"Rêves d'or" ("La Jaula de Oro"), de Diego Quemada-Diez, prix Jean-Renoir des lycéens 2014
La Jaula de Oro (littéralement la « cage dorée », titre français Rêves d’or) de Diego Quemada-Diez a remporté le prix Jean-Renoir des lycéens 2014. Il avait été présenté au Festival de Cannes 2013, dans le cadre de la section Un Certain Regard et avait suscité une émotion unique.
C’est une œuvre à la fois engagée et personnelle sur la dure vie des migrants, prêts à tout pour tenter de rejoindre les États-Unis. Deux jeunes garçons, Juan et Samuel, et une fille, Sara, tous trois âgés de quinze ans, fuient le Guatemala pour tenter de réaliser le rêve américain.
Au cours de leur traversée du Mexique, ils rencontrent Chauk, un Indien tzotzil ne parlant pas espagnol et voyageant sans papiers. Pris dans une rafle, ils sont renvoyés tous trois au Guatemala.
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Au croisement du documentaire et de la fiction
Au moment où l’Europe passe pour un paradis vers lequel se dirigent des êtres désespérés venus de partout, prêts à mourir pour y arriver, ce jeune réalisateur décrit la même réalité aux États-Unis et réussit un premier film qui touche profondément car il est porté par une foi en l’homme à toute épreuve.
Mais La Jaula de oro n’est pas sa première expérience cinématographique. Il a eu des maîtres prestigieux: Ken Loach, dont il a été l’assistant sur Land and Freedom en 1995; le cinéaste mexicain Alejandro González Iñárritu, l’Anglais Tony Scott, les Américains Oliver Stone et Spike Lee. Son deuxième court métrage I Want to Be a Pilot, présenté au Festival de Sundance en 2006, a été mondialement récompensé.
Ayant collecté pendant plusieurs années différentes histoires de migrants qui ont croisé sa route, Diego Quemada-Diez a travaillé longtemps à mettre en forme un scénario :
« J’ai rencontré des gens merveilleux qui m’ont beaucoup appris, notamment la générosité et la valeur de la fraternité. Je voulais que cette histoire soit vraisemblable tout en ayant une structure dramatique […], que le film soit au croisement du documentaire et de la fiction. J’ai fini par comprendre qu’il fallait que je concentre tous les témoignages dans un personnage. »
Le rêve d’un monde meilleur confronté à la fatalité de la violence
Un casting organisé dans l’un des quartiers les plus pauvres et les plus dangereux de Guatemala lui a permis de trouver ses deux personnages principaux parmi plus de 3 000 jeunes. Il a choisi Brandon Lopez – débutant au cinéma avec Rêves d’or, mais de plus en plus connu dans son pays pour sa musique hip hop – pour interpréter Juan, convaincu de réussir sa vie aux États-Unis et prêt à mourir en essayant de s’y rendre. Sa vision des choses matérialiste contraste avec celle de Chauk (Rodolfo Dominguez), beaucoup plus spirituelle.
Cette opposition permet au metteur en scène de souligner la lutte interne qui existe chez tout homme entre ces deux attitudes. Quant à Sara, elle est interprétée par la jeune Karen Martinez.
Le tragique de Rêves d’or naît du contraste entre le rêve d’un monde meilleur, d’une Terre promise, auquel aspirent les trois adolescents de l’autre côté de la frontière mexicaine et la dure réalité qu’ils rencontrent, entre leur grâce naturelle et la violence qu’ils affrontent. Leur lente traversée vers le nord est freinée par d’innombrables incidents, des catastrophes inévitables, car policiers et gangsters suivent à la trace ces groupes de migrants et à chaque étape, arrêtent les plus vulnérables.
Le cinéaste met en scène cette fatalité avec un réalisme qui le distingue des cinéastes qui ont déjà traité ce sujet brûlant comme Cary Fukunaga (Sin nombre, 2009) ou Chris Weitz (A better life, 2011). Et le suspense qui s’instaure, loin d’être effet de style, est la conséquence naturelle de cette insécurité permanente.
Un road-movie de la misère et de l’espoir
Rêves d’or est, selon son auteur, « une fiction basée sur la réalité, qui la reconstitue avec une volonté d’authenticité et d’intégrité ». Un road-movie de la misère et de l’espoir, tourné en super 16, format proche du documentaire et plus pratique pour couvrir le périple de ces jeunes héros. L’équipe du film a emprunté les mêmes chemins que les migrants, car Diego Quemada-Diez souhaitait leur rendre hommage en faisant le même parcours qu’eux et en tournant dans l’ordre chronologique ce voyage du Guatemala jusqu’aux États-Unis.
L’émotion provoquée par ce film vient de sa sincère empathie et de sa généreuse approche de situations limites. Ces sentiments empreignent le film d’une chaleur qui fait de ces héros si misérables des figures universelles de l’errance. Ils lui donnent une qualité humaine exceptionnelle, sans pathos ni misérabilisme.
Un voyage initiatique
De plus ce voyage initiatique symbolise la vision assez utopique du cinéaste qui confie :
« Nous avons l’espoir de détruire les conventions qui nous emprisonnent, afin de réinventer notre propre réalité. Je rêve que ces barrières qui nous séparent sautent, que nous embarquions dans un train dont la destination est sans importance, dont les passagers savent que nos existences sont interconnectées et que les obstacles rencontrés sur la route nous inspirent pour célébrer la vie avec un respect et une conscience qui transcendent les races, les classes et les croyances. »
Avec La Jaula de oro, Quemada-Diez a voulu « donner un visage aux anonymes, faire entendre leur voix ». Pour inciter le monde à sortir du cercle vicieux de l’expulsion et de la répression, il restitue le plus exactement possible l’effrayante réalité de l’émigration, qui se transforme d’elle-même en ballade sauvage, en poème épique prêt à rejoindre dans l’imaginaire collectif les grandes fresques intemporelles d’Homère ou de Steinbeck.
Anne-Marie Baron
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• Voir sur le site de « l’École des lettres » les critiques des films sélectionnés par le prix Jean-Renoir des lycéens.
• Le blog du prix Jean-Renoir des lycéens.
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