Exposition sur les Justes parmi les Nations
Par Fanny Genoux, professeures documentaliste (Académie de Nice).
Les terminales du lycée René Goscinny à Drap (Provence-Alpes-Côte d’Azur) ont réalisé une exposition en hommage à Joseph et Ludovina Gallo reconnus Justes en 2004. Soit dix panneaux sur la mémoire de la Shoah et la lutte contre l’antisémitisme sur la Côte d’Azur.
Par Fanny Genoux, professeures documentaliste (Académie de Nice)
Joseph et Ludovina Gallo ont été reconnus Justes parmi les Nations en 2004. À l’occasion de d’une cérémonie de commémoration en leur honneur dans une commune proche de notre lycée, il a été proposé aux établissements du secteur de participer. Des enseignants de l’école primaire du village où ils résidaient puis du collège et du lycée de secteur ont accepté de prendre part au projet. Au lycée, nous avons travaillé dans le cadre des cours d’enseignement moral et civique avec une classe de terminale générale.
Lors de la première séance consacrée à ce projet, constatant que de nombreux élèves ne savaient pas qui étaient les Justes parmi les Nations, nous avons proposé à la classe de réaliser une exposition sur les Justes. Dix thématiques sont apparues sur lesquelles les élèves devaient travailler : La persécution des Juifs en Europe ; La mémoire de la Shoah, La politique antisémite des Nazis de 1934 à 1944 ; L’association Yad Vashem et la mémoire des Juifs à Nice ; Qui sont les Justes parmi les Nations ? La persécution des Juifs en France de 1940 à 1944 ; Les Juifs sur la Côte d’Azur de 1940 à 1944 ; Les rafles dans les Alpes-Maritimes ; Le réseau Marcel : Un couple de Justes, Joseph et Ludovina Gallo.
Répartis en groupes de travail de trois ou quatre, les élèves ont choisi le sujet sur lequel ils souhaitaient s’investir. Plusieurs séances ont été consacrées à la recherche documentaire et à la collecte de documents. Pour chaque thématique, ma collègue d’histoire-géographie et moi-même avions mis à disposition une sitographie : archives départementales, institut national pour la mémoire de la Shoah, etc. L’exposition a été pensée autour de la montée du nazisme et de l’antisémitisme en Europe puis en France, de manière à comprendre comment les réseaux de sauvetage se sont organisés dans le département des Alpes Maritimes et comment, par la suite, le peuple Juif a reconnu des Justes parmi les Nations : on ne pouvait comprendre qui sont les Justes sans évoquer le contexte dans lequel ils se sont révélés.
Les élèves avaient pour consigne de trouver un titre à leur panneau, de rédiger une introduction, de développer en deux à quatre paragraphes, de sélectionner deux à trois illustrations qu’ils devaient légender et d’indiquer les sources de leurs recherches. Après plusieurs semaines de travail, les groupes nous ont rendu leurs projets qui ont été corrigés et annotés afin que les élèves les améliorent, complètent les manques et corrigent les erreurs. Ce travail d’aller-retour a duré à nouveau plusieurs semaines.
La mise en page de l’exposition a été réalisée avec l’aide et les conseils des étudiants du DNMADE graphisme et de leur professeur. Deux élèves de terminale STD2A ont réalisé à la peinture les portraits du couple de Justes, portraits qui ont été utilisés pour la première page de l’exposition et pour la plaquette d’invitation à la cérémonie de commémoration, également conçue par nos élèves. L’exposition ainsi prête a été dévoilée le jour de la cérémonie.
Une prise de parole encadrée par un comédien
En parallèle, six élèves volontaires de la classe ont préparé une prise de parole pour cette cérémonie. Il avait été convenu que les élèves du collège parleraient plus particulièrement du couple de Justes, Joseph et Ludovina Gallo, et que les lycéens traiteraient des Justes dans leur globalité. Les écoliers, quant à eux, ont interprété un chant. Ainsi, six élèves de terminale ont préparé leur prise de parole à partir du discours prononcé le 18 janvier 2007 au Panthéon par Simone Veil, lors de la cérémonie en hommage aux Justes de France. Un comédien les a encadrés deux fois deux heures afin de les préparer au mieux à l’exercice.
Orido a déclamé ce passage : « Pour la plupart, vous étiez des Français « ordinaires ». Citadins ou ruraux, athées ou croyants, jeunes ou vieux, riches ou pauvres, vous avez hébergé ces familles, apporté réconfort aux adultes, tendresse aux enfants. Vous avez agi avec votre cœur parce que les menaces qui pesaient sur eux vous étaient insupportables. Vous avez obéi sous le coup d’une exigence non écrite qui primait toutes les autres. Vous n’avez pas cherché les honneurs. Vous n’en êtes que plus dignes. »
En amont de la phase de recherche, la classe a participé à une sortie proposée par l’association Yad Vashem Nice. Celle-ci consiste en un circuit à travers la ville de Nice, au cours duquel les élèves rencontrent des lieux et des témoins de cette période : enfants cachés, rescapés, maison de Simone Veil, siège de l’armée nazie à Nice, réseau de la résistance, etc. C’est ainsi qu’ils ont découvert Moussa Abadi, à l’origine du « réseau Marcel », qui a permis le sauvetage de nombreux enfants Juifs. Le réseau Marcel sera d’ailleurs l’un des sujets de cette exposition. Les élèves ont également pu bénéficier d’un atelier proposé par le mémorial de la Shoah hors les murs, consacré aux Justes, intitulé « Des lumières dans la nuit ». L’exposition imprimée est destinée à circuler au sein des écoles primaires du secteur, des collèges et des médiathèques intéressées. Elle est également téléchargeable en ligne.
En terminale, l’histoire-géographie n’est pas une matière à épreuve et ce projet, a été dans un premier temps perçu comme chronophage par ces élèves préparant le bac. Mais au fil de son avancement, la plupart des élèves de la classe se sont sentis investis par cette mission de passeurs de mémoire. Ils ont notamment beaucoup apprécié écrire pour les plus jeunes. Savoir que l’exposition allait être vue par des élèves des écoles primaires a été un moteur certain. Certains élèves, dans la conclusion de leur panneau, ont écrit que ce sont eux aujourd’hui qui se font les relais de cette histoire, et qu’en les réalisant, ils transmettent cette mémoire aux plus jeunes. « Nous ne devons jamais oublier » a déclaré Imène le jour de la commémoration.
Au lancement du projet, certains élèves préoccupés par la situation en Palestine ont posé beaucoup de questions mais tous ont bien compris qu’il s’agissait de deux moments d’histoire à bien distinguer. S’engager pour transmettre la mémoire de la Shoah afin que cela ne se reproduise jamais ne voulait pas dire qu’ils ne pouvaient pas s’engager pour la paix en Palestine.
F. G.