Parcoursup 2024 :
le vœu pieux de la transparence ?
Par Ludmilla Soron, étudiante en M1 à Science Po Paris
Ce 17 janvier s’ouvre pour les bacheliers 2024 la phase d’enregistrement de leurs vœux sur Parcoursup. Ils auront jusqu’au 14 mars pour renseigner l’algorithme qui régit leur avenir. Si les données des années précédentes sont désormais accessibles sur la plateforme, elles restent peu lisibles et peu secourables pour les familles.
Par Ludmilla Soron, étudiante en M1 à Science Po Paris
L’édition Parcoursup 2024 semble avoir fait peau neuve : plateforme améliorée, plus esthétique et enrichie en données variées, à l’aune des opérations de communication qui l’accompagnent. « On ne cesse d’améliorer l’ergonomie de la plateforme de façon à mieux aider les jeunes à faire leurs choix. », défendait Sylvie Retailleau, ministre de l’Enseignement supérieur, en décembre 2023. Pour autant, alors que les alternatives dites de « contournement » se développent et que les coachs privés se multiplient dans les milieux aisés pour affiner les stratégies face au pouvoir de l’algorithme, le système Parcoursup reste encore bien trop inégalitaire.
Les open data : mine d’or ou leurre ?
Inaccessibles en 2018 au moment de la création de Parcoursup, les données rendues accessibles par le ministère sont encore très floues. Les articles se multiplient, décrivant les efforts de certaines familles pour dénicher dans les informations portant sur les années précédentes de quoi affiner les choix actuels de leur progéniture.
Contraintes à plus de transparence, les formations de l’enseignement supérieur se sont résignées à communiquer sur ces données tantôt cryptées, tantôt confidentielles. Avec l’ouverture de la saisie des vœux d’orientation ce 17 janvier pour les bacheliers 2024, l’étudiant était censé être mieux informé grâce, notamment, à une fiche de présentation plus détaillée pour chaque formation et incluant, sur les 23 000 proposées :
- des favoris : les candidats peuvent désormais conserver la mémoire de leur recherche de formations et apporter pour eux-mêmes des appréciations qu’ils pourront conserver et retrouver au moment de formuler leurs vœux (fonction « Favoris ») ;
- un rappel journées portes ouvertes : pour ces formations conservées en favori, les postulants peuvent recevoir un rappel calendrier des journées portes ouvertes ;
- un comparateur : ils peuvent également comparer plus facilement les formations : par exemple, le statut de la formation (public/privé), les frais de scolarité, le niveau de la demande, l’existence d’un internat, l’éligibilité de la formation à accueillir des étudiants boursiers ou encore l’existence d’un label délivré par le ministère chargé de l’Enseignement supérieur ;
- un calendrier : pour faciliter les démarches des jeunes, en partenariat avec Service-Public.fr, un module calendrier est proposé, leur permettant, ainsi qu’à leurs parents, de visualiser sur leur agenda en ligne les dates clés de Parcoursup.
Ce surcroît de transparence ne s’accompagne pas d’une si grande clarté. Le « lycée des possibles », expression figurant dans la réforme Blanquer de 2019 pour vanter la liberté dans le choix des spécialités en première et en terminale, s’évanouit rapidement devant le casse-tête que représentent les combinaisons de « dix vœux non hiérarchisés » à formuler d’ici au 14 mars. Les bacheliers auront ensuite jusqu’au 3 avril pour finaliser leur dossier et confirmer ces vœux. Ils recevront une réponse le 30 mai, date d’ouverture de la phase d’admission qui se tiendra jusqu’au 12 juillet. Si la plateforme multiplie les outils comme « Nos conseils pour formuler vos vœux », vidéos tutorielles à l’appui, Parcoursup incarne toujours l’ultime épreuve des années lycée.
La réflexion autour des études supérieures se pose en effet dès la classe de troisième, notamment à travers le choix de spécialités en première, qui induit celui du lycée dès le collège. En première, le dilemme « spé maths ou pas spé maths ? » prédomine, et l’édition 2024 ne devrait pas gommer cette épineuse interrogation : ce choix de la spécialité reste un attendu décisif pour beaucoup, sorte de « choix des gagnants », y compris dans des filières éloignées du champ scientifique strict. En droit, par exemple, notamment au sein d’universités prestigieuses comme Paris II Panthéon Assas, la spécialité mathématiques – qui n’est pas un critère de sélection officiel sur Parcoursup – est scrutée par les recruteurs.
D’un côté le ministère redoute qu’une trop grande transparence sur les attendus en matière de spécialités décourage de nombreux candidats qui s’autocensureraient sans prendre le risque de ne pas être admis, de l’autre, nombre d’acteurs de l’enseignement supérieur plaident pour que soient présentées les spécialités requises dans telle ou telle filière. Ce qui imposerait une réflexion sur Parcoursup avant le mois de janvier de l’année de terminale.
La persistance d’un « Parcoursup de classes » ?
Que faire pour accompagner au mieux les lycéens ? Comment pallier les inégalités qui subsistent dans l’accès à l’information sur les études supérieures et leur fonctionnement ? Plus encore que les années précédentes, 2024 est marquée par la multiplication de coachs d’orientation, volontiers issus de cabinets de conseil spécialisés, destinés à rassurer les jeunes (et leurs parents).
Cette individualisation a un coût : plusieurs milliers d’euros pour un suivi personnalisé. Pire, certains bacheliers issus de familles aisées n’hésitent pas à contourner Parcoursup en postulant directement dans des Bachelors à l’étranger, le plus souvent de management : Bocconi à Milan, Esade à Barcelone ou encore King’s College à Londres. Les calendriers différés propres à chacune de ces formations sur mesure nécessitent une connaissance approfondie du système, avec une anticipation obligée des échéances en termes de candidatures. Les prestigieuses Oxford et Cambridge, par exemple, ferment leur procédure d’admission dès le mois de novembre.
Au-delà des dossiers spécifiques, Parcoursup reste une course d’obstacles pour le lycéen issu d’un milieu social ordinaire. Les études supérieures sont souvent une affaire de famille, parents, aînés, grands-parents mettent régulièrement la main à la pâte pour aider les cadets à trouver leur voie dans la jungle des formations. Qu’en est-il de ceux chez qui les études supérieures ne font pas partie du patrimoine ?
À Sciences Po Paris, le dispositif CEP, lancé sous la présidence de Richard Descoings il y a plus de dix ans, a permis à de nombreux élèves scolarisés en réseau d’éducation prioritaire d’intégrer la prestigieuse institution via une procédure parallèle au concours historique, tout aussi exigeante.
À l’échelle nationale, le dispositif « Les Cordées de la réussite » vise aussi à étendre un dispositif d’accompagnement dès la classe de quatrième, et à ouvrir de nouvelles perspectives aux jeunes suivis dans le cadre de ce programme.
Parcoursup 2024 n’a pas encore de réponses claires à tous les problèmes que cette plateforme soulève depuis sa création. Les 54 heures d’orientation annuelles, par exemple, initialement prévues par la réforme du lycée pour tous les élèves de terminale générale et technologique, ainsi que les 265 heures sur trois ans en voie professionnelle, restent difficiles à mettre en œuvre. Non comptabilisées dans les dotations horaires globales des établissements, elles sont la plupart du temps mises en place de manière informelle et diluées parmi les conseils distillés par les différents enseignants. Et ce qui est fait en classe entière ne remplace pas un conseil personnalisé pour chacun.
Le combat pour l’égalité des chances en matière d’orientation réclame une intervention politique forte et volontariste.
L. S.
Ressources :
- Dispositif « Les cordées de la réussite » ;
- Marie-Christine Corbier, « Spécialité maths : le grand dilemme des familles », Les Échos, 5 décembre 2023.
- « Parcoursup : le gouvernement présente des nouveautés sur la plate-forme, destinées à ‘‘améliorer l’orientation’’ des lycéens », Le Monde Campus, 13 décembre 2023 ;
- Mossane Faye, « Parcoursup 2024 : tout ce qu’il faut savoir sur l’ouverture du site d’information », Le Monde Campus, 20 décembre 2013 ;
- Séverin Graveleau, « Parcoursup : de nouvelles applications permettent de mieux comprendre les mécanismes de sélection », Le Monde Campus, 3 janvier 2024 ;
- Margherita Nasi, « Pour contourner Parcoursup, l’aide précieuse et onéreuse des cabinets de conseil : ‘‘Intégrer une université à l’étranger après le bac, c’est un parcours d’initiés’’ », Le Monde Campus, 12 janvier 2024.
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