"Faust", de Goethe, mis en scène par Ronan Rivière, au théâtre Le Ranelagh
Le théâtre du Ranelagh offre une programmation résolument classique, invitant des troupes jeunes et peu connues à livrer leur version d’œuvres censées être éternelles mais que le public d’aujourd’hui a tendance à dédaigner.
C’est pourtant une belle proposition du Faust de Goethe dans la traduction de Gérard de Nerval qui est donnée à découvrir dans ce petit théâtre aussi vieux et charmant que l’auteur allemand.
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Le texte, dans une version abrégée du Faust I de Goethe, resserrant l’amour entre Faust et Marguerite et délaissant les débats entre le héros et Méphistophélès, permet à tous les publics, même les scolaires, de s’initier à ce mythe et aux grandes questions qu’il pose sur le savoir, le salut de l’âme, la valeur de la vie, la lutte du bien et du mal. Mieux qu’un texte lu, la pièce, portée par des acteurs inspirés, à commencer par Laura Chétrit dans le rôle de Marguerite, fait entrer dans le drame de l’humanité abandonnée au mal ou à la folie.
Méphistophélès n’est pas une caricature de diable mais un démon conforme à ce qu’en disent les personnages, cynique et effrayant. Faust (Romain Dutheil) témoigne d’une belle énergie de vivre et d’un désespoir profondément humain, quant à Laura Chétrit, elle nous entraîne de façon convaincante dans le naufrage progressif de sa vie.
Contrairement au personnage classique constant, toujours égal à lui-même, le personnage romantique évolue, change de visage au fil du texte. Cette spectaculaire et dramatique métamorphose est bien sensible dans le jeu de ces jeunes acteurs servis par une mise en scène sobre mais habile qui, loin de se perdre dans une multiplicité de décors pour marquer les changements de lieu, joue d’un escalier-échafaudage pour donner du sens et de la profondeur aux actions rapportées.
Cette abstraction épure la beauté des grandes scènes successivement représentées. Tout fonctionne à la manière d’une anthologie efficace: monologue de Faust sur la vanité du savoir, leçon à l’étudiant idéaliste, pacte avec le diable dans l’espoir de retrouver le goût de la vie, illumination de la rencontre amoureuse, culpabilité et folie de Marguerite, constants commentaires de Méphistophélès observateur sarcastique et metteur en scène diabolique de cette action dramatique.
Le théâtre crée une ambiance à laquelle on s’abandonne volontiers si le spectacle est réussi. Ce Faust donne à entendre un texte exigeant, littéraire, mais, tout comme le piano qui l’accompagne, nous emporte discrètement dans l’univers du drame, le mouvement d’ensemble des acteurs nous donne à vivre un voyage salutaire dans les grandes problématiques de la vie.
Pascal Caglar
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• ” Faust”, de Goethe, adapté par Ronan Rivière, théâtre Le Ranelagh, 5, rue des Vignes, 75016 Paris, jusqu’au 26 mars 2017. Tél. : 01 42 88 64 44.
• Distribution : Aymeline Alix, Laura Chetrit, Romain Dutheil ou Anthony Audoux, Ronan Rivière, Jérôme Rodriguez ou Olivier Lugo, Jean-Benoît Terral.
• « Faust », d’Alexandre Sokourov, par Anne-Marie Baron.
• « Faust », du mythe à l’opéra de Gounod, par Anne-Marie Baron.