Le projet de socle commun de connaissances, de compétences et de culture
Il y a deux façons de se représenter le « socle » : le considérer comme le plus petit dénominateur commun aux élèves en fin de scolarité obligatoire ou l’envisager comme une utopie dont la fonction serait d’élever l’ensemble du parcours scolaire de l’élève français.
De ce point de vue, indéniablement, le « projet de socle commun de connaissances, de compétences et de culture » présenté par le Conseil supérieur des programmes ne saurait être taxé d’un manque d’ambition.
Ambition justifiant d’ouvrir la discussion et de banaliser une demi-journée de cours. En clair, il était temps de repenser le socle non pas pour déshabiller le précédent mais afin de donner au nouveau davantage de cohérence (par rapport à son évaluation), de cohésion (par rapport aux programmes), et de perspectives (par rapport aux enjeux sociétaux).
Cinq domaines de formation
Le Conseil supérieur semble avoir compris avec Boileau que « ce qui se conçoit bien s’énonce clairement » et que, par conséquent, plus le projet sera lisible et mieux il sera compris ; et que plus il sera clair, plus il aura de chance d’être mis en œuvre.
Ainsi les enseignants lui sauront gré d’avoir retenu exclusivement cinq domaines de formation :
• les langages pour penser et communiquer ;
• les méthodes et outils pour apprendre ;
• la formation de la personne et du citoyen ;
• l’observation et la compréhension du monde ;
• les représentations du monde et de l’activité humaine.
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Quelques signaux lumineux en des temps assombris par un certain obscurantisme…
Il ne faut pas s’y tromper, le socle apparaît bien ancré dans son époque. Ainsi, s’il choisit de présenter de grands principes de façon positive, qu’ils touchent à la représentation rationnelle du monde, au savoir vivre citoyen ou au développement durable, c’est en connaissance de cause, et donc après avoir fait le constat des exigences décisives qui assoiront à la fois le devenir et l’unité de la nation.
On ne peut définitivement entériner la situation de deux catégories d’élèves : l’une « favorisée » et appelée à dépasser largement les exigences minimales ou présumées comme telles du socle version 2006, et l’autre essayant péniblement d’en valider les items « transversaux ».
Les enseignants du premier comme du second degré sont amenés à se prononcer par écrit, en répondant à un questionnaire, sur ce nouveau projet de socle. Outre le fait que cette enquête a le mérite de renforcer le lien inter-degré encore très ténu à ce jour, elle implique une réflexion de fond sur l’adéquation ou la non-adéquation des perspectives tracées par le projet et leur possible mise en œuvre. L’enseignant se trouvera en effet souvent en adhésion par rapport à la perspective et plus en résistance sur la question de la mise en œuvre réelle à l’échelle de la classe.
Un projet de plus ou un projet supérieur ?
Notre analyse n’a pas pour objet de revenir sur tous les éléments du projet mais de mettre en avant quelques-uns des plus notable. On relèvera ainsi d’emblée le point d’articulation fondamental du projet, à savoir la nécessité de mettre en corrélation dans la réflexion la définition du socle et la question de son évaluation. De ce point de vue, on est peut-être à l’aube d’une révolution du mode d’évaluation des élèves. Évaluation « positive », évaluation différenciée, évaluation échappant au fétichisme de la note ; tout cela est en effet impliqué par le projet et n’ira pas sans quelques résistances, notamment du côté du second degré.
Le domaine 1, Les langages pour penser et communiquer, insiste sur la maîtrise de la langue française, impliquant la connaissance des « règles grammaticales et orthographiques ». L’objectif d’un savoir lire, écrire et communiquer est clairement posé avec, en outre, l’idée implicite que ces compétences demeurent le gage non seulement d’une intégration mais d’un épanouissement dans la société. On passera rapidement sur l’apprentissage des langues étrangères dont on a coutume de dire qu’il n’est pas le fort des petits élèves français, pour se focaliser sur le paragraphe « Utiliser des langages scientifiques », qui réaffirme la nécessité d’une appréhension rationnelle du monde. On notera corrélativement que, dans ce même domaine 1, confirmant en cela le titre même du projet de socle, « … de connaissances, de compétences et de culture », le développement du potentiel « artistique » de l’élève est donné comme un objectif prioritaire.
Le citoyen idéal est en conséquence esquissé au bout du chemin des écoliers…
Dont acte. Là encore, l’état des lieux justifie amplement ces objectifs généreux : l’injustice culturelle restant un premier obstacle à l’égalité des parcours.
Le domaine 2, Les méthodes et outils pour apprendre, constitue un autre défi à relever, et ce d’autant plus que l’élève est aujourd’hui plus que jamais soumis à la pression d’une information omniprésente qu’il a d’évidence du mal à hiérarchiser. Ce domaine comme les autres répond à une logique transversale impliquant, dans la continuité de « 2006 », de transcender (sans les abolir) les disciplines en établissant des champs communs entre elles.
À titre d’exemple, l’usage sans réflexion critique d’un site comme Wikipédia par les élèves justifie le développement d’un bagage méthodologique où les compétences de tri et de hiérarchisation seront renforcées. Les orientations proposées confortent l’idée que le projet de socle est bien de son temps et que par là même il était indispensable de le faire évoluer. La recherche documentaire aujourd’hui n’ayant, toujours à titre d’exemple, rien de commun avec celle d’il y a une petite dizaine d’années.
Notre lecture en creux du projet nous fait par ailleurs dire qu’il ne s’abrite pas derrière l’illusion des compétences. Martelé tout au long du descriptif, le mot « connaissances » intervient comme le deuxième membre obligatoire du couple le plus discuté par la communauté éducative. En matière méthodologique, on conviendra de la nécessité de ce recadrage, à l’heure où tant d’élèves pensent être compétents dans l’utilisation de l’outil informatique alors qu’ils ne maîtrisent nullement les connaissances requises pour ne pas en être les jouets !
Le domaine 3, La formation de la personne et du citoyen, rappelle implicitement combien l’exigence qui pèse sur les enseignants, encore et toujours « hussards de la République », est importante. Ils y apparaissent comme les vivants piliers des « domaines de formation ». L’exaltation de cette nécessaire charte citoyenne qui trouve sa source dans le programme des Lumières et sa réactualisation dans celle du CNR n’appelle aucune contestation de fond, même si on mesure l’étendue de la tâche à accomplir en prenant pour référence la situation de certains établissements. Toutefois, au niveau des perspectives tracées, on sera sensible à la réévaluation des connaissances historiques à acquérir, et à l’idée que ces fameuses compétences citoyennes et sociales ne sont pas sorties de nulle part.
Le domaine 4, L’observation et la compréhension du monde, est étroitement lié au précédent dans la mesure où il fait appel à la pensée rationnelle, fondée sur des connaissances, qui sait distinguer « les faits et les hypothèses », « les croyances et les opinions ». Sans aller jusqu’à rouvrir De l’entendement humain, les non-philosophes de profession que nous sommes ne se priveront pas du plaisir de retrouver un écho de la pensée de Leibnitz dans l’éloge implicite de l’observation précise et de la rigueur du raisonnement.
Dernier point notable dans le cadre de ce domaine, la mise en perspective du « développement durable » qui requiert une vraie connaissance du monde, de son évolution et de ses enjeux.
Le cinquième et dernier domaine, Les représentations du monde et de l’activité humaine, n’est pas moins essentiel que les quatre autres. Il a, dans sa présentation, le mérite d’accentuer l’importance de la perspective historique. Poser comme principe une meilleure situation de l’élève dans « l’espace et le temps » est justifié. Cette mise en perspective diachronique des faits considérés comme actés et définitifs par les élèves présuppose, comme il est précisé, un retour à l’histoire par différents biais, notamment artistiques.
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On voit bien, au terme de ce parcours rapide des domaines structurant le projet de socle, combien il s’inscrit dans son époque, et implicitement contre ses mouvements régressifs, observables au quotidien. Il nous semble pertinent dans son diagnostic implicite de la société tout autant que dans les perspectives éducatives qu’il trace.
Toute la question va se situer au niveau de son explicitation et de sa mise en œuvre. Ne parlons pas des moyens de cette mise en œuvre quand on lit par exemple une phrase comme : « Il est habitué à nourrir sa culture par […] la fréquentation des musées et des spectacles. » Néanmoins, au stade où nous en sommes, le projet a le mérite d’envisager la formation de l’élève comme une cause nationale mais aussi internationale, et d’impliquer dans le raisonnement développé l’économie de la connaissance. Espérons que cette utopie ne restera pas à la porte de l’école.
Antony Soron
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• Le socle commun de connaissances et de compétences en vigueur, comprenant sept compétences.
• Le projet de socle commun : télécharger le pdf.
• Consultation nationale sur le projet de socle commun et le projet de programme de l’école maternelle jusqu’au 18 octobre 2014.
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