La Marseillaise
En janvier, après les attentats, lors de la grande manifestation qui nous a rassemblés sur l’avenue de la République, les riverains avaient sorti leur sono et, de balcon en balcon, à intervalle plus ou moins régulier, on entendait se répercuter le rythme cadencé de la Marseillaise interprétée par Serge Gainsbourg.
C’était, si l’on peut dire, une manière de chanter l’hymne mezzo voce, avec la prudente ironie dont parle Vladimir Jankélévitch :
« L’ironie développe […] en nous une sorte de prudence égoïste qui nous immunise contre toute exaltation compromettante et contre les déchirements de l’extrémisme sentimental. »
On murmurait alors la Marseillaise du bout des lèvres, quasiment du bout de l’âme, un peu étonné de se voir chanter un texte réservé à d’autres, à ceux qui s’engagent. On communiait pacifiquement autour d’un chant révolutionnaire corrigé par la douceur du reggae, on chantait en bémol, en tonalité mineure, en retenant son souffle et sa voix.
Cette nuit, dans le quartier Oberkampf, les jeunes en sortant des cafés entonnaient à pleins poumons les couplets de la Marseillaise et les paroles retentissaient entre les murs des immeubles qui faisaient caisse de résonance :
« Ils viennent jusque dans vos bras
Égorger vos fils, vos compagnes…
Aux armes Citoyens ! »
Oui, cette nuit, les jeunes, enthousiastes, chantaient à tue-tête. Et cela m’a remplie d’un sentiment de joie mêlé d’effroi.
Isabelle Mimouni, 20 novembre 2015
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• Le manuscrit de la Marseillaise sur le site de l’Assemblée nationale.
.• Voir Même pas peur ? – Bref récit d’un mouvement de panique, par S. Thakys.