Bob Dylan prix Nobel de littérature
Sur France Culture où il était l’invité d’Olivia Gesbert, lors de l’annonce du Prix Nobel faite à Dylan, Pierre Bayard a demandé à ce qu’on vérifie qu’on n’avait pas affaire à un canular.
Et tout le reste est littérature. Car, tant qu’à prendre, c’est tout le reste en effet qui m’apparaît littérature.
Dylan lui-même, à ce que je sache, n’a jamais prétendu écrire de la littérature.
Le jury du Nobel, d’ailleurs, ne dit pas autre chose : « de la poésie pour les oreilles » (sic). À mes yeux, Leonard Cohen est un écrivain. Qui a vécu de sa guitare. Dylan est-il un écrivain ? Je reste persuadé que non.
Combien de livres ce poète (car il est assurément un authentique poète) a-t-il écrits ? Ce Prix Nobel a quand même un petit parfum bizarre : Tarantula, son seul recueil poétique, n’a quand même pas bouleversé la littérature mondiale…
Quant à ses Chroniques (tome I, le tome II n’étant jamais sorti), eh bien elles sont brillantes, mais ce sont des… chroniques. Aurait-on octroyé le Nobel à Alexandre Vialatte pour ses Chroniques de La Montagne ? Dylan Prix Nobel, pour moi, c’est comme si Jean d’Ormesson était entré dans la « Bibliothèque de la Pléiade » – de son vivant de surcroît.
Robert Briatte
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• Les lauréats du prix Nobel de littérature depuis 2000 : Gao Xingjian,Vidiadhar Surajprasad Naipaul, Imre Kertész, J. M. Coetzee, Elfriede Jenlinek, Harold Pinter, Ohran Pamuk, Doris Lessing, J. M. G. Le Clézio, Herta Müller, Mario Vargas Llosa, Tomas Transförmer, Mo Yan, Alice Munro, Patrick Modiano, Svetlana Aleksievitch…
Et si les jurys du Nobel étaient comme moi? Qu’ils en avaient mare de cette confusion permanente entre roman et littérature, qu’ils remettaient à leur juste place romans et « ruminciers » comme disait Daumal? Quant à l’ami Bob sa créativité est loin d’avoir cessé en 1976, il y a eu depuis de magnifiques albums, d’une grande poésie : »Time out of mind », « Love and theft »… A écouter, à lire même!
Je ne remets pas en cause ce qu’a pu nous apporter Dylan en son temps, qui n’est plus le nôtre. Que nous a -t-il donné depuis « Desire » en effet ? Que nous a-t-il dit du monde ? Depuis « Hurricane », « George Jackson » (dont j’ai ressorti ce week-end le 45 tours, non sans une certaine émotion c’est vrai), depuis « Blood on the Tracks » ? Il ne pouvait y avoir meilleur choix que d’illustrer mon billet d’humeur par la couverture de « The Times They Are A Changin ». Le jury du Nobel est juste en retard de quelques (r)évolutions : laissera-t-il s’éteindre sans les avoir distingués le Syrien Adonis (ça aurait eu son effet, cette année, de couronner Adonis, non ?), René Depestre le Haïtien, Haruki Murakami – assez jeune encore heureusement, Joyce Carol Oates, et l’immense Philip Roth ? J’ai cité tous ces noms – j’en omets d’autres à dessein, chacun complètera comme il l’entend – par ordre alphabétique : il y avait du chemin à faire avant que d’en arriver à Robert Allen Zimmermann, il me semble..
Le silence de Dylan, ces derniers jours, est cependant peut-être lourd de sens : allez, encore un effort, Bob, ce Nobel, il est encore temps de le refuser…
Les éditeurs vont sans doute être un peu tristes, il n’y a effectivement pas beaucoup de rééditions à se mettre sous la dent. Ce prix Nobel me rend plutôt heureux, la première fois que j’ai voulu traduire un texte poétique en anglais, c’est tombé sur « Sara », de l’album « Desire », et ce texte m’a procuré (j’étais très jeune) la sensation de poésie qu’évoque Jean Cohen. Quant à « Tarantula » : dans la lignée des Ginsberg et Kerouac, ça ne démérite pas…