Harcèlement :
retour sur la soirée spéciale sur M6
Par Inès Hamdi, professeure de lettres
Le 12 septembre, la chaine M6 a consacré une soirée au harcèlement scolaire. Au programme : un téléfilm, Respire, un reportage, École, en finir avec le harcèlement, et des invités pour réagir et donner des conseils d’urgence en attendant les moyens et les formations annoncés par le ministère.
Par Inès Hamdi, professeure de lettres
Le 12 septembre, M6 a consacré une soirée au harcèlement scolaire, ce fléau qui emporte trop de vies et en écorchent d’autres. Au programme en début de soirée, un téléfilm inédit, Respire, librement inspiré de la vie de la jeune chanteuse Tessae qui a mis en mots les pages douloureuses de son adolescence[1]. Ont suivi un débat entre la véritable protagoniste de l’histoire, Nora Fraisse, fondatrice de l’association Marion Fraisse la main tendue[2], le ministre de l’Éducation nationale, Gabriel Attal, ainsi que Jérémie Fruchart, principal adjoint opérant au sein de l’académie de Montpellier et impliqué dans le dispositif pHAre[3]. Enfin, un documentaire, toujours consacré au même thème, a clôturé cette soirée riche en émotions et instructions.
« La honte doit changer de camp »
« J’ai vu le vide de très près. » C’est sur ces mots que s’ouvre le téléfilm Respire, de Jérôme Cornuau (Bouge !, Les Brigades du Tigre, etc.). Cette voix est celle Tessa (Charlie Loiselier) qui l’utilisera pour se sauver du harcèlement violent et quotidien qui s’est installé dans sa vie et celle de ses proches. En le décrivant, le réalisateur réussit à rendre compte des mécanismes insidieux opérant dans de nombreux cas de harcèlement : des « blagues » jetées en l’air dans la salle de classe et qui finissent par parasiter tout l’espace de vie des victimes et se transforment en gestes. Le film relate avec justesse la manière dont ces adolescents sont pris en étau. Tessa est comme prisonnière de plans surcadrés, à la merci de ses bourreaux qui ne choisissent pas les lieux au hasard, tels les cadres de porte, coinçant littéralement leurs proies. « La honte doit changer de camp », scande ce film qui se termine avec la véritable Tessa. Ne sombrant jamais dans le misérabilisme, Respire célèbre la dignité des victimes et de leurs proches et pointe la cruauté des bourreaux et la défaillance d’un système incapable de les protéger. Le chanteur Calogero y fait ses premiers pas (convaincants) en enseignant de musique flegmatique qui tente d’aider la jeune lycéenne.
Pour Marion, Nicolas, Marie, Evaëlle, Chanel, Lindsay, Lucas…
La soirée sur M6 s’est poursuivie avec un débat d’une vingtaine de minutes entre différents acteurs de la lutte contre le harcèlement. Nora Fraisse, mère de la jeune Marion, qui s’est suicidée en 2013 à l’âge de 13 ans, a rappelé les principales caractéristiques et récurrences du harcèlement scolaire : une violence majoritairement psychologique, catalysée par un effet de meute dévastateur. Le ministre de l’Éducation nationale, Gabriel Attal, a développé le nouveau plan d’action du gouvernement qui serait problématisé principalement autour de la prévention, sur le modèle des pays nordiques. Le dispositif pHAre sera ainsi élargi au lycée, des cours d’empathie seront mis en place avec un questionnaire de détection de « signaux faibles[4] » et la formation des adultes encadrants sera renforcée.
Nécessaires, ces mesures seront-elles suffisantes pour venir en aide au million d’élèves qui seraient victimes de harcèlement chaque année ? Soit un enfant sur dix. Depuis 2022, le harcèlement scolaire est un délit pénal. Le reportage de clôture de la soirée, École : en finir avec le harcèlement, laisse un goût amer. Il va des élèves harcelés aux parents de victimes défuntes en passant par les plateformes dédiées. Parmi les séquences poignantes : Lucas, jeune adolescent qui a changé deux fois d’établissement mais est encore harcelé pour son physique. Ses bourreaux ont changé mais son calvaire demeure. Il chante pour se donner de la force les paroles de Forrest de Soprano. Sa résilience émeut et force le respect. Combien comme lui se battent silencieusement tous les jours ? Le 19 septembre, invitée de la matinale de France Inter, la Défenseure des droits, Claire Hédon, a martelé ce message : « Écoutez les enfants ! Les regarder, ne pas minimiser, leur dire, a-t-elle ajouté, ‘‘Je te crois’’ ». Et intervenir sans attendre.
I.H.
Si vous êtes victime ou témoin de harcèlement, n’hésitez pas à les signaler au 3018 ou le 3020 pour les cas de cyberharcèlement.
Ressources :
- Alexandre Lafon, « Harcèlement, l’école en première ligne », 31 août 2023.
- Ludmilla Soron et Antony Soron, « Le harcèlement, urgence d’éducation nationale », 16 juin 2023.
- Antony Soron, « Harcèlement, un virus qui tisse sa toile », 24 novembre 2021.
- Antony Soron, « Stop au harcèlement, Un essai pratique pour contrer un mal longtemps négligé », 15 novembre 2021.
- Antony Soron, « Des romans pour alimenter la réflexion sur le harcèlement, de la quatrième à la première », 6 novembre 2019.
- Antony Soron, « Une séance de littérature pour comprendre le harcèlement », 17 avril 2018.
Notes
[1] Tessae, Frôler les murs, J.C. Lattès, 2021.
[2] Cette association lutte contre toutes les formes de violences et de harcèlement. Elle a été créée en hommage à Marion Fraisse, victime de harcèlement scolaire et un des symboles de la lutte. https://www.marionlamaintendue.com/.
[3] Programme de prévention qui existe depuis environ deux ans au sein de l’Education nationale. https://www.education.gouv.fr/non-au-harcelement/phare-un-programme-de-lutte-contre-le-harcelement-l-ecole-323435
[4] En effet, les enfants harcelés n’ont parfois pas tout à fait conscience du phénomène qui s’exerce sur eux.
L’École des lettres est une revue indépendante éditée par l’école des loisirs. Certains articles sont en accès libre, d’autres comme les séquences pédagogiques sont accessibles aux abonnés.