
Diplôme national du brevet 2025
Histoire, géographie, EMC
Lors de l’épreuve d’histoire-géographie, enseignement moral et civique de série générale du DNB 2025, les élèves de troisième ont dû travailler sur les usines de fabrication de batteries en France, sur l’issue de la guerre d’Algérie vers l’indépendance et sur les inégalités femmes-hommes. Piste de corrigés.
Par Jean-Riad Kechaou, professeur d’histoire-géo EMC (académie de Créteil)
Le sujet tombé cette année à l’épreuve de géographie du brevet des collèges portait sur les espaces productifs (territoires aménagés par l’homme pour y produire de la richesse), soit sur le troisième chapitre du thème 1 en géographie consacré aux dynamiques territoriales de la France contemporaine. Une bonne nouvelle pour les enseignants de troisième car ce chapitre de début de programme a forcément été étudié, contrairement au sujet du brevet 2024 qui portait sur le dernier chapitre de géographie : la France et l’UE dans le monde.
Deux documents étaient présentés : un texte sur la création d’une gigafactory (usine où l’on fabrique des batteries électriques) à Dunkerque, et une carte présentant l’implantation de trois gigafactories dans les Hauts-de-France (Dunkerque, Douai, Douvrin) grâce à des investissements publics et privés, générant au total 7 000 emplois. Avec cet investissement massif, la région des Hauts-de-France devient le premier pôle de l’industrie automobile électrique. Les principaux constructeurs automobiles de la région apparaissaient également sur la carte.
Sujet ICI
Corrigé
Exercice 1. Analyser et comprendre des documents en géographie (20 points)
Réponses aux questions
1) Les gigafactories sont des grosses « usines de fabrication de batteries et de leurs composants ».
2) La région (Hauts-de-France) et l’État (représenté par le président de la République, Emmanuel Macron) sont deux acteurs publics. Il y a aussi des acteurs privés : Verkor, Renault, Envision, Stellantis et l’Association régionale de l’industrie automobile.
3) La vallée de la batterie se situe au nord de la France, dans la région des Hauts-de-France, de Dunkerque à Douai, près de la frontière belge et de la mégalopole européenne (qui s’étend de Londres à Milan).
4 ) C’est un espace productif industriel (secteur secondaire) de haute technologie, spécialisé dans la production de batteries électriques pour voitures électriques. Cette région est un ancien espace minier et industriel en reconversion.
5) Les atouts de la vallée électrique sont :
– la proximité de pays européens (Royaume-Uni, Belgique, Pays-Bas, Allemagne), ainsi que de la mégalopole européenne et donc un marché important ;
– le port de Dunkerque pour les exportations hors UE ;
– des aides publiques de la région et de l’État ;
– des grandes entreprises automobiles (Toyota, Renault-Nissan, groupe Stellantis) ;
– un bassin d’emplois dans une région historiquement industrielle et en reconversion (7000 emplois pour les trois gigafactories de Dunkerque, Douvrin et Douai) ;
Cela fait des Hauts-de-France une des régions les plus importantes en Europe en matière de production de véhicules automobiles et de batteries électriques.
Exercice 2. Maîtriser différents langages pour raisonner et utiliser des repères historiques (20 points)
1. Développement construit
Le Développement construit en histoire cette année portait sur le premier chapitre – Indépendances et constructions de nouveaux États – du thème 2 au programme : le monde après 1945. Les enseignants choisissent en général l’Algérie comme exemple de décolonisation violente et l’Inde comme exemple de décolonisation pacifique.
Nous présenterons ici une correction utilisant l’exemple algérien. Après une année marquée par des polémiques médiatiques sur ce thème et des relations diplomatiques conflictuelles entre la France et l’Algérie, le choix du sujet pouvait surprendre, et il sera intéressant de voir ce que les élèves ont retenu de ce cours.
La première chose à faire pour eux était de construire un texte organisé (introduction, développement en deux ou trois parties et une conclusion). Toutes ces parties doivent être bien visibles au niveau de la présentation.
En introduction, on attend des élèves un cadrage du sujet (définition du mot « colonie », brève présentation du pays colonisé choisi et reformulation du sujet sous la forme d’une question (la problématique).
En 1954, l’Algérie est une colonie française depuis sa conquête commencée en 1830. Elle est peuplée d’indigènes (population d’origine dans un pays) musulmans, mais aussi d’une forte minorité de colons français car l’Algérie est une colonie de peuplement. Dans un contexte favorable à la décolonisation, la France refuse l’indépendance du pays.
Comment l’Algérie est-elle devenue indépendante et quelles en sont les conséquences ?
La première partie pouvait rappeler le contexte local et international :
Dès la fin de la Seconde Guerre mondiale, des revendications indépendantistes finissent par un massacre de grande ampleur (Setif, Guelma et Kherrata) dans l’est algérien. Les indépendantistes algériens comprennent alors que la seule voie possible pour se décoloniser est la guerre, en prenant l’exemple indochinois (indépendant en 1954).
Cette colonisation n’est pas acceptée d’une manière générale par les indigènes : un million d’Européens (appelés pieds-noirs) sont avantagés sur de nombreux points par rapport aux huit millions d’indigènes musulmans : ils sont citoyens français contrairement aux indigènes, ont accès à l’école et aux hôpitaux et sont dans une situation sociale favorable (plus de terres, des emplois mieux rémunérés, etc.)
Le contexte international est aussi favorable à la décolonisation. Les deux grandes puissances (États-Unis et l’URSS) n’ont pas de colonies et soutiennent ces peuples tout comme l’ONU qui proclame « le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ».
La seconde partie aborde la guerre d’indépendance en elle-même.
Le 1er novembre 1954, un mouvement indépendantiste algérien, le Front de libération nationale (FLN), se lance dans la lutte armée en commettant des attentats contre les Européens sur l’ensemble du territoire algérien (Toussaint Rouge). Après les avoir considérés comme de simples hors-la-loi, la France envoie finalement des soldats de métier, des appelés du contingent, ainsi que des supplétifs indigènes (les harkis) pour pacifier le pays. L’armée française, l’une des plus puissantes du monde (hélicoptères, armements, explosifs…) a en face d’elle l’ALN (l’Armée de libération nationale) et l’armée du FLN qui est bien moins équipée et moins nombreuse.
La guerre s’engage et commence par une guérilla qui s’installe dans les montagnes, les forêts et même les villes (bataille d’Alger, 1957). La guerre se propage ensuite en métropole, et la police française va jusqu’à tuer de nombreux immigrés algériens bravant le cessez-le-feu à Paris le 17 octobre 1961.
Face à un ennemi invisible, l’armée française utilise la torture pour obtenir des renseignements. Elle empêche aussi le FLN de profiter du soutien de la Tunisie et du Maroc en électrifiant des barrages aux frontières pour empêcher les incursions d’armes et d’indépendantistes.
Cette guerre entraîne le retour au pouvoir du général de Gaulle en 1958 appelé par les pieds-noirs pour rétablir l’ordre et maintenir l’Algérie française. Mais de Gaulle comprend que l’indépendance est inévitable et engage des négociations : en mars 1962, les accords d’Évian sont signés et un référendum en Algérie sur l’autodétermination valide l’indépendance. Le 5 juillet 1962, l’Algérie devient officiellement indépendante avec Ben Bella pour président.
Dans la troisième partie, nous traiterons des conséquences de cette guerre tant en France qu’en Algérie.
L’indépendance de l’Algérie entraîne le départ rapide de plus d’un million de pieds-noirs vers la France, ainsi que des milliers de harkis fuyant les représailles. Certains pieds-noirs ont refusé cette indépendance en créant un groupe terroriste : dès 1961, l’OAS, une organisation secrète, commet des attentats aussi bien en Algérie qu’en France. Au final, le bilan humain est lourd : 300 000 morts du côté algérien et environ 30 000 du côté français. Au niveau politique, le FLN triomphant installe un régime autoritaire en Algérie et est encore au pouvoir aujourd’hui.
En France, cette guerre a entraîné un changement de constitution sur les volontés du général de Gaulle qui est devenu le premier président de la Ve République.
Cette guerre continue d’avoir des conséquences sur la mémoire collective française et algérienne et a généré des tensions encore palpables aujourd’hui.
En conclusion, l’indépendance algérienne est obtenue de manière violente après huit années de guerre. Une fois l’indépendance déclarée, l’Algérie rejoint de nombreux pays décolonisés qui forment, dans un contexte de guerre froide, les pays du tiers-monde refusant de s’aligner sur les Américains ou les Soviétiques.
2 – Comprendre et pratiquer un autre langage : utiliser des repères historiques
Les dates étaient très simples cette année : 1989 pour la chute du mur de Berlin, 1945 pour la naissance de l’ONU et 1957 pour le traité de Rome. Sur la frise chronologique, il fallait situer la guerre froide avec un figuré approprié et donc, par exemple, colorier la frise de 1947 à 1991. Il fallait enfin choisir une date choisie librement et son figuré : celui-ci pouvait un petit trait (ou flèche) vertical partant de la graduation de la frise vers l’extérieur.
Exercice 3. Mobiliser des compétences issues de l’enseignement moral et
civique (10 points)
Petit clin d’œil peut-être à la cérémonie des Jeux olympiques d’été de 2024 mettant en avant dix portraits de femmes françaises, le sujet portait cette année sur l’égalité femmes-hommes. Il comptait deux documents : une affiche de campagne « L’égalité, ça se travaille ! », avec la figure d’Ada Lovelace (1815–1852, pionnière de la programmation) et un extrait de l’article 1er de la constitution de la Ve République. Les élèves pouvaient s’aider des chapitres sur l’engagement et la conquête de l’égalité étudiés en EMC, mais aussi de deux chapitres d’histoire : l’un abordé en quatrième (Conditions féminines dans une société en mutation) et l’autre en troisième (Femmes et hommes dans la société française des années 1950 à 1980).
1) L’affiche montre qu’il y a très peu de femmes dans les études d’informatique (11 % seulement) alors qu’elles ont les mêmes capacités que les hommes. Ce document met en évidence les inégalités de genre en matière d’orientation scolaire (études).
2) L’extrait de la Constitution qui montre que l’égalité est une valeur de la République est le suivant : « Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens ».
3) La mathématicienne Ada Lovelace est une pionnière de la programmation informatique : les filles peuvent donc s’identifier à elle, cela peut ainsi leur donner confiance et ôter leur complexe. Le fait qu’elle est vécue au XIXe siècle montre que les femmes ont toujours excellé dans de nombreux domaines, et pas seulement scientifiques.
Ce portrait permet donc de casser les stéréotypes de genre en termes d’études et de métier.
4) Pour la dernière question, les élèves devaient rédiger un discours à l’occasion du 8 mars, journée internationale des droits des femmes. Dans ce discours, il fallait expliquer que les inégalités femmes-hommes, contraires aux valeurs de la République, persistent. Les élèves devaient ensuite présenter deux idées concrètes pour sensibiliser les camarades de leur collège à la question des inégalités.
Pour commencer, il fallait rappeler le contexte du 8 mars : la journée internationale des droits des femmes, jour férié dans certains pays (en Russie, par exemple).
Ensuite, en s’appuyant sur la Constitution, il fallait montrer que ces inégalités sont illégales : la constitution française rappelle que l’égalité est une des valeurs qu’elle défend alors qu’elle interdit les discriminations de genre et de sexe.
Malgré ce cadre légal, il fallait ensuite souligner que ces inégalités persistent en choisissant deux ou trois domaines :
– dans le monde professionnel : à travail égal, les femmes gagnent encore 22 % de moins que les hommes en France ;
– dans le monde politique : malgré une loi sur la parité, celle-ci n’est pas atteinte à l’Assemblée nationale ni au Sénat. Aucune femme n’a été présidente de la République et peu de femmes sont maires de grandes communes françaises ;
– dans la vie quotidienne au sein d’un couple : les femmes assument encore beaucoup plus de tâches ménagères que leurs maris et s’occupent davantage de leurs enfants ;
– dans les études : même en situation de réussite scolaire, les femmes ont souvent moins d’ambitions que les hommes par complexe d’infériorité ou car elles pensent déjà à leur future vie familiale.
Pour finir, des idées concrètes pour sensibiliser les collégiens :
– organiser des journées de sensibilisation au sein du collège avec des interventions de femmes cassant les codes et les stéréotypes de genre (une routière, une ingénieure, une médecin, une mécanicienne etc.) ;
– afficher des portraits de femmes illustres (comme les athlètes des JO) dans tout le collège ;
– organiser des débats en classe sur le sexisme, une discrimination à combattre comme toutes les autres ;
– organiser une exposition de photos d’élèves occupant une fonction attachée à un genre (un assistant maternel, une boxeuse, une pilote d’avion, un assistant social, etc.).
L’élève pouvait conclure par une dernière phrase incisive en rappelant qu’il faut poursuivre cette lutte pour l’égalité tant chez les filles que chez les garçons (on peut être un homme et féministe !)
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