Parcours sup : une lettre de motivation pour quoi faire ?
Cette lettre de motivation qui était comme un symbole d’une procédure tournée résolument vers l’avenir professionnel du lycéen vire au premier signe ostensible d’une sélection introduite par le dossier.
Il suffit de voir sur Internet le nombre de sites qui proposent leur aide gratuitement ou moyennant finance (participation pouvant aller jusqu’à plus de 50 €) pour comprendre l’importance disproportionnée qu’a prise cette lettre dans l’esprit des élèves et de leurs parents, comme si de sa rédaction allait dépendre l’admission en telle ou telle formation avant même l’examen des bulletins et des notes.
C’est absurde.
De la poudre aux yeux, et un marché
Mais peut-être aussi cette lettre n’était-elle pas nécessaire. Peut-être n’était-elle que de la poudre aux yeux, un effet « cosmétique », comme on dit. Comme si un lycéen de 17 ou 18 ans était sérieusement en mesure de témoigner de sa volonté éclairée d’entreprendre des études supérieures dans des filières pour la plupart encore inconnues de lui ! Tous ceux qui interrogent en entretien d’école de commerce – pourtant à bac + 2 –, savent que la question de la motivation est la plus fragile et la moins significative lors du recrutement, et que les projets ou ambitions affichés à l’oral du concours sont le plus souvent démentis à l’épreuve du temps.
Les lettres de motivation qui circulent, le trafic qu’elles engendrent en font une pièce de dossier artificielle, affligeante et dérisoire, favorisant le conformisme et l’inauthenticité, soit tout le contraire de ce qu’une procédure revalorisée pouvait bien espérer. Tout ce qui relève d’une projection dans le futur est précaire: demander aux enseignants, aux chefs d’établissements de se prononcer sur un parcours supérieur envisagé est un exercice périlleux et dans certains cas audacieux.
Autant il est possible d’émettre un avis sur des chances de réussite en BTS ou en classes prépas, parce que la connaissance de ces études est là, autant certains domaines sont bien mal connus des enseignants et rendent leurs avis malaisés.
Et la pensée vraie dans tout cela ?
Mettre de l’humain dans le classement des dossiers, prendre au sérieux les choix d’un élève ce n’est pas lire sa profession de foi, c’est regarder les notes, les progressions, les appréciations de ceux qui ont suivi sa scolarité. Une motivation ne se confond pas avec une déclaration d’intention : elle se passe de mots superflus. Combien d’entre nous ont lu vers la fin juin de belles lettres, de beaux serments, d’élèves au sérieux démenti tout au long de l’année qui vous assurent pourtant de leur volonté de travailler, de leur détermination, et de leur réelle motivation…
Il ne faut pas laisser croire qu’une certaine rhétorique pourrait prendre un rôle prépondérant dans l’examen des dossiers, que les plus habiles en tireraient profit tandis que les éloignés de ce que Bourdieu appelait la « langue légitime » en subiraient une sanction. Non : ce ne sont pas des ateliers de rédaction de lettres de motivation qu’il faut ouvrir dans les établissements scolaires ou les officines privées mais bien plutôt poursuivre le travail de la pensée vraie et de son expression juste que tous les programmes d’enseignement régulier poursuivent dans les classes.
Chausse-trappe
Parcours sup est un nouvel instrument de mesure des capacités d’un élève et de l’adéquation de son niveau scolaire aux études supérieures envisagées. Il est plus complet, plus fin qu’auparavant, plus utile pour l’élève, son établissement et sa formation postulée, et s’il contribue à apporter plus de transparence et de vérité au processus d’admission, pourquoi diable y adjoindre une lettre de motivation ?
Pascal Caglar
Voir sur ce site :
• Réforme du bac 2021, tour d’horizon des changements, par Lauriane Clément.
• Le « grand oral », nouvelle épreuve reine du baccalauréat ?, par Antony Soron.
• Le baccalauréat en question à l’heure des résultats, par Antony Soron.