"L'Après-Charlie". Vingt questions pour en débattre sans tabou
Un petit livre utile à l’usage de ceux qui s’interrogent encore…
Quand viendra le temps du triste anniversaire, dans les frimas de la nouvelle année, sans doute « Charlie » redeviendra-t-il un sujet médiatique. Il n’empêche qu’entre-temps, du collège jusqu’au BTS, les questions posées par l’attentat et ses incidences collatérales conservent plus que jamais droit de cité.
Cela, Jean-Louis Bianco, président de l’Observatoire de la laïcité, Lylia Bouzar, présidente du Centre de prévention des dérives sectaires liées à l’islam (CPDSI), et Samuel Grzybowski, président-fondateur de l’association Coexister, l’ont bien compris. À ce titre, ils se proposent de répondre, pour citer le sous-titre de leur ouvrage, à « Vingt questions pour en débattre sans tabou ».
Les questions que se posent les enfants de la République
Structuré en cinq grandes parties, ce livre de poche co-publié par les Éditions de l’Atelier et le Réseau Canopé se subdivise en différents sous-chapitres amorcés par des interrogations à valeur synthétique, telles que : « Pourquoi ne dit-on pas que les premières victimes des djihadistes sont des musulmans ? », ou encore « Comment se fait-il que la connaissance des religions ne soit pas possible à l’école ? »
Autant de questions « pièges » placées en en-tête et relayées d’abord par trois questions formulées par des adolescents avant que, successivement et de façon complémentaire, le point de vue des trois contributeurs ne s’exprime.
Au-delà de la redoutable polémique
De toute évidence, L’Après-Charlie a été pensé selon une perspective pédagogique. L’idée, dans la continuité de la célèbre collection, « … expliqué à ma fille », se veut à la fois précise et synthétique afin de proposer des éléments d’argumentation aussi bien aux adultes qu’aux élèves. De ce point de vue, les éléments de réponse donnés à la question qui fâche par excellence, par ailleurs la première posée dans le livre, « Est-on obligé de dire “Je suis Charlie” ? », demeurent exemplaires.
Il suffit pour s’en convaincre de se référer à l’étayage qu’en donne Jean-Louis Bianco : « Bien sûr, on peut ne pas être “Charlie” ! Cela fait partie de la liberté d’opinion. De fait, le slogan “Je suis Charlie” a créé une confusion chez nombre de nos concitoyens. En le proclamant sur des affiches, des badges, sur Internet, il ne s’agissait pas de se revendiquer du journal Charlie Hebdo, mais d’affirmer sa révolte contre la barbarie terroriste… »
E = MC2
Enseignement Moral et Civique (puissance 2) ! C’est bien cela que promeut implicitement ce petit livre très instructif. En effet, l’affaire tragique qui a occupé les médias pendant des semaines ne doit pas aujourd’hui être étouffée sous un couvercle plombé. Comme le soulignent les trois contributeurs au travers de leurs points de vue respectifs, au-delà du drame qui a frappé les consciences et heurté les sensibilités de chacun, il y a des questions qui demeurent malgré le relatif silence du moment.
Par là même, si un professeur de collège, de lycée ou de BTS était un jour prochain en situation de revenir sur cette tragique affaire, il serait sans doute bien content de trouver matière à argumenter. Du point de vue civique et citoyen, le petit livre présenté trace, en effet, des perspectives intéressantes, et ce d’autant plus qu’il ne reste pas focalisé directement sur Charlie Hebdo.
Des questions comme « Le prosélytisme existe dans toutes les religions. Pourquoi serait-il blâmable dans l’espace public ? » ouvrent un champ d’analyse plus large et, à ce titre, donnent des pistes de travail tout à fait stimulantes, permettant, le cas échéant, de structurer certaines séances d’ÉMC.
Un de ces livres donc, à la modestie apparente, que chaque pédagogue, sinon chaque adulte, ferait bien d’avoir dans sa poche, afin de poursuivre son questionnement et de se préparer, en d’autres circonstances graves qui ne manqueront pas de se produire, à répondre à celui des enfants de la République…
Antony Soron, ÉSPÉ Paris
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• Voir sur ce site l’ensemble des articles consacrés aux actions terroristes de janvier 2015 et au dessin de presse.