"365 mots de l’amour et de l’amitié expliqués", de Paul Desalmand et Yves Stalloni
Avant même d’ouvrir le livre, avant même de le retourner et de lire au dos les lignes de présentation qui y figurent, la première page de couverture offre à elle seule des indices quant au contenu et à la tonalité de l’ouvrage.
Tout d’abord, le choix du rouge respecte la tradition symbolique : cette couleur renvoie à la Charité, l’une des trois vertus théologales, qui dans l’absolu synthétise l’amour sous toutes ses formes. Le vert eût dit l’Espérance, le blanc la Foi. L’entrée Rouge ne figure pas dans l’ouvrage, mais il est question du Feu (p. 125) et du Cœur (p. 63) pour signifier l’incandescence de l’amour.
Si le rouge de la couverture sollicite aussitôt le regard et l’imagination, le velouté du papier, sous la main du futur lecteur, suggère les impressions tactiles d’une Caresse. Que l’on se rassure, des lignes savoureuses sont consacrées à « ce geste, plein de délicatesse, tantôt affectueux, tantôt sensuel » (p. 49).
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“Un seul désir suffit pour peupler tout un monde”
Le nombre 365 – qui caractérise la collection – laisse entendre qu’une année sera ponctuée par la lecture journalière d’un mot. Ceux qui se sont aventurés au-delà de la couverture pourront témoigner que l’on est vite tenté de dépenser cette annuité en quelques heures de pur plaisir en lisant, dans l’ordre ou dans le désordre, ces mots qui sont bien plus que des mots.
Mais n’ouvrons pas encore ce bréviaire pas très catholique. Continuons à considérer le livre fermé, posé sur le présentoir du libraire. Le titre, bien visible, remplit sans détour sa fonction en disant clairement ce dont il va être question. Ce ne seront pas des mots d’amour, ni des mots d’amitié. L’ouvrage n’est pas un florilège de phrases amoureuses ou amicales à prononcer à l’oreille de celui ou de celle que l’on aime, ou à offrir à ceux ou à celles dont on partage l’affection. Le livre n’est pas une boîte de ces chocolats italiens appelés joliment baci (Baiser, p. 37), qu’enveloppe un papier offrant la surprise d’une citation sur l’amour.
Les auteurs n’ont pas choisi le principe de 365 aphorismes sur l’amour et l’amitié : ils nous offrent 365 mots de l’amour et de l’amitié – autant de notions clefs pour progresser dans la connaissance de la sphère de l’amour et de l’amitié. Mais, au gré de ces mots expliqués, les idées s’enchaînent, la réflexion chemine. De trésors culturels en perles érudites, on retrouve bien vite des mots d’amour et d’amitié, sous la forme de citations rares, comme inédites. Ainsi, l’article Désir (p. 92) fait s’enchaîner deux citations, l’une de Lamartine, l’autre de Gide : « Un seul désir suffit pour peupler tout un monde » ; « […] chaque désir m’a plus enrichi que la possession toujours fausse de l’objet même de mon désir ». Des références bibliographiques précises situent à chaque fois l’extrait emprunté.
Co-écriture et complicité intellectuelle
Encore un peu de patience : s’il existait une Carte du Tendre (p. 50) pour la lecture d’un livre, la couverture serait un Premier pas (p. 221) à ne pas négliger. En-dessous du titre, apparaissent les noms des deux auteurs, Paul Desalmand et Yves Stalloni, qui à huit reprises – bientôt neuf – ont collaboré pour concevoir lexiques, répertoires ou florilèges, toujours pleins d’esprit.
Si le livre accorde une place à Camarade (p. 47), à Confident (p. 71) et à Copain (p. 75), il passe sous silence Co-auteur, un statut qui suppose pourtant Fraternité (p. 136) et évidemment Échange intellectuel (p. 102). « Qu’est-ce que l’amitié sans échange intellectuel, sinon un refuge pour âmes faibles, qui ne peuvent respirer dans l’éther de l’intelligence, mais uniquement dans les émanations de l’animalité ? » En citant ainsi Kierkegaard, Desalmand et Stalloni nous laissent imaginer la complicité intellectuelle que suppose la co-écriture.
Ultime étape dans l’exégèse de la première page de couverture : les illustrations. Un couple d’amants et des objets disséminés pêle-mêle occupent la moitié inférieure. Ces gravures, dignes des premières parutions de l’Almanach Vermot (à partir du 1er janvier 1886), renvoient à une « Belle Époque » galante et vaudevillesque. Mais le lecteur ne saurait s’y méprendre : ces images désuètes sont à lire en clef d’humour.
Les mots de l’amour et de l’amitié, de l’histoire à la période contemporaine
L’ouvrage certes joue sur le caractère démodé de mots comme Courtisane (p. 80), Demi–mondaine (p. 89) ou Grisette (p. 145) ; mais il n’ignore pas la réalité contemporaine avec des entrées comme SOS amitié (p. 252), Pour tous (p. 217), Réseaux sociaux (p. 234), sans oublier les mots Dialogue (p. 95), Empathie (p. 108) ou Résilience (p. 235), si fréquents dans le langage d’aujourd’hui.
Revenons au Couple (p. 79) de la gravure de couverture : un Casanova (p. 50) d’opérette fait sa Déclaration (p. 87) à une jeune femme pleine de Méfiance (p. 189). Aurait-elle Peur de l’amour (p. 207) ? Peut-on parler de Harcèlement (p. 148) de la part de l’un, de Coquetterie (p. 76) chez l’autre ? Pour qualifier ce Choc amoureux (p. 60), virevoltent des symboles qui disent Profumo di donna (p. 225), Lettre d’amour (p. 171), Sincérité (p. 250), Mariage (p. 182) ou simple Plaisir physique (p. 211)…
Laissons-là les Préliminaires (p. 219). Le temps est venu d’ouvrir le livre. Au lecteur désormais la Jouissance (p. 164) de ces 365 mots d’esprit et d’intelligence sur l’amour et l’amitié.
Michel Feuillet
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• Paul Desalmand et Yves Stalloni, “365 mots de l’amour et de l’amitié expliqués”, Éditions du Chêne, 2015.