécaire, libraire et lecteur – pourra partager avec chacun de ses partenaires son goût pour la « transmission ».
 

Le salon des acceptés…

La littérature de jeunesse a ses têtes de gondole, « flashant » tellement qu’elles laissent peu de place à des œuvres plus exigeantes, créatives, singulières dont les « petits » éditeurs notamment se font les passeurs. En ce sens, le Salon ne peut être caractérisé autrement que comme une passerelle vers des découvertes littéraires heureuses, sinon pionnières, pour le lecteur en herbe. Pour un enfant, quel n’est pas le bonheur de découvrir que l’auteur de son livre préféré est bel et bien un être vivant en chair et en os !
Outre l’enjeu de diffusion de la littérature et de la presse jeunesse dans le contexte économique et social que l’on sait, le salon de Montreuil vise à asseoir l’idée que la littérature de jeunesse ne peut plus – et ce définitivement – être caractérisée comme une littérature mineure.
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Sorties scolaires et entrées dans le temple…

Les sorties scolaires en direction du Salon sont devenues une quasi-institution le la part de certains établissements. Et même, si elles s’assimilent parfois à des courses d’orientation au pas de charge plus ou moins folkloriques, elles constituent l’occasion d’une rencontre avec le monde des livres et des auteurs aussi rare que précieuse.
À ce titre, on ne peut qu’espérer que cette prise de contact soit prolongée une fois rentrée « entre les murs ». Pourquoi ne pas profiter de ce passage au pays des merveilles pour suggérer aux élèves des lectures dites de jeunesse en relation avec les axes d’étude littéraire du programme ?
 

Des pépites à découvrir ou à redécouvrir…

L’album de jeunesse a de belles heures devant lui, comme on peut le constater en parcourant le Salon. Toutefois, sur le plan de sa place dans l’enseignement de la littérature en collège (pour en rester spécifiquement à ce niveau de la scolarité de l’élève), il y a encore un grand chemin à parcourir. Les expériences montrent pourtant qu’un album bien choisi a des répercussions positives sur l’attitude de certains apprenti-lecteurs que l’on dira d’ordinaire « réticents ».
De ce point de vue, comment ne pas dire et redire l’importance de l’œuvre graphique d’Yvan Pommaux qui a su mettre en images les plus grands épisodes de la mythologie grecque. Pour une classe de sixième, ne s’agit-il pas de la proposition de lecture cursive la plus heureuse qui soit – qui plus est, insistons-y, en parfaite relation avec le contenu des programmes de cette classe !
"Orphée", d'Yvan Pommaux
"Œdipe", d'Yvan Pommauxyvan-pommaux-troie "Ulysse", d'Yvan Pommaux
 
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Signalons aussi la magistrale histoire du monde que vient d’achever Yvan Pommaux en collaboration avec Christophe Ylla-Somers : Nous, notre histoire, à partir de  laquelle on pourra engager une réflexion avec tous les niveaux de classe, en collaboration avec les professeurs de français, d’histoire et d’art plastique.
• Vidéo : entretien avec Yvan Pommaux.
"Nous, notre histoire", d'Yvan Pommaux et Christophe Ylla-Somers
Selon la même perspective de lecture découverte complémentaire aux programmes de littérature, on gagnera à présenter aux élèves de cinquième censés aborder le « roman d’aventures », le superbe album de François Place, La Fille des batailles.
"La Fille des batailles", de François PlaceIl est important en effet de rappeler que l’album a deux avantages pour un lecteur non encore assuré.
D’une part, comme en témoigne celui de François Place, il lui permet de se rattacher aux illustrations pour construire le sens du récit (illustrations qui, dans ce dernier cas, relèvent vraiment de l’œuvre d’art).
D’autre part, il lui fournit un texte qui « va à l’essentiel » avec une quantité de mots raisonnable par page.
 
"Cyrano", de Rebecca Dautremer
 
Si l’on suit le fil de la progression de l’élève, et en ne conservant qu’un exemple par classe pour une raison synthétique, on pourra inciter le professeur de français d’une classe de quatrième à faire lire l’album de Rebecca Dautremer, Cyrano, pastiche de la si célèbre pièce de théâtre d’Edmond Rostand, Cyrano de Bergerac.
Outre, la subtilité du trait de l’artiste promouvant la singularité du personnage, on sera, là encore, sensible au caractère scénaristique du récit qui parvient à se saisir de l’essentiel de la trame dramatique.
 
 
"Mao et moi", de Chen Jiang Hong
 
En classe de troisième enfin, dans le cadre de l’approche du récit de soi, on trouvera dans l’album de Chen Jiang Hong, Mao et moi, un formidable exemple d’écriture autobiographique alliant texte et graphique dans un format d’épaisseur mesuré.
Enfant pendant la révolution culturelle – il avait trois ans –, Chen Jiang Hong, devenu petit garde rouge, va assister aux violences qui vont bouleverser la vie de sa famille et de ses proches. Le regard porté rétrospectivement sur ces dix années est la meilleure introduction à l’histoire de la Chine contemporaine.
• Vidéo : entretien avec Chen Jiang Hong.
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Entretenir l’esprit de Montreuil

Le Salon de Montreuil a pour but de renouveler le corpus à mettre entre toutes les mains mais il s’assigne aussi une autre fonction. Il vise à engager un partenariat entre les potentiels « passeurs » du texte de jeunesse, et tout particulièrement les professeurs de français, les professeurs documentalistes et les bibliothécaires.
En ce sens, les suggestions de lecture cursive dont nous n’avons offert qu’un modeste exemple seront d’autant plus fructueuses et variées qu’elles seront insufflées par les uns et les autres : ces « profs de lettres » qui emmènent leurs élèves à la rencontre des médiathèques après être allés à Montreuil, ces bibliothécaires qui font le trajet inverse pour proposer quelques pépites à des élèves trop persuadés qu’il y aurait des lieux de culture qui leur seraient d’office refusés.
Si un tel mouvement réciproque prenait encore plus d’ampleur, on aurait d’autant plus de raisons d’entretenir la flamme de Montreuil.

Antony Soron

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À la rencontre d’Yvan Pommaux, un numéro de « l’École des lettres ».
• « Nous, notre histoire », d’Yvan Pommaux et Christophe Ylla-Somers dans le numéro de septembre de l’École des lettres.
 
 
 
 
 
 
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1965-2015 : l’école des loisirs lance son cinquantenaire.

Antony Soron
Antony Soron

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