Réforme de la voie professionnelle et enseignement général
La semaine dernière Jean-Michel Blanquer lançait une mission de transformation de la voie professionnelle scolaire ayant pour vocation de corriger son déficit d’image, et pour cela consolider les diplômes délivrés, améliorer l’adéquation entre les formations proposées et les attentes du monde économique, et enfin développer l’apprentissage et l’alternance.
En articulant cette mission sur une concertation commandée par le ministère du Travail, le message est clair : se rapprocher du monde de l’entreprise, de ses besoins, de ses profils et de ses usages.
Un impératif : maintenir les bases de la culture humaniste
Si l’objectif est louable, il ne faudrait pas que la rénovation en profondeur appelée par le gouvernement, sous couleur de satisfaire les exigences des professionnels, artisans et chefs d’entreprise, renonce à l’équilibre actuel des enseignements généraux et des enseignements techniques, au maintien des bases de la culture humaniste à côté de la culture d’entreprise.
Tout n’est pas obligatoirement matière à transformation dans ces formations, et le bel élan de Muriel Pernicaud, ministre du Travail, appelant de ses vœux une « révolution copernicienne », non plus « des entreprises et des jeunes qui tournent autour du système mais d’un système qui tourne autour des jeunes et des entreprises », ne doit pas perdre de vue ce qui doit demeurer fermement, quelles que soient les mutations : la consolidation de la langue française chez tous, et les moyens pour tous d’agir et penser en homme libre dans le monde d’aujourd’hui .
C’est pourquoi le groupe de travail dirigé par Paul Quenet, chargé de revoir le parcours et l’orientation scolaire des jeunes gens en voie professionnelle, aurait intérêt à mesurer combien l’enseignement actuel du français en CAP ou Bac pro fait preuve d’une pertinence trop peu souvent saluée.
L’une de ses plus belles réussites est de proposer un programme alliant objectifs culturels et objectifs professionnels, mariant des thèmes complémentaires comme « se construire », « s’insérer dans la cité » , « s’insérer dans l’univers professionnel », et des travaux d’écriture mêlant écrits fonctionnels et écrits académiques, maîtrise de l’oral en situations officielles et familières.
Réformer, c’est aussi bien renforcer que remplacer
Le solide concours du CAPLP qui sélectionne les enseignants de la voie professionnelle propose, rappelons le, une double compétence : lettres-langues, lettres-histoire. Qui a fréquenté les cours dispensés par ces collègues sait à quel point cet enseignement est apprécié par une majorité d’élèves.
Quel que soit leur niveau, ces élèves ont droit à une égalité d’accès aux grands textes, aux grandes problématiques, aux essais de l’esprit critique. Tous les enseignants de lettres de ces filières le savent et s’emploient à établir cette égalité et dispenser cette chance.
Combattre la réticence des familles, convaincre des chances de réussite en voie professionnelle, c’est aussi donner à voir les moyens alloués à la maîtrise de la langue et à la connaissance des grandes idées ou valeurs. Beaucoup de jeunes apprentis souffrent non seulement d’inexpérience professionnelle mais aussi d’un manque de confiance dans leur capacité à s’exprimer et à communiquer.
Il y a peut-être lieu à réformer les parcours, mais réformer c’est aussi bien renforcer que remplacer : en ce qui concerne le français, ce qui est en cours doit rester en marche.
Pascal Caglar
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• La voie professionnelle au lycée (Eduscol).