« Le Horla », de Guy de Maupassant à Guillaume Sorel
« 8 Mai.
Quelle journée admirable ! J’ai passé toute la matinée étendu sur l’herbe, devant ma maison, sous l’énorme platane qui la couvre, l’abrite et l’ombrage tout entière.
J’aime ce pays, et j’aime y vivre parce que j’y ai mes racines, ces profondes et délicates racines, qui attachent un homme à la terre où sont nés et morts ses aïeux, qui l’attachent à ce qu’on pense et à ce qu’on mange, aux usages comme aux nourritures, aux locutions locales, aux intonations des paysans, aux odeurs du sol, des villages et de l’air lui-même.
J’aime ma maison où j’ai grandi. De mes fenêtres, je vois la Seine qui coule, le long de mon jardin, derrière la route, presque chez moi, la grande et large Seine, qui va de Rouen au Havre, couverte de bateaux qui passent. »
La nouvelle la plus célèbre de Maupassant, dont on vient de lire les premières lignes, a suscité de multiples analyses sur les conditions de sa rédaction et sur son auteur. L’adaptation en bande dessinée de Guillaume Sorel aux éditions Rue de Sèvres (mars 2014) incite à une nouvelle lecture de l’œuvre.
L’École des lettres lui consacre un numéro, « Le Horla », de Guy de Maupassant à Guillaume Sorel, dont voici le détail.
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« Le Horla » de Maupassant par Guillaume Sorel, aux éditions Rue de Sèvres,un nouveau mode d’expression du fantastique, par Yves Stalloni
Pour les jeunes générations, nourries à la culture de l’image et du numérique, on conviendra que les médias visuels ont un pouvoir de séduction supérieur à celui de l’écriture. Le lieu n’est pas de regretter une telle préférence ou de s’interroger sur les modifications de perception qui en découlent, mais de tirer profit de cet avantage pour favoriser une entrée en littérature, certes moins académique, mais susceptible de gagner de futurs lecteurs.
C’est ce que l’on peut espérer de la belle adaptation de Guillaume Sorel, une lecture graphique qui sert le texte et permet de le redécouvrir.
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« Le Horla » de Maupassant par Guillaume Sorel, une adaptation inspirée, par Marie-Hélène Giannoni
Guillaume Sorel, qui signe là son nouvel album, après une œuvre déjà riche dans le domaine du scénario et du dessin, s’attaque à un récit dont la thématique semblait faite pour lui. En effet, cet auteur de bandes dessinées au talent confirmé, grand amateur de la littérature du XIXe siècle, est un familier des univers fantastiques et oniriques où le mystère le dispute souvent à l’effroi et à la folie.
L’une des difficultés dans l’adaptation du Horla en bandes dessinées consiste à rendre la tension psychologique du personnage, qui occupe quasiment à lui seul tout l’espace physique et mental du récit. La force du découpage de Guillaume Sorel réside dans la montée progressive du fantastique ou de la folie, les deux options restant envisageables, comme dans la nouvelle de Maupassant.
La bande dessinée est ici bien plus qu’une adaptation du Horla et l’on trouvera matière à poursuivre analyses et réflexions dans les classes de collège et de lycée, où la lecture de l’album pourra être donnée en complément à l’étude d’un roman de Maupassant.
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Entretien avec Guillaume Sorel
Cet entretien a été réalisé en décembre 2013, alors que Guillaume Sorel achevait les dernières planches du Horla. Il permet de retracer les étapes de l’élaboration de l’album et la démarche adoptée par l’un des grands auteurs de la bande dessinée contemporaine.
Pourquoi s’est-il intéressé au « Horla » ? Comment a-t-il adapté un récit centré sur un seul personnage ? Comment met-on en image l’indicible ? Comment maintenir l’ambiguïté du personnage en image ? Comment peut-on faire percevoir sa perte progressive des repères ? Comment suggère-t-on le sentiment de solitude et la peur ? À quelles autres œuvres fantastiques Guillaume Sorel est-il attaché ?
C’est à toute ces questions que l’auteur de la version graphique du « Horla » a bien voulu nous répondre. Nous l’en remercions vivement.
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« Le Horla », de Maupassant, un texte-miroir, par Anne-Marie Baron
Lorsqu’en 1887 Maupassant publie chez Ollendorff le recueil intitulé Le Horla, malgré des migraines et des troubles oculaires, il est en bonne santé et au faîte de sa gloire. Pourtant, la critique biographique a longtemps expliqué le journal d’une hallucination qui donne son titre à ce recueil par le destin de l’homme qui devait mourir fou à quarante-trois ans dans la clinique du docteur Blanche.
Certes, l’auteur de Bel-Ami est depuis longtemps hanté par la crainte de la folie. Une syphilis, contractée dans sa jeunesse, lui a laissé des troubles, que la médecine de l’époque attribue tantôt à une affection vénérienne, tantôt à une névrose héréditaire. Mais Maupassant est surtout passionné, comme beaucoup de ses contemporains, par le magnétisme et les travaux de Charcot, dont il voit immédiatement la possible exploitation littéraire.
Car le fantastique, tel qu’il le conçoit depuis ses premiers écrits, ne saurait se passer d’une justification rationaliste par la psychopathologie. Les contes fantastiques de Maupassant témoignent donc tous d’une tentative d’explication rationnelle de l’irrationnel, qui passe par l’analyse clinique.
Plan de ce dossier : La veine fantastique. Une théorie du regard. L’horreur. Le Horla. Vertige d’un texte. Solitude et claustration. L’eau-miroir. Un texte-miroir.
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Maupassant et son double, par Jacques Bienvenu
Guy de Maupassant est mort fou le 6 juillet 1893. Il était interné à l’asile du docteur Blanche, à Passy, depuis le 7 janvier 1892 ; quelques jours auparavant, il avait tenté de se suicider en se tranchant la gorge.
Dans sa nouvelle fantastique la plus connue, Le Horla, Maupassant analyse pas à pas un cas d’aliénation qui semble préfigurer, des années plus tôt, son propre destin. Sans doute ce fait a-t-il contribué à créer un mythe autour de l’écrivain. Maupassant était-il fou en écrivant cette nouvelle, ou bien a-t-il vu venir en toute conscience sa folie ? ou bien encore ce texte est-il de pure fantaisie, comme le prétendait sa mère ?
L’étude du double chez Maupassant pose a priori de sérieuses difficultés. L’auteur du Horla a-t-il développé un thème cher aux romantiques allemands dans un dessein purement littéraire, ou bien a-t-il réellement vécu cette situation, comme le laissent supposer certains éléments biographiques ? Quelle est la place du Horla dans cette problématique ? Est-il vraiment question de double dans cette nouvelle fantastique ? La maladie de Maupassant a-t-elle joué un rôle déterminant à ce propos ? Alberto Savinio a-t-il vu juste quand il pensait que Maupassant était habité par un autre écrivain ? Toutes ces questions peuvent trouver une réponse satisfaisante aujourd’hui, mais, avant toute considération, c’est l’œuvre qui doit parler.
Plan de ce dossier : I. L’évolution chronologique du thème du double dans l’œuvre de Maupassant. II. Un motif obsédant l’œuvre et la vie de Maupassant (46 pages).
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Portrait de Maupassant, par Joris Karl Huysmans
« J’ai connu de Maupassant par Alexis, qui l’amena, un soir, à un dîner où figuraient également Hennique et Céard. Depuis, nous nous revîmes chez Flaubert et chez Zola, qui aimaient beaucoup ce jeune homme si franc d’allures, si bon garçon et si gai.
Puis vinrent les Soirées de Médan, où il donna la perle du volume, son petit chef-d’œuvre : Boule de Suif ; nos relations se serrèrent. Nous nous réunissions tous, Alexis, Céard, Hennique, Maupassant, moi, une fois par semaine, dans une extraordinaire gargote de Montmartre*, où l’on dépeçait des carnes exorbitamment crues et où on buvait un reginglard terrible.
C’était exécrable et c’était périlleux, mais je ne sais pas si, les uns et les autres, nous avons jamais si joyeusement mangé ! Maupassant était l’âme de ces fêtes. Il y apportait la bonne humeur de ses histoires cocasses, la bonne flanquette [sic] de sa gaieté, et, ce qui valait mieux encore, sous une apparence de je-m’en-foutisme, une très cordiale et très sûre affection.
Dans le monde des lettres, où les crocs sont sinueux et durs, je ne connais pas un seul des amis de Maupassant qui puisse relever contre lui la moindre méchanceté, la moindre vilenie ; il est un des seuls auxquels on puisse rendre cette justice, sincèrement, nettement, sans même recourir à l’indulgent effort d’une amitié qui date.
* C’était au coin de la rue Coustou et de la rue Puget un établissement qui se nommait L’Assommoir ! »
Cet article est paru dans la « Revue encyclopédique » du 1er août 1893.
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• Exposition des planches originales du « Horla » du 13 mars au 5 avril, à la Galerie 9e Art.
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• Maupassant dans la collection
« Classiques« , « Classiques abrégés » :
– Histoires fantastiques
(ce volume contient « Le Horla »),
– Bel-Ami (voir l’étude proposée sur ce site).
Des études ont été consacrées à chacun de ces titres; celles-ci sont téléchargeables dans les Archives de « l’École des lettres ».
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• Voir tous les articles consacrés à Maupassant.
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Effectivement, l’adaptation en BD du Horla est subtile et élégante. En ce qui concerne son utilisation en classe de quatrième, elle devrait intervenir dans une logique comparative. Analyser d’abord le texte de Maupassant. Puis laisser les élèves imaginer comment ils auraient représenté graphiquement telle ou telle scène et enfin leur montrer la planche de BD correspondante. Cette démarche, déjà appliquée au « dernier jour d’un condamné » d’Hugo qui existe aussi en version BD s’est démontrée concluante. L’auteur de BD (CQFD) n’étant au fond qu’un lecteur capable d’aller au bout de « ses images mentales » en les concrétisant par son art graphique. Cela dit, la recrudescence des adaptations des classiques en BD ne doit pas entraîner une dérive de l’apprentissage de la littéraire en classe qui finirait par ne partir que de l’adaptation (plus facile d’accès) pour aller vers le texte source (plus résistant).
Remercions en tout cas Rue de Sèvres de s’être engagé dans une politique éditoriale de qualité.
Antony Soron, ESPE Paris Sorbonne.