Découvrir la Cité internationale de la langue française à Villers-Cotterêts

Visite et gros plan sur certaines salles de ce lieu dédié à la langue française, presque un an après son inauguration le 31 octobre 2023. Instructif, suggestif et très complet, le parcours offre un panorama de possibilités pour les enseignants et les élèves.
Par Pascal Caglar, professeur de lettres (Paris)

Visite et gros plan sur certaines salles de ce lieu dédié à la langue française, presque un an après son inauguration le 31 octobre 2023. Instructif, suggestif et très complet, le parcours offre un panorama de possibilités pour les enseignants et les élèves.

Par Pascal Caglar, professeur de lettres (Paris)

Parler sa langue est si naturel que l’on croit, comme tout ce qui va de soi, qu’elle est négligeable en tant qu’objet d’étude, ne mérite pas d’attention particulière et encore moins de célébration exceptionnelle. Pourtant, après la visite de la Cité internationale de la langue française à Villers-Cotterêts (Hauts-de-France), après les perspectives et horizons ouverts, on s’étonne que la langue française n’ait pas eu plus tôt sa mise à l’honneur, son musée et son lieu de pèlerinage. C’est chose faite depuis bientôt un an puisqu’elle a ouvert ses portes le 31 octobre 2023, et c’est plutôt bien fait.

D’ordinaire, la langue est associée au livre, à l’écrit, et « visiter » la langue, c’est visiter des bibliothèques célèbres (comme la BnF Richelieu à Paris) ou des musées de l’industrie graphie (musée de l’Imprimerie et des Communications graphiques à Lyon), ou encore des fêtes ou salons du livre. Mais la langue, dans toutes ses acceptions, dans tous ses états, orale et écrite, d’hier et d’aujourd’hui, nationale ou francophone, régionale ou dialectale, classique ou en évolution, n’avait pas de lieu où puisse se penser cette histoire du français dans toute sa richesse et sa diversité, dans ses relations à la littérature, la culture, l’enseignement, la politique ou encore l’international. C’est, à moins d’une heure au nord de Paris, au château royal de Villers-Cotterêts – où François 1er avait signé l’ordonnance rendant le français seul (et non le latin) langue officielle des affaires publiques –, que le musée accueille désormais amateurs et curieux, familles et enseignants, amoureux d’un certain prestige de la France.

Dôme constellé de mots

Après la « mise en bouche » que constituent la magnifique cour du Jeu de paume et son dôme constellé de mots, le parcours proprement dit traverse le château en naviguant adroitement entre deux écueils, l’érudition et la « disneylandisation » du patrimoine : ni excessivement savante ni exagérément simpliste, la visite offre ses moments de jeux interactifs et ses moments de culture, alliant en permanence amusement et instruction, au fil des dix-huit salles occupées par « l’aventure du français ». Difficile de présenter tout ce qui peut plaire et instruire, mais mention spéciale cependant à quelques salles :

  • la salle des « artistes de la langue », avec ses tableaux tactiles consacrés aux auteurs (membres de l’oulipo, anciens rhétoriqueurs) ou humoristes (Devos, Gad Elmaleh, Dany Boon…) jouant avec les mots ou les vers de manière vertigineuse, ainsi que son robot, cette intelligence artificielle capable de vous dire quel est l’auteur fait pour vous ;
  • les salles des Lumières et de l’époque coloniale, avec des extraits de Casanova expliquant comment et pourquoi il rédigeait ses mémoires en français, et, un peu plus tard, des auteurs africains francophones expliquant à leur tour (et inversement) comment et pourquoi ils retournaient le français contre leurs colonisateurs ;
  • la salle de la norme et l’usage, avec son survol historique de la grammaire et de l’orthographe, au moyen de dictées ludiques et d’autres jeux comme le « ping-pong des emprunts et des origines » ;
  • les salles sur l’histoire politique de la langue française, depuis le discours fondateur de l’abbé Grégoire qui, sous la Révolution, proposa « d’anéantir les patois » et d’« universaliser le français » décrété « langue de la liberté et de l’unité nationale », jusqu’à la réhabilitation moderne des langues régionales, et l’éloge de la pluralité linguistique, sans oublier le rôle et l’histoire de l’Académie française voulue par Richelieu.

Au total, le parcours offre un panorama très complet de la manière dont la France d’aujourd’hui perçoit l’histoire de sa langue et conçoit son devenir à l’intérieur de nos frontières et au-delà. C’est à la fois instructif et suggestif, ce qui est signe d’une réussite du projet. Les enseignants sont naturellement invités à venir découvrir le musée avec leurs élèves et peuvent s’appuyer sur un accompagnement pédagogique ciblant quelques thèmes en relation avec les programmes des collèges et lycées (langue et citoyenneté, langue de Molière, langue en évolution…).

Il serait souhaitable que l’Éducation nationale soutienne l’enseignement du français comme le ministère de la Culture a su soutenir la langue française à travers ce projet audacieux et ambitieux, et puisse l’éclat de ce château royal de Villers-Cotterêts et de son musée répandre sa lumière jusque dans les salles de classe.

P. C.

Site de la cité internationale de la langue française : https://www.cite-langue-francaise.fr

Exposition temporaire jusqu’au 5 janvier 2025 : « C’est une chanson qui nous ressemble » (succès mondiaux des chansons francophones).


L’École des lettres est une revue indépendante éditée par l’école des loisirs. Certains articles sont en accès libre, d’autres comme les séquences pédagogiques sont accessibles aux abonnés.

Pascal Caglar
Pascal Caglar