Sylvie Germain déclarait dans une interview, en 1994 : « J’écris parce que le monde est fable autant qu’Histoire, poème autant que cris, merveille autant que désastre. » Le roman « Tobie des marais », dont le sujet est issu du récit biblique le Livre de Tobie, illustre parfaitement cette phrase qui définit l’ensemble de son œuvre. Si la Bible a inspiré autant d’écrivains, c’est qu’elle est « réservoir de symboles et d’images, mais aussi lieu de leur émancipation ». La démarche de Sylvie Germain n’est pas formelle ; en retournant aux origines de notre culture, elle retrouve à travers des formes archétypales les grandes questions de l’existence. L’histoire de Tobie montre la force de l’amour contre la mort : apothéose du désir présent dans toute la nature, l’amour humain est la réponse au problème du mal rendu particulièrement sensible pour une conscience moderne. Quête de l’amour, « Tobie » est également une quête de la Parole pleine, capable, comme aux temps originels, de réunir les contraires qui définissent notre condition. La problématique du langage concerne à la fois le personnage, aux prises avec l’opacité du monde, et la romancière, qui réussit ce « miracle de beauté » d’une écriture totalisante.