« Mère et fils », de Calin Peter Netzer
Il y a une nouvelle vague du cinéma roumain de plus en plus reconnue à l’étranger mais dont les réalisateurs souffrent, dans leur pays, d’un manque sévère de moyens.
Son essor s’est traduit ces dernières années par les œuvres très remarquées de plusieurs réalisateurs comme Cristu Piu, Corneliu Porumboiu et Cristian Nemescu.
À Cannes, la Palme d’Or attribuée à Cristian Mungiu en 2007 pour Quatre mois, trois semaines et deux jours en a marqué la consécration. Et en 2012, le dernier film de Cristian Mungiu, Au-delà des collines a remporté le Prix du meilleur scénario et les prix d’interprétation féminine sur la Croisette.
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L’histoire d’une mère possessive de la haute société roumaine…
Mère et fils (Pozitia Copilului), troisième long métrage du réalisateur Calin Peter Netzer, a reçu l’Ours d’or au dernier festival de Berlin. Ce film, qui reprend le titre du beau film d’Alexandre Sokourov (1997), est très maîtrisé et magnifiquement interprété. Écrit avec l’excellent scénariste Răzvan Rădulescu, il fait de la grande Luminita Gheorghiu qui interprète le rôle de Cornelia, mère possessive de la haute société roumaine de Bucarest, le point focal du film. L’histoire se raconte à travers elle, et elle seule, bien qu’elle soit fort peu sympathique.
Elle fait tout pour garder son fils adulte Barbu sous son emprise, alors qu’il vit en couple avec une jeune femme. Ce personnage abusif, caractéristique d’une couche sociale supérieure coutumière des passe-droits, qui fréquente l’intelligentsia et se croit tout permis, même sur le plan privé, surveille chaque détail de la vie de son fils. Il serait inspiré de la propre relation du cinéaste avec sa mère, comme il l’a révélé à la presse à Berlin.
Quand Barbu tue accidentellement un adolescent d’une famille modeste en roulant trop vite, sa mère, consciente des risques qu’il encourt, va tout tenter pour lui éviter la prison, usant de ses relations mais aussi de son argent, avec insolence et sans grande habileté.
… et d’une rédemption
Mais l’intérêt du film réside dans l’analyse très fine de l’évolution de Cornelia au moment de l’enterrement de la victime, dont le choc la transforme enfin, créant une empathie chez le spectateur. C’est quand elle laisse enfin parler son cœur qu’elle parvient à dénouer la situation à la fois pénale et affective.
Ce film a été tourné en majeure partie dans des appartements privés, où s’étirent de très longs plans-séquences aptes à retracer la vie privée des protagonistes. Dans la cuisine ou la salle-à-manger de l’appartement familial – où Barbu, abdiquant toute volonté, a été emmené sans égard pour sa compagne –, la caméra à l’épaule, qui ne quitte presque jamais les deux principaux protagonistes, renforce l’aspect étouffant de la relation et accroît l’impression de vie au même titre que le montage.
Les dialogues entre la mère et sa belle-fille et entre la mère et son fils expriment une tension douloureuse qui rend la manipulation sensible. Et la révolte du fils sonne comme une libération maladroite de cette emprise insupportable. Mais la dernière séquence, où la mère rend visite aux parents de la victime auxquels elle parvient enfin à s’identifier et à exprimer une vraie compassion, est d’une force rarement atteinte au cinéma. La rédemption est à la mesure de cet amour maternel, castrateur parce qu’infini.
Anne-Marie Baron
Tout à fait d’accord. J’ai été très sensible aux couleurs tristes des lieux ou clinquantes de mauvais goût pour l’appartement et les bijoux de Cornelia.