Simone Veil, les combats d’une effrontée
Mise en scène par Pauline Susini au Théâtre Antoine d’après son autobiographie Une vie (Stock), cette pièce sur le parcours de Simone Veil peut s’inscrire dans le thème 2021 du programme d’histoire des arts au lycée : « Femme et féminisme ». En plus du témoignage sur les camps de la mort, c’est son combat pour le droit à l’avortement et son rapport au travail qui priment.
Par Pascal Caglar, professeur de lettres
Mise en scène par Pauline Susini au Théâtre Antoine d’après son autobiographie Une vie (Stock), cette pièce sur le parcours de Simone Veil peut s’inscrire dans le thème 2021 du programme d’histoire des arts au lycée : « Femme et féminisme ». En plus du témoignage sur les camps de la mort, c’est son combat pour le droit à l’avortement et son rapport au travail qui priment.
Par Pascal Caglar, professeur de lettres
Ce n’est pas spectaculaire, ce n’est pas d’une théâtralité folle, mais c’est d’une intensité exceptionnelle. Cristiana Reali, qui signe également l’adaptation avec Antoine Mory, ne joue pas le rôle de Simone Veil, elle est Simone Veil : elle l’est dans la parure, la coiffure, les gestes, la démarche, les inflexions, dans ses propos tirés de son autobiographie, dans ses pensées dites à haute voix, et cette incarnation est soulignée par une mise en scène habile qui s’ingénie à confronter l’actrice à des images et des enregistrements d’archives portant à son comble l’illusion de la présence de celle qui repose depuis 2008 au Panthéon.
Ce n’est donc pas une lecture ou une piètre mise en dialogue d’un récit de vie qui est proposée par Pauline Susini au théâtre Antoine, mais une véritable action théâtrale. D’un côté, une étudiante enregistre une émission de radio sur Simone Veil, sujet de sa thèse. De l’autre, Simone Veil en personne prend le relai de l’interview et apporte son témoignage direct. De temps à autre, des voix issues du passé rappellent les grands moments de sa vie : on entend son mari Antoine, Jacques Chirac, des députés, des Allemands.
La parole d’anciens déportés, leur évocation de l’indicible, leur message contre la barbarie et leur foi en l’humanité sont rassemblés dans la pièce. Sans compter le contact inégalable entre la scène et le public, qui éprouve une sorte de gratitude à cet appel réitéré au « plus jamais ça ». Le traumatisme des camps de la mort tient lieu de fil rouge et peut-être d’explication à la carrière de Simone Veil qui conduit de la magistrature au Parlement européen, en passant par les postes ministériels et le projet de loi sur l’IVG en 1975.
Engagée pour la santé et le travail des femmes
Les lycéens qui suivent le programme d’histoire des arts et son objet d’étude 2021 « Femme et féminisme » trouveront dans la pièce matière à des réflexions profondes, loin d’un manichéisme simplificateur. En effet, dans le texte de Simone Veil, la légalisation de l’avortement est moins le droit reconnu aux femmes de disposer de leur corps que celui de le protéger lorsqu’il est mis en danger par une situation de détresse. C’est la santé des femmes, leur égalité en toute légalité devant l’avortement (dépénalisation, fin des avortements clandestins, ouverture de centres d’IVG) qui motive la loi Veil.
Cependant, derrière ces grandes avancées, les limitations à cette loi ne manquent pas : clause d’objection de conscience des médecins, délai de sept jours de réflexion obligatoire, délai d’intervention de dix semaines, information parentale. Dans la pièce, Simone Veil s’interroge elle-même sur son féminisme qui lui paraît plus une forme nouvelle de son combat de toujours pour le droit des faibles et des opprimés, qu’un engagement militant pour une redéfinition de l’identité féminine.
À dire vrai, la question de l’égalité homme-femme est comme traitée implicitement par le portrait du couple Antoine-Simone que brosse la pièce. C’est avec humour et dérision que sont évoqués le choix difficile de Simone Veil en faveur de sa carrière professionnelle ou encore la place et le rôle inversé de chacun lorsqu’elle devient plus importante que son mari. Une brève scène, comme en écho, montre la jeune étudiante obligée de se justifier au téléphone auprès de son ami de l’interview qu’elle est en train de donner à la radio, comme si rien n’avait changé, comme si l’égalité de droit au travail était encore loin d’être acquise en 2021.
Il est souvent difficile pour le théâtre privé de proposer des textes abordant des questions de société ou des problèmes d’actualité, mais il faut reconnaître que le théâtre Antoine ne se cantonne pas à la facilité de spectacles de pur divertissement. Ces dernières années, plusieurs pièces auront mérité d’attirer les enseignants et leurs élèves : Les Enfants du silence, sur le langage des signes, avec la Comédie-Française ; Les Chatouilles, sur le viol, avec Andréa Bescond ; Fleurs de soleil, sur le pardon, avec Thierry Lhermitte ; et plus récemment Plaidoiries, sur quelques grands procès français, avec Richard Berry. De quoi renforcer les liens avec un public scolaire.
P. C.
Simone Veil, les combats d’une effrontée, d’après Une vie (Stock), adaptation de Cristiana Reali et Antoine Mory, mis en scène de Pauline Susini, avec Cristiana Reali et Pauline Susini/ Hannah Levin (en alternance). Durée : 1h15, jusqu’au 30 décembre au Théâtre-Antoine à Paris.