Commencer la diplomatie au lycée

Les 9 et 10 novembre 2024 s’est tenue la modélisation des Nations unies (MUN) du lycée Henri-IV à Paris. Cet événement d’apprentissage de la diplomatie a permis à 270 participants du lycée et d’autres établissements de prendre part à des débats sur des problématiques d’actualité. Éclairages.
Par Milly La Delfa, professeure de lettres (académie de Paris)

Les 9 et 10 novembre 2024 s’est tenue la modélisation des Nations unies (MUN[1]) du lycée Henri-IV à Paris. Cet événement d’apprentissage de la diplomatie a permis à 270 participants du lycée et d’autres établissements de prendre part à des débats sur des problématiques d’actualité. Éclairages.

Par Milly La Delfa, professeure de lettres (académie de Paris)

Énergie et enthousiasme. Ce furent les maîtres-mots de Chaïa Malecot, Rachel Elbaz et Léon Wastable pour organiser, en collaboration avec d’autres élèves, l’édition 2024 de la modélisation des Nations unies, dites MUN, qui s’est tenue les 9 et 10 novembre au lycée Henri-IV à Paris. Ces deux étudiantes en hypokhâgne et cet élève de terminale, respectivement secrétaire générale du MUN 2025, présidente et président de commission, n’ont pas ménagé leurs efforts pour offrir à tous les participants la plus belle expérience possible. Ils ont reçu le soutien de l’association Agora[2], fondée par des anciens du lycée pour venir en renfort sur de tels événements, de Stéphanie Motta-Garcia, proviseure du lycée, et de Raphaël Spira, proviseur adjoint.

« Le MUN, explique Chaïa, c’est une modélisation étudiante lors de laquelle les élèves sont invités, de la seconde à la licence 2, à venir représenter un pays afin de défendre ses intérêts lors de débats de type onusien. »

Très répandue dans les établissements anglo-saxons, mais également dans les écoles dépendant de l’AEFE[3], les lycées marocains Paul-Valéry, Lyautey et Léon l’Africain qui ont créé une instance du MUN décentralisée[4], la pratique de ces simulations est de plus en plus plébiscitée par les élèves.

© DR

Projet vaste et entièrement porté par les lycéens, ces temps de rencontre nécessitent un travail considérable en amont de la manifestation. Les participants sont répartis en diverses commissions qui correspondent aux différents organes de l’ONU. Chaque commission doit échanger autour d’un thème choisi au préalable et à partir duquel le président de la commission constitue un dossier qu’il fait parvenir aux délégués des pays prenant part aux débats. Ce dossier, souvent rédigé pendant les vacances d’été par les lycéens, a pour vocation de guider les binômes porte-parole d’un pays en leur apportant un éclairage sur les problèmes géographiques, juridiques, et géopolitiques que soulève la question, mais également sur les pistes qui pourront être avancées en termes d’infrastructure et de coopération.

Cette année, six commissions, dont une en anglais, étaient proposées aux participants pour aborder des sujets ayant trait par exemple aux migrations climatiques, aux utilisations pacifiques de l’espace extra-atmosphérique ou à la façon d’établir un consensus international pour une paix durable en Libye.

Pour chacun de ces thèmes, les élèves ayant endossé le rôle de délégués nationaux ont dû soumettre aux présidents de commission un texte de politique générale, document de deux pages environ présentant la position du pays représenté sur la question posée.

« Nous devons relire tous ces textes et les corriger, précise Rachel. En effet, beaucoup d’étudiants confondent leurs propres convictions et la position que doit défendre le pays qu’ils représentent. Ce travail en amont leur permet de faire des recherches mais également de prendre conscience du jeu diplomatique. »

Le jour J, la présidence est garante du bon déroulement de l’événement, veillant à faire respecter un protocole très strict, fondé sur celui en vigueur dans les instances onusiennes. « Il ne s’agit pas de prendre la parole en disant “Je” ou d’oublier de la demander à la présidence, souligne Léon. En tant que présidents de commissions, nous devons réguler les débats, distribuer la parole et faire voter les résolutions sous-clause par sous-clause, comme c’est le cas aux Nations unies. Tout est fluide parce que rien n’est improvisé. »

En effet, l’emploi du temps du week-end est millimétré. Après la cérémonie d’ouverture où la secrétaire générale, Chaïa, et les présidents de commission ont tenu un discours, chaque commission a pu profiter de la conférence d’un expert s’exprimant sur le thème choisi. S’en sont suivis deux jours de débats, d’abord informels, lors desquels des alliances se nouent entre les pays, puis formels avec la proposition de résolutions. Le MUN se termine avec une assemblée générale où la résolution de chaque commission est soumise au vote de tous les délégués. La cérémonie de clôture et le buffet scellent les derniers moments ensemble.

Des participants en provenance d’autres établissements

Quand ils parlent de leur expérience du MUN, Chaïa, Rachel et Léon rivalisent d’enthousiasme. C’est en faisant connaissance avec les fondateurs de l’association Agora que Chaïa a décidé de se lancer dans l’aventure. Elle avait entendu parler du MUN dès la seconde en cours d’histoire, mais avait été un peu impressionnée par le dispositif : « Le premier MUN d’Henri-IV a eu lieu en 2022, et les élèves qui étaient intéressés par les relations internationales ont été invités à y participer. Mais ce n’est qu’en 2023 que j’ai choisi d’y participer en tant que déléguée d’un pays. L’année d’après, j’étais présidente du MUN. »

Rachel avait, pour sa part, entendu parler du MUN des années auparavant par d’anciens amis du lycée de Bruxelles où elle était scolarisée auparavant. Quand elle a su qu’il y avait un MUN à Henri-IV, elle n’a pas hésité : « Je suis sortie complètement fascinée de mon premier MUN. Je n’ai pas eu l’occasion de prendre la parole en débat formel mais j’ai été très impressionnée par ce que j’ai vu. À la fin de cette édition, j’avais des étoiles dans les yeux. Ma résolution était prise : je serais secrétaire générale du MUN. » « Pour moi, c’est plutôt le fruit du hasard, raconte Léon. Une place s’est libérée dans la délégation de mon meilleur ami. Mais une fois que j’ai découvert l’ambiance du MUN, j’ai décidé de m’engager pleinement. Et j’y ai entraîné tout mon groupe d’amis alors que certains d’entre eux n’étaient pas férus de géopolitique… »

Contrairement aux idées reçues, le MUN n’est pas un évènement élitiste. Léon insiste particulièrement là-dessus : « Ce qui est intéressant, au-delà des débats, c’est la joie que l’on éprouve à se retrouver ensemble. Il n’y a pas que des gens d’Henri-IV et Louis-le-Grand. Tout est fait pour ouvrir le programme à des élèves d’autres établissements, et venus de banlieue. Chaque année, il y a de nouveaux participants. Pour le MUN 2024, le lycée Jean-Pierre-Timbaud de Brétigny-sur-Orge a inscrit toute une délégation. On aimerait mettre en place un jumelage avec cet établissement. Il reste encore beaucoup à faire. ». Le lycée Blaise-Pascal à Orsay va également lancé son MUN.

Chaïa, en tant que secrétaire générale, utilise les conseils de vie lycéenne à qui elle envoie des invitations, mais également les réseaux pour essayer de toucher le plus de lycéens. Avec Rachel et Léon, ils souhaitent rendre le plus accessible possible ce moyen de connaître le monde.

Des débats adossés à des conférenciers remarquables

Ces mises en situation ont une véritable portée éducative qui n’est pas toujours reconnue par les enseignants à sa véritable valeur. Les étudiants ont à cœur d’adosser leurs débats à des sources scientifiques fiables, en invitant notamment des conférenciers remarquables. C’est un professeur du Collège de France que les délégués de la commission sur la migration climatique ont eu la chance d’écouter. La commission de Léon a pu réfléchir aux solutions pour « concilier le travail de mémoire sur la période africaine et les relations étrangères du continent aujourd’hui », en écoutant Arnaud Ngatcha, adjoint à la mairie de Paris, en charge des relations internationales. Son intervention « a présenté des solutions concrètes aux questions que l’on se posait, relate Léon. En effet, notre thème nous amenait à voir comment renouer le dialogue avec des partenaires qui éprouvent un certain ressentiment envers le continent mais également dans quels domaines se traduit cet anti-occidentalisme. Arnaud Ngatcha a pu alors évoquer la restitution d’objets au continent africain, restitution mise en œuvre par le musée du Quai Branly et le travail d’une ville comme Paris pour être en relation avec d’autres villes d’Afrique. »

Rachel et Chaïa sont persuadées que ces exercices sont un moyen de pallier l’enseignement parfois trop théorique du fonctionnement des institutions internationales qui est, au contraire, appréhendé de façon très efficace par la schématisation. De plus, il serait malvenu de fermer les yeux sur toutes les compétences transversales que l’organisation de tels évènements permet d’acquérir : anticipation, formation et gestion d’une équipe encadrante, prévision d’un budget….

Le club MUN, des mini-MUN toute l’année

À l’initiative de Rachel et Chaïa, Léon a mis en place un club MUN car il lui paraissait « porteur et nécessaire » de réunir de façon plus fréquente les élèves intéressés par ces modalisations. Ils ont obtenu de l’administration l’autorisation d’utiliser au lycée la salle des médailles d’Henri-IV et le matériel du MUN, en particulier les drapeaux à disposer devant les délégations. Grâce à la venue de conférenciers sollicités par les élèves eux-mêmes, ces « mini-MUN » familiarisent les participants avec le protocole et les questions d’actualité.

Rachel a encore eu une autre idée pour résoudre par la collaboration une compétition qui les oppose à Louis-le-Grand : modéliser des débats politiques ayant lieu en France, sur des questions nationales. Affaire à suivre…

M. L. D.


Notes

  • [1] Model United Nation.
  • [2] Agora est une association étudiante fondée par des élèves du lycée Henri-IV qui encourage la prise de parole lycéenne par des simulations diplomatiques ou parlementaires.
  • [3] Agence pour l’enseignement du français à l’étranger.
  • [4] MAMUN : instance décentralisée du MUN à l’échelle du Maroc qui regroupe trois établissements scolaires.

L’École des lettres est une revue indépendante éditée par l’école des loisirs. Certains articles sont en accès libre, d’autres comme les séquences pédagogiques sont accessibles aux abonnés.

Milly La Delfa
Milly La Delfa